Ecoutez votre adolescent : s’il considère son traitement stigmatisant… il ne le fait pas !!!

lundi 15 février 2016 par Dr Cécilia Nocent8464 visites

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Ecoutez votre adolescent : s’il considère son traitement stigmatisant… il ne le fait pas !!!

Ecoutez votre adolescent : s’il considère son traitement stigmatisant… il ne le fait pas !!!

lundi 15 février 2016, par Dr Cécilia Nocent

Compliance et fardeau du traitement par adrénaline auto-injectable chez des adolescents ayant des allergies alimentaires : Saleh-Langenberg J, Flokstra-de Blok BMJ, Goossens NJ, Kemna JC, van der Velde JL, Dubois AEJ.

The compliance and burden of treatment with the epinephrine auto-injector in food-allergic adolescents.

dans Pediatr Allergy Immunol 2016 : 27 : 28–34.

 Contexte :

  • Les patients présentant des allergies alimentaires à haut risque de réaction anaphylactique fatale doivent avoir toujours avec eux un stylo auto-injecteur d’adrénaline (EIA).
  • Ce traitement peut être perçu comme lourd et pourrait affecter la compliance et la qualité de vie liée à la santé.
  • Les buts de cette étude étaient de déterminer le poids d’un traitement par EAI, d’examiner la relation entre poids et compliance et d’analyser quels sont les facteurs perçus par les adolescents allergiques alimentaires et leurs parents intervenant dans la lourdeur du traitement par EAI.

 Méthodes :

  • Des adolescents hollandais allergiques alimentaires ayant une prescription d’EAI et leurs parents ont rempli un ensemble de questionnaires (n=55).
  • Les relations entre poids du traitement et qualité de vie, sévérité de la maladie et perception et mesures d’anxiété étaient étudiées.

 Résultats :

  • Les adolescents allergiques alimentaires et leurs parents étaient très positifs à propos de l’EAI (54.5% et 72.7% respectivement).
  • La mesure du poids du traitement était significativement considérée comme plus élevée dans le groupe des adolescents allergiques alimentaires ayant une prescription d’EAI et ne l’ayant pas toujours avec eux que dans le groupe de ceux qui rapportaient avoir leur EAI sur eux en continu.
  • Les scores de poids thérapeutiques chez les adolescents et leurs parents n’étaient pas associés à la qualité de vie liée à la santé, ni à la sévérité de la maladie et sa perception, ni aux traits d’anxiété.

 Conclusions :

  • La majorité des adolescents allergiques alimentaires et leurs parents étaient positifs par rapport à l’EAI.
  • Cependant, le poids du traitement était significativement associé à la compliance auto-évaluée de transporter son EAI avec soi.
  • Le poids du traitement était considéré comme plus élevé chez les adolescents allergiques alimentaires ayant une prescription d’EAI et ne l’ayant pas avec eux tout le temps.
  • La mesure du poids du traitement pourrait être un outil pour évaluer l’adhésion au transport d’un EAI en continu.
  • Le poids thérapeutique d’un EAI n’est pas corrélé à la qualité de vie liée à la santé.
  • Le poids du traitement mesure un concept différent lié au comportement de compliance au traitement.

Comment des adolescents allergiques alimentaires devant avoir toujours avec eux un stylo auto-injecteur d’adrénaline vivent-ils cette contrainte ? Et leurs parents ?

Cette étude néerlandaise publiée dans Pediatric Allergy and Immunology s’intéresse à cette question. En effet, nous savons faire le diagnostic d’allergie alimentaire, nous connaissons des critères de gravité et n’hésitons pas à prescrire à des enfants, des adolescents ou des adultes des systèmes d’auto-injection d’adrénaline.

Sur le plan médical, nous sommes persuadés de l’intérêt de cette prescription et de son effet potentiellement salvateur. Mais si l’on se met à la place d’un adolescent ou de ses parents, qu’en est-il ? Cette prescription est-elle rassurante ou bien anxiogène ? Est ce que cette prescription retentit sur la qualité de vie ? L’adhésion à cette prescription est-elle proportionnelle à la lourdeur ressentie ?

Toutes ces questions sont très intéressantes et l’analyse des réponses peut permettre d’avancer dans la compréhension de l’observance thérapeutique et peut nous aider à modifier notre discours éducatif.

Les auteurs ont montré que la prescription d’adrénaline auto-injectable était plutôt bien perçue par les adolescents et leurs parents. Les auteurs ont constaté que dans le groupe des adolescents ne suivant pas les recommandations de porter un EAI sur eux en continu, la contrainte perçue liée au traitement était bien plus importante que dans le groupe des adolescents compliants. Par contre les auteurs n’ont pas mis en évidence de relation entre le poids perçu du traitement et la qualité de vie liée à la santé, entre ce poids et la gravité de la maladie ou l’anxiété des patients.

Il aurait été intéressant de voir si la perception était la même chez les adolescents ayant déjà eu besoin d’utiliser l’EAI par rapport à ceux ayant la prescription mais ne l’ayant jamais utilisée.

Enfin, les auteurs considèrent que la connaissance du ressenti de l’adolescent envers son traitement pourrait préjuger de son adhésion au traitement. Cela serait très intéressant pour essayer de modifier le discours éducatif pour tenter de minimiser la contrainte liée au traitement afin d’essayer de rendre les adolescents plus enclins à transporter avec eux leur EAI.

Cette étude est très intéressante et originale.

Elle permet dans un premier temps de se rendre compte que ce qu’un médecin peut considérer comme utile mais lourd est souvent bien perçu par le patient même adolescent et ses parents.

Elle permet également de trouver une relation entre la perception de la lourdeur d’un traitement par un adolescent et sa non-adhésion à ce traitement. Cette relation semble logique mais sa connaissance peut modifier le discours du médecin pour minimiser le poids thérapeutique ressenti par l’adolescent afin d’optimiser son adhésion à ce traitement.

L’étape suivante est d’essayer différentes stratégies d’éducation thérapeutique et de voir si elles permettent une meilleure adhésion au traitement.

Vos commentaires

  • Le 8 août 2017 à 11:03, par Adèle Viairon En réponse à : Ecoutez votre adolescent : s’il considère son traitement stigmatisant… il ne le fait pas !!!

    Bonjour,

    Je ne suis plus adolescente mais mon EAI m’a été prescrit quand j’avais 16 ans. J’ai d’abord été mécontente de devoir toujours emmener cette piqûre avec moi, avec en plus, des dates de péremption courtes (environ un an), donc à renouveler régulièrement. J’avais conscience de l’importance du traitement mais l’emporter partout avec moi provoquait aussi la sensation d’être contrainte. Mon regard a changé il y a un an, lorsque j’ai dû, pour la première fois, utiliser mon anapen. Cela m’a sauvé la vie avant l’arrivée des secours. Ma gratitude envers le médecin qui m’a prescrit l’EAI était sans bornes. Je pense que lorsqu’on est sauvés au moins une fois par le traitement on oublie assez vite le poids de ce traitement. j’ai aujourd’hui 22 ans donc je ne rentre pas dans les critères de l’étude, mais j’apporte tout de même ce témoignage, notamment pour les éventuels adolescents allergiques qui liraient cet article.
    Je ne sais pas s’il est bon que le discours médical se veuille plus léger ou moins anxiogène à ce propos (ce n’est peut-être pas ce que vous entendez par "minimiser le poids thérapeutique") . Décrire précisément la balance entre les risques en cas de non traitement et les contraintes engendrées par le dit traitement peut être un bon moyen de convaincre.

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