Aspects cliniques de l’immunothérapie aux venins.
Cette session s’est intéressée à trois aspects différents de la prise en charge des patients allergiques aux venins : l’auto-prise en charge par les patients des réactions aux piqûres (Bilo, Italie), la gestion des réactions anaphylactiques récidivantes induites par le traitement (Ruëff, Allemagne), enfin la question du meilleur régime thérapeutique à appliquer (Cichocka, Pologne).
En ce qui concerne les recommandations données aux patients ayant présenté une réaction allergique aux venins, il est conseillé qu’ils aient une trousse d’urgence comprenant un stylo auto-injectable d’adrénaline, des comprimés d’antiH1 et de corticoïdes à action rapide, et des béta2-mimétiques en inhalation en cas d’asthme ; mais seule l’adrénaline est une recommandation de niveau A.
Dans une enquête récente sur 164 décès par piqûre d’hyménoptère, seuls 14% des sujets en avaient reçu avant leur décès.
Les modalités de prescription seront reprécisées dans les nouvelles recommandations 2014 de l’EAACI qui sont actuellement sous presse.
A qui faut-il prescrire l’adrénaline ?
- aux patients non encore traités
- aux patients en cours de traitement jusqu’à ce que la dose de maintenance soit atteinte
- au-delà de la maintenance, la prescription est controversée ; elle dépend des différents facteurs prédictifs d’efficacité clinique, incluant le risque ultérieur de réaction systémique et l’histoire naturelle de l’allergie (un article récent de Ruëff, dans la revue Clin Exp Allergy en 2014, fait le point à ce sujet)
- en cas de mastocytose
- en cas de réaction initiale de grade III (voire de grade II pour l’abeille ?), de réaction survenue pendant l’immunothérapie.
Que faut-il faire chez les patients ayant présenté une réaction systémique et qui ont des tests négatifs ? Quand on leur fait un test de provocation 14% réagissent ; il est donc prudent de leur prescrire, surtout s’ils ont une mastocytose, sauf s’ils ont fait une réaction modérée et qu’un deuxième bilan reste négatif à 6 mois (mais pas de consensus).
Certains patients doivent avoir 2 stylos :
- ceux qui ont une mastocytose et un taux de tryptase basale élevé
- ceux qui ont eu une réaction presque fatale
- ceux qui n’ont pas d’accès possible rapide à une prise en charge médicale
- en cas d’obésité.
Reste qu’une éducation est indispensable sur la gestion de l’anaphylaxie :
- auprès des médecins : généralistes, pédiatres, urgentistes (tant sur les signes cliniques que sur la prescription d’adrénaline et le recours systématique à un bilan allergologique)
- auprès des patients (quand et comment faire l’injection, quelles sont les mesures de base à mettre en place : décubitus dorsal, jambes surélevées…).
Les réactions systémiques survenant au cours de la désensibilisation surviennent selon les publications entre 10 et 35% des cas.
Les facteurs de risque sont :
- les traitements au venin d’abeille
- une mastocytose
- une infection concomitante
- un stress psycho-végétatif (attaque de panique)
- un traitement associé par IEC ?
En cas de réaction légère ou modérée, on peut réduire les doses, ralentir la progression ou envisager des injections espacées ; en cas de réaction sévère, reconsidérer le traitement ou le recommencer en adaptant le protocole.
Quels sont les éléments ou les moyens que l’on a à disposition :
- traiter une éventuelle maladie sous-jacente au préalable
- arrêter les IEC
- vis à vis de l’immunothérapie, on peut :
- changer le produit utilisé (moins de réactions avec des produits non aqueux)
- modifier la rapidité de la progression ; les protocoles lents conventionnels semblent donner moins de réactions que des ultra-rush, mais il n’y a pas de consensus
- certains (Bousquet et d’autres) ont proposé d’augmenter les doses de maintenance (200, voire 300 µg par injection), d’autres de les diminuer…
- mettre en place un traitement préventif : les antiH1 n’ont d’intérêt que dans les réactions légères, les anti-leucotriènes et les corticoïdes sont inefficaces sur les réactions plus sévères ; reste les anti-IgE (omalizumab) pour lesquels de nombreux cas rapportés montrent que leur utilisation en préventif avant les injections permet de contrôler des réactions sévères antérieures ; les schémas utilisés sont très variables et il n’y a aucun consensus ; par ailleurs il n’y a pas d’AMM dans cette indication, et le surcoût du traitement global est important.
En ce qui concerne enfin le meilleur régime thérapeutique, l’auteur a revu les différents protocoles utilisés (conventionnel, en cluster, rush, ultra-rush) en les analysant en terme de sécurité, d’efficacité, de coût., sans apporter de nouvelles données.
Donc pas de nouveautés majeures. Il faut rappeler la publication prochaine des nouvelles recommandations européennes 2014 de l’EAACI, qui apporteront des précisions sur la prise en charge des allergies au venin.
De l’asthme à la BPCO.
Ce symposium a traité des rapports évolutifs entre asthme et BPCO, sous trois angles différents.
Pathologie des voies aériennes dans la petite enfance et asthme ultérieur (Mäkelä, Finlande)
Dans le premier exposé, Mäkelä a d’abord rappelé que l’asthme est loin de résumer toutes les pathologies des voies aériennes de l’enfant, et qu’il faut toujours éliminer les diagnostics différentiels (trachéomalacie, dysfonction des cordes vocales...).
Dans les asthmes difficiles, il existe un remodelage important des voies aériennes (augmentation locale de la laminine et du collagène IV), avec un épaississement précoce de la membrane basale réticulaire, qui est associé à l’importance des symptômes cliniques, à une obstruction plus sévère des voies aériennes et à une majoration de l’hyperréactivité bronchique.
Des études ont montré que :
- l’épaississement précoce de la MB chez le nourrisson est corrélé aux sifflements et à la fonction respiratoire ultérieurs, ainsi qu’à l’utilisation de corticoïdes inhalés à l’âge de 3 ans et de 8 ans
- un épaississement de la MB chez les enfants siffleurs à l’âge préscolaire est associé à de l’asthme à l’âge scolaire
- il y a une relation entre des taux élevés de métalloprotéases (MMP-9, TIMP-1) dans le lavage alvéolaire chez des enfants siffleurs à l’âge préscolaire et la persistance ultérieure de sifflements.
Une publication récente (Heijink, Cin Exp Allergy 2014) a montré l’importance de l’épithélium bronchique en tant que « barrière épithéliale » ; des gènes de susceptibilité d’asthme sont exprimés au niveau de l’épithélium et jouent un rôle dans la pathogénie de la maladie ; la barrière épithéliale est souvent rompue dans l’asthme et des polymorphismes de certains gènes (PCDH1, SMAD3) peuvent affecter cette barrière, augmentant la vulnérabilité de l’épithélium aux substances de l’environnement, notamment aux allergènes et aux virus ; il en résulte des signaux aberrants entre cellules épithéliales et immunes, favorisant une inflammation de type Th2.
Ces anomalies précoces de la barrière épithéliale pourraient expliquer un remodelage ultérieur des voies aériennes chez les enfants, et pourraient être une cible thérapeutique dans la prévention des modifications de la muqueuse bronchique.
L’auteur conclut que certains enfants ont un remodelage précoce des voies aériennes à l’origine d’une hypertrophie du muscle lisse bronchique et d’une hyperréactivité bronchique responsables d’une morbidité respiratoire ultérieure. Ce remodelage pourrait être lié à des anomalies géniques de la barrière épithéliale.
Facteurs prédictifs de l’obstruction fixée des voies aériennes dans l’asthme infantile (Fleming, Royaume-Uni)
Fleming a expliqué que certains enfants peuvent garder une limitation persistante des débits des voies aériennes (LPD) après plusieurs épisodes aigus de la petite enfance, malgré des traitements agressifs par bêtamimétiques et corticoïdes (jusqu’à 23% des enfants dans une étude récente).
Une étude présentée à l’ATS en 2014 montrait, dans un groupe d’enfants suivis pendant 18 ans, que 21% de ceux ayant eu un déclin précoce de la fonction respiratoire avaient des critères de BPCO à l’âge adulte.
Cette LPD est fréquente dans l’asthme pédiatrique sévère, est souvent fixée avant l’âge de 10 ans et liée à un remodelage avec hypertrophie des cellules musculaires bronchiques. L’inflammation joue aussi un rôle comme le montre la relation entre les taux de protéine cationique éosinophile dans l’expectoration et le VEMS post-bronchodilatateur.
Les facteurs de risque de cette obstruction persistante tardive sont la prématurité, l’exposition tabagique passive précoce, la pollution, les infections respiratoires de l’enfance, et une susceptibilité génétique.
Exacerbations : asthme versus BPCO (Fabbri, Italie)
Enfin Fabbri a fait le point sur ce qui distingue les exacerbations de l’asthme et de la BPCO. Pas de grande nouveauté :
- à noter dans l’asthme qu’une mise à jour des recommandations GINA a été publiée en mai 2014, et comporte des nouveautés intéressantes (traitements adaptés aux phénotypes, comme le mépolizumab dans les asthmes sévères hyperéosinophiliques)
- dans la BPCO, il a rappelé que la BPCO est une maladie chronique systémique complexe avec une composante pulmonaire prépondérante, et que les exacerbations aigues des symptômes chez les patients BPCO n’étaient pas toujours liées à une exacerbation de la BPCO elle-même mais à des facteurs associés, notamment cardiaques. Le sevrage tabagique reste la pierre angulaire de la prévention de la maladie et donc des exacerbations.
Session de présentations orales
Allergie médicamenteuse : des mécanismes au diagnostic.
Cette session était composée de 6 présentations orales successives, alliant des données cliniques et pathogéniques sur certaines hypersensibilités médicamenteuses.
Evaluation diagnostique des réactions d’hypersensibilité aux bétalactamines (BL) dans une population d’enfants (Torres, Espagne).
Entre 2006 et 2012, 783 enfants âgés de 1 à 14 ans, qui avaient eu des symptômes suggérant une hypersensibilité aux BL ont eu une évaluation associant l’histoire clinique, le dosage des IgE spécifiques (aux déterminants Péni et à l’amoxicilline), les tests cutanés, et si nécessaire un test de provocation (TP).
Les résultats montrent que :
- 62 enfants (7.9%) ont eu une confirmation de réaction de type allergique, dont 9 (14.5%) immédiate et 53 (85.5%) non immédiate
- parmi les 9 avec une réaction immédiate, 2 ont été diagnostiqués par test in vitro, 2 par test cutané, et 5 par TP
- parmi les 53 avec réaction non immédiate, 2 ont été diagnostiqués par test cutané et 51 par TP
- le TP était positif au médicament suspect dans tous les cas
- les symptômes les plus fréquents étaient un exanthème (43 cas) et une urticaire (12 cas).
Cette étude confirme donc que les réactions de type allergique aux BL chez l’enfant sont rares (moins de 10% des cas suspectés), que la plupart des réactions sont non immédiates, et que le TP est un élément essentiel du diagnostic.
Réactions aux produits de contraste iodés (PCI) dans une unité allergologique (Gutteriez, Espagne).
Les auteurs rapportent les résultats rétrospectifs du bilan de 53 sujets ayant eu une histoire de réaction à un PCI en 2012 :
- des tests cutanés (PTet IDR) étaient réalisés avec les PCI aux concentrations de 1/100 et 1/10
- un TP par voie IV était réalisé en simple aveugle contre placebo en cas de tests cutanés négatifs
- les réactions étaient immédiates (RI) dans 45% des cas et non immédiates (RNI) dans 55% des cas
- chez les 24 sujets avec RI : 1 seul avait des tests cutanés positifs et a toléré le TP à un autre PCI, et 2 ont eu un TP positif malgré des tests négatifs
- chez les 29 sujets avec une RNI : 2 avaient des tests cutanés positifs, et 7 un TP positif malgré des tests négatifs
- parmi les 9 patients avec un TP positif malgré des tests cutanés négatifs, 7 avaient eu la réaction clinique moins de 6 mois avant le TP.
Au total, les tests cutanés ont permis d’identifier une allergie aux PCI chez 5.6% des patients, et chez 15.9% par TP par voie IV ; la sensibilité des tests cutanés est donc faible, ce qui démontre la nécessité de réaliser un TP à visée diagnostique.
Faible reproductibilité et défaut de libération d’histamine chez les sujets ayant des tests cutanés (TC) positifs à la pénicilline et à l’insuline (Tannert, Danemark).
Seulement 1/3 des patients avec des IDR positives à la pénicilline ont aussi des IgE positives et vice-versa, contrairement aux sujets sensibilisés par exemple à l’insuline. Pour expliquer ce paradoxe, les auteurs ont étudié la libération d’histamine au niveau des papules réalisées au cours des IDR.
Ils ont évalué 18 patients avec des IDR positives en immédiat à la pénicilline, 7 avec des IDR positives en non immédiat et 6 avec des IDR positives en immédiat à l’insuline, ainsi que 6 sujets ayant une allergie aux pollens et 13 sujets contrôles.
La mesure de la libération d’histamine a été réalisée au moyen d’une technique de microdialyse au niveau des papules intradermiques. L’histamine était mesurée dans l’éluant à l’état basal et après une IDR de 50 µl avec le médicament suspect, après que l’histamine résiduelle des mastocytes cutanés ait été libérée après une injection de codéine. L’histamine de l’éluant était analysée ensuite par spectroscopie en fluoroscopie.
La reproductibilité des IDR, initialement positives en immédiat à la pénicilline, était très faible (3 sur 18), mais élevée pour les IDR non immédiates (7 sur 7), alors que 3 des 6 IDR positives en immédiat à l’insuline étaient reproductibles ; l’histamine était présente dans l’éluant d’ 1 seule des IDR positives en immédiat (3 pénicilline, 3 insuline), alors que tous les allergiques aux pollens libéraient de l’histamine lors des IDR aux pollens ; 5 patients ont eu ensuite un challenge à la pénicilline, dont 2 positives, qui ont aussi développé des IgE spécifiques et une réaction immédiate à la pénicilline.
Les auteurs concluent, par cette étude très intéressante dans son concept, que la reproductibilité des IDR à réponse immédiate à l’insuline et à la pénicilline est faible. De façon surprenante, toutes les réactions positives ne s’accompagnent pas d’une libération mesurable d’histamine locale. La validité des réactions immédiates des IDR à la pénicilline et à l’insuline doit être interprétée avec précaution.
Production d’anticorps anti-Infliximab et conséquences cliniques : effets secondaires et perte de la réponse (Matucci, Italie).
Comme d’autres biothérapies, l’Infliximab(I) présente des risques d’immunogénicité avec production d’anticorps spécifiques qui conduit à une perte d’efficacité ou des réactions aigues lors des perfusions.
Cette étude visait à étudier le développement d’anticorps spécifiques de l’I chez 216 patients traités pour des maladies inflammatoires ou des vascularites diverses ; les patients étaient séparés en plusieurs groupes en fonction de leur réponse ou non au traitement et de la survenue d’une réaction à l’injection.
Les résultats montrent que :
- plus le patient était bon répondeur et moins il réagissait lors du traitement, moins le taux d’anticorps était élevé (11.5% d’anticorps chez les répondeurs complets et 100% chez les non répondeurs ayant des réactions lors des injections)
- les patients présentant des réactions adverses avaient les taux les plus élevés (environ 3 fois plus)
- 24% des patients réactifs avaient des tests cutanés positifs à l’I
- le développement des anticorps survenait après les premières perfusions dans tous les groupes, même après interruption temporaire du traitement
- il semble enfin que l’immunogénicité diminue avec le temps.
Toutes ces informations sont importantes pour la prise en charge des patients.
Corrélation d’un test fonctionnel éicosanoïde avec la provocation systémique à l’aspirine (Schafer, Allemagne).
Les auteurs ont évalué l’intérêt du test par dosage sérique du marqueur éicosanoïde (TFE) lors d’un test de provocation (TP) IV à l’aspirine chez 52 patients ayant une polypose et/ou une rhinite et/ou de l’asthme en rapport avec une hypersensibilité à l’aspirine ou aux AINS. Le prélévement sérique de ce marqueur (qui reflète un des mécanismes physiopathologiques de l’hypersensibilité aux AINS) était effectué avant le TP.
Les résultats montrent que :
- les TP étaient positifs dans 67% des cas, négatifs dans 21% et non faisables (asthme non contrôlé) dans 12%
- les valeurs du TFE étaient corrélées à l’histoire médicale et aux résultats du TP, avec un coefficient de corrélation très élevé (0.84).
Les auteurs concluent que le TFE pourrait avoir un intérêt diagnostique, même chez des patients en externe sans prendre le risque éventuel lié au TP.
L’aspirine dérégule FOSL1en perturbant la protection pulmonaire dans l’asthme induit par l’aspirine (Kacprzak, Pologne).
Les auteurs ont cherché à reconnaître des gènes cibles qui seraient impliqués dans la pathogénie de l’asthme induit par l’aspirine, en comparant sur les cellules monocytaires du sang le profil génétique (par « scanner complet du génome ») de patients asthmatiques intolérants et tolérants à l’aspirine, ainsi que de volontaires sains, dans la population polonaise.
Les études par puces ont montré que l’expression de l’ARNm de FOSL1 (FOS-like Antigène 1, inclus dans le facteur de transcription AP1) était abaissé de façon significative chez les sujets intolérants à l’aspirine par rapport aux sujets tolérants et aux témoins, ce qui a été confirmé au niveau de la protéine.
Ce résultat peut constituer un nouvel élément dans la compréhension de la pathogénie de l’asthme à l’aspirine.
Symposium : Mise au point sur le diagnostic en allergie médicamenteuse.
Ce symposium visait à actualiser les données concernant trois points du diagnostic en allergologie médicamenteuse : les tests cutanés (Brockow, Allemagne), le test d’activation des basophiles (Knol, Hollande), et les tests de provocation aux médicaments (Garvey, Danemark).
Les réactions d’hypersensibilité aux médicaments sont soit d’origine immune (immédiates ou non immédiates) soit médiées par un mécanisme non immun, et il va donc falloir choisir les tests les plus appropriés pour le diagnostic, en sachant que la place des IgE spécifiques n’est pas abordée dans ce symposium.
Concernant les tests cutanés (pricks, IDR, ou éventuellement les patchs) :
- la prévalence des tests positifs est globalement de 15 à 20%, et pour beaucoup de médicaments, leur valeur diagnostique n’est pas bien ou pas du tout documentée
- les pricks sont assez spécifiques et peu sensibles par opposition aux IDR dont le risque de faux positifs est plus grand ; les faux négatifs peuvent être liés à un mécanisme non allergique de la réaction, à un problème technique (trop peu d’antigène, pénétration insuffisante, médicament altérant la sensibilité cutanée) ou à d’autres facteurs divers (métabolisme des médicaments…)
- pour certains médicaments, la sensibilité des tests n’est pas suffisante ou adaptée pour exclure en cas de négativité une hypersensibilité (produits de contraste par exemple)
- la sensibilité évolue aussi avec le temps (à 1 an, 50% des sujets allergiques aux bétalactamines ont perdu leur sensibilité)
- il est important de pouvoir disposer de méthodes standardisées et validées pour la réalisation des tests cutanés, tant les différences sont importantes d’un pays européen à l’autre ; des standards ont été publiés par le groupe européen spécifique (EAACI/ENDA)
- et il ne faut pas oublier qu’un test cutané positif permet souvent d’éviter un test de provocation quand l’histoire clinique est fiable, et qu’un test négatif ne permet pas d’exclure une hypersensibilité.
Le test d’activation des basophiles (TAB) par cytomètrie de flux utilise le marqueur CD63 qui se lie à la membrane des granules des basophiles ; il est corrélé à la libération d’histamine.
Il est important de se rappeler que 5% des sujets ont des basophiles qui n’ont pas d’activité anti-IgE , et ce test n’est donc pas valide chez ces patients.
Par ailleurs, le résultat dépend des concentrations de chacun des médicaments utilisés.
La valeur du test est variable selon la molécule explorée :
- pour les béta-lactamines, la sensibilité est d’environ 50% et la spécificité de 95%
- pour les curares, les résultats sont à peu près les mêmes ; le test est indiqué en cas de doute diagnostique ou de tests cutanés négatifs ; il peut être également intéressant pour l’étude de la réactivité croisée et pour trouver une alternative
- pour les AINS, la sensibilité est médiocre (< à 50%) et la spécificité est d’environ 80% ; mais la majorité des réactions ne sont pas IgE dépendantes.
Au total, ce test est relativement peu sensible et assez spécifique, et peut être informatif pour un certain groupe de médicaments ; il peut représenter une alternative à un test de provocation jugé trop dangereux et servir d’évaluation de la réactivité croisée. Les indications restent donc au cas par cas.
Dans le futur, de nouveaux marqueurs d’activité des basophiles seront disponibles, qui pourront en améliorer les performances et donc les indications.
Pour ce qui concerne enfin les tests de provocation (TP) aux médicaments :
- ils permettent de reproduire les symptômes quel que soit le mécanisme de la réaction (IgE dépendante, IgG, non IgE ou IgG, non allergique)
- ils ont une grande valeur prédictive négative
- ils présentent un certain nombre d’inconvénients : le risque potentiel clinique, la lourdeur du protocole, les critères de positivité difficiles à standardiser, le risque trop important pour certaines molécules (curares, opioïdes forts…), et ils ne prennent pas en compte les cofacteurs de la réaction initiale (stress, exercice AINS associés, prise d’alcool…)
- leurs indications principales sont :
- d’exclure une réaction allergique quand l’histoire clinique n’est pas évocatrice (anesthésiques locaux par exemple)
- confirmer ou exclure une molécule en cas d’exposition médicamenteuse multiple (en anesthésiologie surtout)
- confirmer ou exclure une allergie quand tous les autres tests sont négatifs, non concluants ou indisponibles
- trouver une alternative à un médicament responsable ou très suspect
- exclure une réactivité croisée
- le TP reste donc l’étalon or du diagnostic d’allergie à un médicament et ses indications dépendent de l’évaluation du rapport bénéfice/risque pour chaque patient.
Au total ce symposium a fait une bonne mise au point sur le diagnostic des réactions médicamenteuses, qu’elle soient allergiques ou non, mais sans apporter d’élément nouveau fondamental.
Session « Year in Review 1 » : Nouvelles options de traitement pour l’asthme.
Cette session était une mise à jour sur le rôle des neutrophiles et le rôle des antibiotiques dans l’asthme.
Nair (Canada) a évoqué le rôle de l’inflammation bronchique à neutrophiles dans l’asthme, en se posant des questions sur l’existence d’un phénotype asthmatique neutrophilique :
- il y a des arguments en faveur dans certaines études transversales
- il y a aussi des arguments contre : ce phénotype n’est pas stable dans le temps, le nombre des neutrophiles pourrait être lié aux doses de corticoïdes utilisées ou refléter l’altération du microbiome, et la diminution du nombre des neutrophiles peut ne pas améliorer la maladie asthmatique
- les neutrophiles pourraient-ils in fine être bénéfiques dans l’asthme ?
Les principaux arguments en faveur de l’existence de ce phénotype se rencontrent surtout dans les asthmes sévères où l’on a montré que les neutrophiles prédominent par rapport aux éosinophiles et qu’il y a une relation entre le VEMS et le nombre de neutrophiles.
Par ailleurs, l’analyse des biopsies bronchiques, du LBA et des expectorations a montré que les neutrophiles sont augmentés dans l’asthme sévère davantage que les éosinophiles et qu’ils sont activés ; par contre les neutrophiles sériques n’ont aucune valeur prédictive.
Si l’asthme neutrophilique est une entité à part, peut-il y avoir des implications thérapeutiques ?
Plusieurs types potentiels de traitement ont été essayés :
- les antagonistes de la LTB4 et les inhibiteurs de prostaglandines n’ont pas d’effet, la voie des antiTNF a été abandonnée, les inhibiteurs de l’élastase des neutrophiles et les inhibiteurs de MPO sont en développement
- les antibiotiques (Clarythromycine, Azithromycine) ont montré des résultats modestes
- les antagonistes des CXCR2 (qui sont exprimés de façon importante dans les neutrophiles) ont montré des résultats modestes : s’ils diminuent le taux des neutrophiles dans les expectorations, ils n’ont que peu d’effets sur la fonction respiratoire.
Il semble donc que le phénotype neutrophilique existe bien mais sa place précise dans la physiopathologie n’est pas très claire et les interventions thérapeutiques visant à réduire le nombre des neutrophiles n’ont montré au plus qu’une amélioration modeste de l’asthme.
Scaglione (Italie) a fait le point sur le rôle des antibiotiques dans l’asthme.
De nombreuses études antérieures ont évoqué le rôle possible du mycoplasme dans les exacerbations d’asthme.
On sait par ailleurs qu’il existe une relation chez les petits enfants entre la colonisation bactérienne des voies aériennes et le risque de sifflements récurrents et d’asthme.
A côté de l ‘effet purement anti-infectieux, les antibiotiques ont-ils un autre mode d’action, notamment anti-inflammatoire ?
L’histoire ancienne nous rappelle l’utilisation d’un macrolide (TAO) dans les asthmes sévères cortico-dépendants ; cela a valu d’ailleurs une revue Cochrane en 2001 qui a conclu à l’absence d’argument franc en faveur de cette option de traitement.
Depuis, de nombreux travaux se sont intéressés au rôle immuno-modulatoire des macrolides dans l’asthme, comme d’ailleurs dans d’autres pathologies respiratoires (dilatations des bronches…).
Dans l’asthme, il en ressort des données peu convaincantes actuellement, même si leur effet bénéfique potentiel ne peut pas être éliminé.
Une étude récente, randomisée en double-aveugle contre placebo, a montré que l’azithromycine avait un effet préventif sur les exacerbations d’asthme sévère à neutrophiles et pas celles à éosinophiles, ce qui nous ramène à la présentation précédente.
Si l’antibiothérapie active de toute infection bactérienne (difficile d’ailleurs à prouver en pratique) permet de diminuer l’inflammation bronchique et donc à terme le remodelage bronchique, il n’y a pas à ce jour d’argument probant pour l’utiliser (et notamment les macrolides) au long cours en préventif dans la maladie asthmatique, d’autant qu’elle peut avoir des effets délétères en terme de résistance microbienne.
Cette session nous a donc laissé sur notre faim, les concepts physiopathologiques restant pour l’instant descriptifs, sans que des applications pratiques en terme de prise en charge thérapeutique au long cours puissent être proposées.