Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

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Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

jeudi 19 juin 2003, par Dr Hervé Masson

L’urticaire chronique est une maladie invalidante qu’il est souvent difficile de prendre en charge. L’ANAES (Association Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé) est, entre autre, chargée d’établir l’état des connaissances en matière de stratégies diagnostiques et thérapeutiques en médecine, et de contribuer à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à l’hôpital et en médecine libérale. C’est dans ce cadre qu’elle a organisé une conférence de consensus sur l’urticaire chronique. Un document incontournable qui devra se trouver dans les ordinateurs de tous les allergologues.

L’urticaire, pathologie fréquente ( 15 à 20% de la population en souffrira au moins une fois au cours de sa vie) peut devenir chronique (persistance au delà de 6 semaines).

La moyenne de durée d’une urticaire chronique est de 3 à 5 ans. Mais lorsqu’elle dure plus de 6 mois, elle sera toujours présente 10 ans plus tard dans 40% des cas et 20 ans plus tard dans 20% des cas.

La gêne physique et psychologique ressentie est importante. Pourtant, les allergologues ont parfois du mal à trouver "la cause".

C’est pourquoi, afin d’éviter des bilans lourds et coûteux inutiles, qu’un groupe d’experts a été réuni par l’ANAES afin de répondre aux quelques questions de base que l’on se pose au sujet de l’urticaire chronique.

 Question 1 : Quelles sont les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique permettant d’orienter le diagnostic étiologique d’une urticaire chronique ?

  • Il conviendra, bien évidemment, d’identifier précisément les lésions caractéristiques de l’urticaire.
  • L’interrogatoire précisera les éléments classiques d’une consultation médicale :
    • chronologie
    • antécédents
    • prises médicamenteuses,
    • habitudes alimentaires
    • urticaire de contact et exposition professionnelle,
    • circonstances déclenchantes,
    • stress
    • autres signes faisant craindre une maladie autre.
  • L’examen clinique :
    • orientera parfois vers un type d’urticaire : dermographisme, urticaire retardée à la pression, cholinergique, angio-œdème du visage.
    • recherchera des signes de maladie auto-immune
    • l’allergologue réalisera des tests diagnostiques adaptés à chaque situation en respectant les règles de sécurité.

 QUESTION 2 Devant une urticaire chronique, quel bilan paraclinique minimal faut-il effectuer ? Chez quels malades faut-il faire un bilan plus complet et lequel ?

L’analyse de la littérature a permis de préciser certains points :

  • Il n’y a pas lieu de rechercher systématiquement une infection dentaire ou sinusienne. Le lien entre "infections bactériennes" et urticaire chronique n’a jamais été démontré scientifiquement.
  • De la même manière, le rôle d’helicobacter pylori n’est pas prouvé. Sa recherche ne se justifie qu’en cas de symptomatologie digestive.
  • Seule l’infection à Toxocara canis peut éventuellement être envisagée. Les autres parasitoses n’ont jamais fait la preuve de leur implication.
  • Il en est de même du rôle des infections virales.
  • L’allergie alimentaire vraie n’est qu’exceptionnelle dans l’urticaire chronique au contraire de l’urticaire aiguë.
  • La seule maladie auto-immune qui semble liée à l’urticaire est la thyroïdite auto-immune.
  • La biopsie des lésions urticariennes n’apporte rien au diagnostic.

Le jury a donc proposé deux conduites à tenir :

  • Patient présentant une urticaire chronique banale isolée sans signes cliniques d’orientation étiologique :
    • aucun examen complémentaire d’emblée
    • traitement antihistaminique pendant 4 à 8 semaines
    • Après cette période et si le patient est encore symptomatique :
      • NFS, VS
      • CRP
      • Anticorps antithyroperoxydase (et en cas de posi-tivité, dosage de la TSH).
    • La sérologie toxocarose, le complément ou les facteurs antinucléaires ne seront réalisés que secondairement s’il existe une anomalie du bilan initial ou des signes d’orientation clinique.
  • Patient présentant des signes cliniques suggérant une orientation étiologique
    • urticaire au froid : cryoglobulinémie, cryofibrinogénémie, immunoglobuline monoclonale, agglutinines froides ;
    • urticaire solaire : phototests standardisés ;
    • angio-œdèmes chroniques ou récidivants isolés, sans lésion superficielle : recherche d’un déficit en inhibiteur de la C1 estérase.
    • Angio-œdème chronique localisé de la face inexpliqué (absence de prise d’IEC, sartans, aspirine ou AINS) : panoramique dentaire, scanner des sinus ;
    • urticaire « atypique » (urticaire fixe, peu prurigineuse) ou association à d’autres signes cutanés (livedo, nodules, purpura, etc.) : biopsie cutanée ;
    • dysthyroïdie clinique : dosage de la TSH, AC antithyroglobuline, antithyroperoxydase voire antirécepteurs de la TSH ;
    • en cas de signes extracutanés orientant vers une maladie systémique, les examens paracliniques demandés seront fonction des signes d’appel trouvés par l’interrogatoire ou l’examen physique.

 QUESTION 3 Quand faut-il faire des examens allergologiques et lesquels ?

Le jury a estimé que la place de l’allergie alimentaire vraie dans l’urticaire chronique est très faible comparée aux éventuelles réactions d’intolérance ou "fausse allergie alimentaire".

  • Quand ?
    • En cas de manifestations évocatrices : troubles dyspeptiques post-prandiaux suggérant une fausse allergie alimentaire, urticaire localisée de contact ou épisodes d’angio-œdème récidivant du visage chez l’enfant suggérant une allergie alimentaire vraie.
    • Le bilan allergologique doit se limiter à la recherche d’une allergie ou d’une intolérance alimentaire et d’une urticaire de contact.
  • Quel bilan ?
    • Ne pas faire :
      • tests aux pneumallergènes,
      • tests aux additifs, conservateurs, contaminants, arômes,
      • tests avec des médicaments
    • Ne faire que s’il existe une orientation clinique :
      • Fausse allergie alimentaire : demander la rédaction d’un carnet alimentaire journalier à la recherche de surconsommation (lait, blé), de consommation d’amines biogènes (histamine, tyramine), de certains médicaments (aspirine et AINS) et d’alcool. Le diagnostic de fausse allergie alimentaire est retenu par l’amélioration clinique après 3 semaines d’un régime d’éviction.
      • Vraie allergie alimentaire : lorsque la clinique l’évoque, son diagnostic est du domaine du spécialiste et seul le test de provocation par voie orale en milieu spécialisé permettra d’assurer un diagnostic certain.
      • urticaire de contact : sera explorée par des tests épicutanés ouverts et surtout par des prick tests, éventuellement par un test d’application répétée.

 QUESTION 4 Dans quelles circonstances la mise en évidence d’une étiologie a-t-elle un retentissement sur la prise en charge thérapeutique et l’évolution de l’urticaire chronique ?

  • Urticaire chronique physique : permet d’éviter certaines situations déclenchantes
  • Urticaire chronique de contact : éviction de l’allergènes
  • Urticaire chronique et médicaments :
    • Certaines substances sont histaminolibératrices :
      • opiacés, codéine,
      • curares,
      • bêta-lactamines,
      • vancomycine,
      • produits de contraste iodés,
      • atropine,
      • pentamidine,
      • polymyxine B,
      • macromolécules de type Dextran
    • Aspirine et AINS seraient responsables de 25 à 55 % des aggravations ou du déclenchement des urticaires chroniques par un mécanisme non allergique.
    • Les IEC peuvent être responsables d’angio-œdème et chez ces malades l’utilisation des sartans fait courir un risque de récidive dans 30% des cas. Des antécédents d’angio-œdème est une contre-indication à l’utilisation des IEC mais pas l’urticaire chronique.
  • Urticaire chronique et alimentation : La présence d’une fausse allergie alimentaire conduira à un régime adapté.
  • Urticaire et infections : le lien entre ces deux éléments n’a pas été démontré.
  • Urticaire et maladies générales :
    • Thyroïdites auto-immunes : un traitement par L-thyroxine n’est pas indiqué si la TSH est normale.

 QUESTION 5 Quelles sont les modalités thérapeutiques proposées aux patients présentant une urticaire chronique idiopathique résistant à un traitement antihistaminique en monothérapie ?

  • Quand doit on parler de résistance au traitement ?
    • Le traitement de l’urticaire chronique privilégie les antihistaminiques de deuxième génération qui doivent être prescrits en continu, à la posologie de l’AMM, en vérifiant l’observance et en contrôlant l’efficacité régulièrement (3 mois par exemple). Il est possible d’envisager l’arrêt progressif en cas de rémission.
    • Après 4 à 8 semaines, il faudra tenir compte des critères suivants pour décider d’un éventuel changement de traitement :
      • retentissement sur la qualité de vie
      • importance du prurit
      • extension des lésions, poussées d’angio-œdème.
    • En cas de résistance :
      • Rechercher une mauvaise observance, des facteurs aggravants (médicaments, aliments, psychologiques...), des signes associés orientant vers une urticaire symptomatique.
      • Réaliser un bilan biologique : NFS, VS, CRP, Ac antithyroperoxydase.
  • Que faire en cas de résistance ?
    • Essayer un autre antihistaminique de deuxième génération ou ajouter un autre antihistaminique de première génération.
    • Si toujours pas mieux : envisager une hospitalisation.
    • D’autres thérapeutiques n’ont pas la preuve de leur intérêt ou inocuité :
      • doxépine
      • antihistaminiques anti-H2
      • antileucotriènes
      • corticothérapie par voie générale
      • immunosuppresseurs,
      • ultraviolets.

 QUESTION 6 Quand faut-il envisager la prise en charge des facteurs psychologiques et selon quelles modalités ?

L’urticaire, comme toute pathologie chronique, nécessite une prise en charge prolongée et spécifique. Comme elle atteint la peau, elle touche un organe visible et altère la relation à autrui. Bien qu’aucune étude précise n’ait été conduite, le bon sens recommande la prise en charge psychologique des patients.

  • Quelques questions simples peuvent servir de guide :
    • Quel est l’influence de l’urticaire sur la qualité de vie du patient ?
    • Quels sont les bénéfices secondaires éventuels ?
    • Les poussées sont-elles liées à des stress ?
    • Existe-t-il des symptômes d’anxiété ?
    • Existe-t-il une symptomatologie dépressive ?

Dans la majorité des cas, le médecin traitant prendra en charge ce facteur mais un avis psychiatrique peut se discuter au cas par cas en fonction du retentissement de la maladie.


Vous trouverez le texte intégral de la conférence de consensus sur l’urticaire chronique sur le site de l’ANAES.

Vos commentaires

  • Le 8 juin 2016 à 14:55, par Arquier Marie josée En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    j ai un urticaire chronique depuit 7 ans , les antihistaminiques ne font pas effet seule la cortisone me soulage et depuis quelques mois j ai en plus comme des symptômes de grippes une grosse fatigue et mal de téte avant les crises et mon urticaire est partout sur mon corps , le visage compris

  • Le 31 octobre 2016 à 23:38, par Leila En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    Bonjour,
    J’ai 33 ans, et j’ai un dermographisme depuis toujours. Selon ma mère, même étant nouveau né elle avait peur de me porter car les traces de sa main restaient sur ma peau,
    En plus du dermographisme il y a ce que je pense être peut être un urticaire de pression (lorsque je reste longtemps debout ou que je conduit longtemps, il y a comme des nodules invisibles douloureux et prurigineux, surtout en été lorsque la transpiration augmente, et uniquement sur la paume des mains et la plante des pieds.
    Vers l’âge de 12 ans, un médecin m’a mis sous antihistaminique pendant 6 mois ou 1 année (1 mois 2 cp /j, 1 mois 1 cp/j et ainsi de suite). Cela a nettement amélioré ma symptomatologie.
    Je vous écris dont pour vous dire, que le traitement longue durée a donné une amélioration notable.
    Pendant près de 20 ans c’était discret, apparition lors des grattages ou autres.
    Ce n’est que depuis 2 mois environ que c’est en train de reprendre comme avant, à la moindre pression, si je touche mon visage, si mes cheveux sont sur la nuque... Le médecin en question est introuvable, les autres semblent minimiser et ne rien donner comme traitement.
    Voila, bon courage a ceux qui en souffre, en espérant qu’un jour on arrivera a faire les gestes du quotidien sans être extra prudent.

  • Le 17 janvier 2017 à 22:15, par Jacquet En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    Bonjour
    Voila ça fait 2 ans que je vie avec ces odemes part pression retarder . Comment expliquer que cela puisse venir d un coup . J ai 34 ans et je le vie très mal quand je porte mes courses assez lourde 3h apres mes mains me démange ensuite ca gonfle et j ai du mal a bouger mes doigts qui me fond mal . Les genoux les pieds me le fond également. Desfois j ai des plaques rouge qui apparaissent et disparaissent. Mon médecin traitant ne c est pas d ou ca vient . J aimerai que l on puisse comprendre cette douleur affreuse . Qu elle traitement faut t il avoir .

  • Le 23 janvier 2017 à 16:59, par da rocha SARA En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    bonjour,

    J’ai actuellement 24 ans et je supporte l’urticaire depuis bientôt 5 ans, aujourd’hui j’arrive à un stade ou me gratter me fait vraiment mal et psychologiquement c’est insoutenable .. j’ai essayé des crèmes, des antihistaminiques, etc....

    Les médecins ne savent jamais quoi me dire ni me conseiller j’en deviens malade, quoi que je fasse ou que j’aille mes crises me prive de passer de bons moments ..

    que dois je faire ? HELP ##

  • Le 18 octobre 2017 à 13:42, par Johanna En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    Bonjour je suis resté avec un urticaire chronique idiopatique pendant 10 mois avec prise d’antihistaminique et d’autre médicament et rien a faire le matin je me reveille avec des plaque rouge partout sur le corps et des oedème sur le visage au bout de 10 mois mon medecin ma fait une injection de kenacort retard et c’est parti pendant 19mois et la il est de retour plus déterminé que jamais a ne pas repartir j’ai eu une autre injection mes la pas d’amélioration rien je ne c’est plus quoi faire je suis désespéré

  • Le 4 mars 2018 à 23:37, par Nelly En réponse à : Prise en charge de l’urticaire chronique : consensus de l’ANAES

    Bonjour
    Je fais de l urticaire chronique depuis plus de 8 ans. Après des essais de régime alimentaire, quelques prise de sang et des anti histaminiques
    Je me retrouve depuis maintenant 2 ans avec des injections de xolair. Cela me masque mon urticaire mais ne me l’a guéri pas. Honnetement les allergologues ne font rien. Je ne supporte plus de me voir comme un monstre. Avez vous une solution svp ?

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