1er symposium international d’Allergologie Moléculaire - Rome - 2ème partie.

vendredi 7 avril 2006 par Dr Hervé Couteaux3139 visites

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1er symposium international d’Allergologie Moléculaire - Rome - 2ème partie.

1er symposium international d’Allergologie Moléculaire - Rome - 2ème partie.

vendredi 7 avril 2006, par Dr Hervé Couteaux

La 2è session s’intitulait : réponse immune aux molécules d’allergènes.

Après un rappel des allergènes oubliés concernant essentiellement les produits bio pharmacologiques utilisés dans des situations fort diverses en médecine, les orateurs se sont attaqués à ce qui reste (pour le moment du moins) la question centrale : Qu’est ce qui fait d’une protéine un allergène ? Isabella Scholl a abordé la question de front avec une grande clarté.

Sur un sujet qui fait débat depuis toujours, Ronald Van Ree a tordu le cou à la pertinence clinique des CCD (une fois pour toutes ?)

L’exposé sur l’activation des cellules T de Barbara Bohle a été passionnant, avec des notions innovantes qui ne resteront certainement pas sans conséquences pratiques.

Les allergènes oubliés.

Enrico Scala, Rome, Italie.

Pratiquement tous les produits bio-pharmaceutiques peuvent entraîner la formation d’anticorps, et ceci par deux mécanismes :
 Réaction à une protéine étrangère (produits bio pharmaceutiques issus de bactéries, d’animaux ou de plantes).
 Défaut de la tolérance immune aux self-antigènes.

On ne considère ici que les réactions allergiques ou les réactions d’hypersensibilité (IgE ou cellules T. médiées) causées par des protéines natives ou recombinantes devenant allergéniques une fois qu’elles sont utilisées comme médicament chez des patients.

Insuline :
 Les réactions à des insulines hétérologues sont bien connues.
 Les premiers recombinants sont déjà utilisés.
 On note quelques réactions systémiques et des réactions locales dont la fréquence varie selon les études de 15 à 55 %.

Aprotinine :
 Il s’agit d’un inhibiteur de sérine protéase utilisée en chirurgie cardiaque.
 L’arrêt d’exposition peut entraîner des réactions allergiques.
 On note environ 2,8 % de réactions adverses.

Facteur IX :
 Utilisé dans le traitement des patients porteurs d’une hémophilie de type B.

Hyaluronidases :
 Ce sont des facteurs potentialisant la diffusion dans les chimiothérapies, notamment vis-à-vis des tumeurs CNS.
 Des réactions ont été rapportées, essentiellement en pédiatrie.

Streptokinases :
 Agent fibrinolytique qui interagit avec le plasminogène.
 On note 6 % de réactions allergiques aux rSk.

Ribosome Inactivating Protein (RIP)
 Ce facteur est présent dans de nombreuses plantes, bactéries et champignons.
 Il est utilisé dans des situations pathologiques variées.
 On a rapporté jusqu’à 24 % de réactions allergiques.

Les anticorps monoclonaux (MoAb)
 Nombreuses molécules :

  • Infliximab : 9 % de réactions allergiques ; le traitement prophylactique par les antihistaminiques a semblé augmenter ses réactions...
  • Adalizumab (anti TNF alpha)
  • Trastuzumab (anti HER2/neu) utilisé en oncothérapie.
  • Et même Omalizumab (anti IgE) pour lequel on a rapporté quelques réactions...

 Dans la plupart de ces cas, des protocoles d’immunothérapie sont appliqués :

  • Pour l’insuline : 0.02, 0.04 (0.05 U/ml),......jusqu’à 0.08 (50 U/ml).
    • Cette immunothérapie peut échouer par sensibilisation aux protamines.
  • Trastuzumab : des protocoles rush ou de désensibilisation rapide sont utilisées, souvent un mélange des deux.

Conclusions :

L’introduction d’agents biologiques a permis d’améliorer considérablement de nombreux patients porteurs de nombreuses maladies auto-immunes, néoplasiques, cardio-vasculaires, allergiques et autres.

De nombreux agents biologiques sont de grands peptides et sont donc potentiellement immunogéniques.

Il n’est donc pas surprenant que diverses réactions d’hypersensibilité puissent être vues avec des allergènes négligés.

L’allergologue doit être prévenu de ces complications potentielles des thérapeutiques biologiques.

Les agents biologiques devraient être considérés comme des allergènes potentiels.

Au cours de l’enregistrement et des phases post marketing des agents biologiques, beaucoup plus d’attention devrait être portée au suivi et à l’étude des réactions allergiques.

Les approches thérapeutiques utilisées contre les réactions adverses à de telles molécules (notamment les rush immunothérapies) peuvent être un stimulus pour le traitement d’autres réactions allergiques médiées par des molécules allergéniques et même un modèle intéressant dans la compréhension de son mécanisme d’action.


Activité biologique des anticorps IgE contre les CCDs

Ronald Van Ree, Amsterdam, Pays-Bas.

Ce sont des structures carbohydrates issues de glycoprotéines des plantes.

Une structure N glycane conservée est à la base de réactions croisées.

Les CCDs sont extrêmement répandus, aussi bien dans tout ce qu’on mange que dans tout ce qu’on respire...

Il est généralement admis que, globalement, les CCDs ont une pertinence clinique limitée :

  • La plupart des patients allergiques aux pollens ou aux venins, porteurs d’IgE anti-CCDs tolèrent les aliments d’origine végétale.
  • En d’autres mots, la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis des CCDs n’est pas un facteur de risque d’allergie alimentaire.
  • Ceci est à opposer au risque important d’allergie aux fruits et aux oléagineux que représente que la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis de Bet v 1.

Où se situe la controverse ?

En pratique, on utilise des RAST/Blot - inhibition avec des glycanes pour établir le rôle des IgE anti-CCDs.

Des tests d’histamine release des basophiles sont utilisées pour établir l’activité biologique des IgE spécifiques anti-CCDs.

La controverse se situe dans l’interprétation du rôle des IgE anti-CCDs dans la réactivité globale vis-à-vis d’un aliment ainsi que dans l’interprétation des tests d’histamine release des basophiles.

Si l’on veut chercher à prouver quelque chose, il faut des sujets avec des IgE contre les CCDs mais sans IgE vis-à-vis de Bet v 1 par exemple.

On devrait prendre en considération :

  • Que l’inhibition complète d’un extrait d’aliments en RAST/blot par les glycanes n’est pas une preuve que la réactivité des IgE vis-à-vis des aliments soit exclusivement CCDs spécifique. Dans l’extrait alimentaire, il peut manquer des allergènes importants.
  • La déglycosylation peut entraîner des changements structuraux qui influenceront la reconnaissance par les IgE.
  • Une protéine recombinante peut avoir une conformation spatiale incorrecte.
  • Un test d’histamine release positif n’est pas équivalent à la pertinence clinique.
  • La concentration nécessaire en allergènes pourrait être importante.

La seule preuve de la pertinence (ou non) clinique peut venir de tests de provocation in vivo réalisés au niveau des organes cibles (bouche, intestins).

Pour cela, on aurait besoin d’obtenir une glycoprotéine alimentaire avec des glycanes de plantes.

Cela a été fait avec une lactoferrine humaine, exprimée dans le riz, sur 2 sujets volontaires :

  • Les tests cutanés avec 500 microgrammes de lactoferrine transgéniques sont restés négatifs.
  • Des tests de provocation ont été réalisés en double aveugle contre placebo, jusqu’à une dose d’un gramme de cette protéine : ils ont été négatifs.
  • Existe-t-il un seuil d’allergène au-dessus duquel il n’y a aucune pertinence clinique ?
  • Si les taux d’IgE anti-CCDs sont suffisamment élevés, la lactoferrine humaine peut entraîner une histamine release.
  • Les allergènes comme le pollen entraînent une histamine release à des concentrations très basses...
  • On peut interpréter ça comme une absence d’activité biologique.

Discussion :

Le moindre allergène entraîne une histamine release même au niveau du nanogramme...

On peut déceler une activité biologique à des concentrations très élevées d’allergène ; ceci plaide pour une affinité très basse des IgE.

Il y a beaucoup d’IgE, mais certainement de très faible affinité.

En général, les IgE anti-CCDs n’induisent pas de symptômes.

En conclusion, activité biologique, OUI, pertinence clinique, NON.

En réponse à une question de Lasalle (un auditeur parfois très attentif...) Ronald Van Ree, admettant un court instant la pertinence clinique, se demanda aussitôt ce que le pauvre patient pourrait manger...


Quelles conditions moléculaires pour les allergènes ?

Isabella Scholl, Autriche.

3 points seront développés dans son exposé :
 1. Structure en vue de la formation des IgE et de la liaison
 2. Cellules B et activation des cellules effectrices
 3. Spécificités des allergènes alimentaires

1. Structure en vue de la formation des IgE et de la liaison :

Epitopes IgE définis par biopanning.

La méthodologie du phage display, c’est à dire la présentation de peptides à la surface de phages filamenteux, est devenue un très puissant outil de synthèse combinatoire et de sélection des peptides.

Les phages filamenteux sont utilisés pour présenter à leur surface des molécules telles que des peptides aléatoires, des fragments d’anticorps ou d’autres protéines.

Les phages recombinants sont ensuite sélectionnés pour leur capacité de liaison à une cible.

Les banques de peptides exposés sur phage peuvent être sélectionnées sur différentes cibles, par exemple des anticorps monoclonaux pour caractériser rapidement de nouveaux épitopes.

La localisation du consensus sélectionné dans la séquence de l’antigène (celle-ci est généralement connue) permet l’identification de l’épitope de l’antigène reconnu par l’anticorps.

De nombreux épitopes linéaires ont pu être ainsi cartographiés.

Lorsque l’épitope recherché est conformationnel ou discontinu, les séquences consensus identifiées ne présentent pas d’analogie avec le ligand naturel de l’anticorps.

Les peptides sélectionnés correspondent dans ce cas à des mimotopes.
(Explications tirées du site http://imgt.cines.fr/textes/IMGTedu...)

Ces mimotopes peuvent servir à 2 choses :

  • Immunothérapie spécifique (ITS)
  • Caractérisation des épitopes (computational matching of mimotopes)
  • On peut connaître la structure tertiaire de l’allergène.

La première conclusion est qu’il faut un épitope conformationnel.

2. Cellules B et activation des cellules effectrices :

Pour leur capacité de liaison, un allergène peut être multivalent, multivalent répétitif (le même épitope répété sur une même molécule allergénique se lie aux IgE fixées sur le basophile) ou multimérique (des dimères, trimères ou multimères d’allergènes présentent plusieurs épitopes pour la liaison aux IgE, qui s’en trouve donc facilitée d’autant).

Si l’on compare monomère et dimère de r Bet v 1 pour l’histamine release et les tests cutanés :

  • Le monomère ne déclenche pas l’histamine release (ceci concerne la phase effectrice),
  • Pour la phase de production d’IgE, l’accélération de la production d’IgE nécessite des épitopes identiques, et il en faut plusieurs, ce qui est parfaitement réalisé par les dimères ou les multimères.

Une des conditions pour qu’un allergène soit efficient serait qu’il soit un dimère.

3. Les allergènes alimentaires :

Les allergènes respiratoires ont besoin d’un environnement non dégradant.
Ce n’est pas le cas pour les allergènes alimentaires.

Il peut y avoir des mécanismes indirects avec des éliciteurs non sensibilisants, même si le mécanisme direct peut aussi exister.

Dans les allergies alimentaires sévères, la labilité par les processus digestifs est-elle en rapport avec la capacité de sensibilisation ?

  • Des expériences menées sur des souris ont montré que si on bloque la digestion, on aboutit à une sensibilisation alors qu’en cas de digestion normale, on a pas de sensibilisation.
  • Le problème se situe au niveau de la persistance ou de la résistance.

Remarque de Ronald Van Ree : la dimérisation est-elle vraiment importante dans la nature où il existe des agrégats qui n’empêchent pas l’allergie.
La dimérisation n’est peut-être qu’un facteur additionnel ?...


Caractérisation de la réponse allergique des cellules T.

Barbara Bohle, Autriche.

Les mécanismes de l’allergie de type 1 sont bien connus : la liaison allergène-IgE (par l’) intermédiaire des épitopes IgE déclenche un largage de médiateurs responsable de la réaction immédiate, puis d’une réaction retardée après 6 à 12 heures.

Dans cet exposé nous nous focalisons sur autre chose.

Grâce aux cellules présentatrices, l’allergène stimule les cellules T-Helper naïves par l’intermédiaire des épitopes T.

L’orientation vers la voie Th2 avec prolifération des cellules T libère des cytokines, en particulier IL-4, IL-13 et IL-5.

Les cellules Th2 vont coopérer avec les cellules B pour aboutir à la synthèse d’IgE qui vont se fixer sur les mastocytes.

Les épitopes T, qui sont des peptides linéaires, sont différents des épitopes IgE, qui sont des épitopes conformationnels.

Une vision de la réponse allergique des cellules T. aux allergènes alimentaires reliés aux pollens de bouleau a été étudiée par méthode expérimentale.

 Lorsqu’on incube des cellules avec l’allergène, on obtient des clones de cellules T.
 On peut caractériser ces lymphocytes T. spécifiques de l’allergène :

  • marqueurs de surface (CD 4,CD 8).de
  • profil de réponse en cytokines à une stimulation spécifique.
  • épitopes des cellules T.
  • analyse TCR.
  • restriction HLA.

 Pour la caractérisation des allergènes :

  • identification des épitopes T.
  • comparaison des allergènes naturels et de recombinants.
  • réactivités croisées entre les allergènes.

Enfin, des systèmes de tests in vitro peuvent explorer de nouvelles stratégies thérapeutiques, nous en parlerons pas ici.

Le syndrome bouleau-fruits-légumes touche plus de 70 % des patients allergiques aux pollens de bouleau et est responsable de réactions immédiates IgE médiées (syndrome oral).

Ce syndrome et surtout dû aux homologues de Bet v 1.

On peut analyser les phénotypes des cellules T spécifiques des allergènes alimentaires reliés aux pollens de bouleau :
par exemple d’étudier les épitopes de plusieurs allergènes de fruits (la pomme, avec Mal d 1, le céleri, avec Api g 1, et la noisette, avec Cor a 1) reliés au pollens de bouleau.

  • Ces épitopes peuvent stimuler les cellules T spécifiques du pollen de bouleau.
  • Une digestion gastro-intestinale simulée que nous montre que :
    • la pepsine détruit certains allergènes en quelques secondes.
    • la trypsine détruit certains allergènes en quelques minutes.
  • On a pu identifier certaines séquences créées par la digestion.
  • cliniquement, la plupart des syndromes pollens fruits sont détruits par la chaleur. On a incubé à différentes températures et regardé les conséquences :
    • les allergènes cuisinés activent les cellules T spécifiques de Bet v 1, et on a bien libération des cytokines de la voie Th2, c’est-à-dire IL-4, IL-5 et IL-13 responsables de réactions retardées médiées par les cellules T. au niveau des organes cibles.

Conclusion :

La cuisson ou la digestion gastro-intestinale des allergènes alimentaires reliés aux pollens abolit les réactions IgE médiées, mais pas l’activation des cellules T.

Les cellules Th2 spécifiques de l’allergène ne sont pas seulement importantes pour l’induction et la persistance de l’allergie de type 1 mais peuvent aussi induire des symptômes cliniques pertinents sans l’implication des IgE.

L’étude de la réponse allergique des cellules T est donc un composant essentiel de la caractérisation des allergènes.