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Exacerbations d’asthme : la controverse RV16
vendredi 5 décembre 2003, par
L’exposition allergénique chronique chez les sujets sensibilisés est réputée induire un seuil de déclenchement d’asthme abaissé en cas d’infection respiratoire aigue virale. Une équipe Néerlando- américaine , par une approche originale et rigoureuse en laboratoire sur un modèle d’infection à rhinovirus RV16, va t’elle en apporter la preuve scientifique ?
Les modifications respiratoires induites par les rhinovirus et observées dans l’asthme sont elles aggravées par une exposition allergénique chronique ? : Josephine de Kluijver, Christine E. Evertse, Jacob K. Sont, Jasmijn A. Schrumpf, Christel J. G. van Zeijl-van der Ham, Claire R. Dick, Klaus F. Rabe, Pieter S. Hiemstra and Peter J. Sterk
Departments of Pulmonology, Medical Decision Making, and Virology, Leiden University Medical Center, Leiden, The Netherlands ; and Respiratory Virus Research Laboratory, University of Wisconsin, Madison, Wisconsin
dans American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine Vol 168. pp. 1174-1180, (2003)
– Contexte : l’inflammation des voies aériennes dans l’asthme pourrait constituer un environnement favorable pour les infections respiratoires virales, aggravant les exacerbations d’asthme viro induites.
– But de l’étude : les auteurs ont postulé qu’une exposition allergénique répétée à faible dose préalablement à une infection expérimentale à rhinovirus 16 (RV16) augmente la sévérité de l’obstruction et de l’inflammation des voies aériennes induite par les rhinovirus (RV).
– Population, méthodes :
* 36 patients allergiques aux acariens de la poussière de maison, avec un asthme léger à modéré, répartis en 3 bras ont participé à une étude en parallèle, contre placebo et en double aveugle.
* Les patients ont inhalé une faible dose d’allergène d’acariens de la poussière de maison 10 jours ouvrés (de j1 à j5 et j8 à j12) et / ou furent infectés avec RV16 successivement à j15 et J16.
– Résultats :
* de l’exposition allergénique résulta une baisse significative du VEMS (p <0.001) ainsi que de la concentration en histamine entraînant une chute de 20% du VEMS (p<0.001), une augmentation du taux de monoxyde d’azote exhalé ainsi que des éosinophiles dans le sputum (p<0.001).
* L’infection à RV16 entraîna une chute du VEMS (p=0.02), une augmentation du pourcentage d’éosinophiles (p=0.01), du taux d’interleukine 8 dans le sputum (p=0.04) et de l’élastase neutrophilique (p=0.04).
* La séquence constituée d’une exposition allergénique et d’une infection à RV16 ne possédait pas d’effet synergique ou additif sur aucun des profils évolutifs cliniques ou inflammatoires.
– Conclusion :
* Une exposition allergénique à faible dose répétée ainsi qu’une infection à RV 16 induisent des profils inflammatoires distincts à l’intérieur des voies aériennes chez les patients asthmatiques sans apparente interaction entre ces 2 facteurs déclenchant environnementaux.
* Ceci suggère qu’une exposition allergénique préalable à la dose et au rythme utilisé, n’est pas déterminante quant à la sévérité des exacerbations induites par le RV chez les patients présentant un asthme léger à modéré.
Cette étude, d’une méthodologie non critiquable car en double aveugle contre placebo, a randomisé 36 patients (allergiques aux acariens et asthmatiques légers à modérés) en 3 bras :
* un bras (1) avec exposition allergénique seule,
* un bras (2) avec exposition au RV 16 seul, et
* un bras (1+2) avec préparation allergénique suivie d’une exposition virale à RV16.
Les paramètres étudiés ont été :
* le VEMS, un test de broncho motricité à l’histamine, le dosage de NO exhalé, le pourcentage d’éosinophiles dans le sputum pour le bras 1
* le VEMS, le pourcentage d ’éosinophiles dans le sputum, le dosage d’IL 8 (chémokine) et de l’élastase neutrophilique reflet du recrutement des neutrophiles par l’IL8 pour le bras 2.
Les auteurs ont observé des variations significatives pour l’ensemble des variables étudiées avec toutefois des profils différents selon les bras (1 vs.2) mais aucun effet synergique n’a pu être démontré pour le bras (1+2 vs.1 ou 2) avec les réserves d’usage quant au protocole choisi par rapport à l’importance de l’exposition allergénique ou virale, le rythme d’exposition arbitraire.
La conclusion des auteurs bat donc en brèche certains acquis ou faits admis comme notamment l’opinion déclarant par exemple que les enfants asthmatiques allergiques ont au cours des infections virales un seuil de déclenchement d’exacerbation d’asthme plus bas ou encore plus surprenant d’autres publications récentes dont celle de MR. Green de 2002 (Synergism between allergens and viruses and risk of hospital admission with asthma : case-control study.Bmj 2002 ;324(7340) :763), re-toilettée et présentée par A. Custovic lors XXII congrès de l’EAACI à Paris en juin 2003 (Combination effect of allergen exposure and infection in allergic exacerbations), lesquels auteurs ont démontré sur la base d’une étude épidémiologique brillante reposant sur la détection de sensibilisations , la mesure de l’exposition allergénique et la détection de virus, un effet synergique d’autant plus intense sur les exacerbations d’asthme nécessitant une hospitalisation (OR) qu’il était retrouvée chez les sujets sensibilisés adultes une exposition allergénique relative ainsi que la détection concomitante d’un ou 2 virus (picornavirus c.a.d rhinovirus ou autre comme le VRS ) par PCR.
Quelques commentaires à propos de l’étude de Green :
* une sensibilisation allergénique en soi n’est pas suffisante sans exposition.
* sensibilisation et exposition relative avec un seul allergène augmentent le risque d’hospitalisation (OR : pour Acariens 2.38 ; chat : 2.25 ; chien : 3.45).
* l’association d’au moins deux allergènes augmente le risque jusqu’à 6.56.
* lorsque sont réunies sensibilisation et exposition à de hauts niveaux d’allergènes relatifs à la sensibilisation et la détection de virus (quelque soit l’allergène et quelque soit le virus) le risque d’admission dans un hôpital pour asthme peut être augmenté jusqu’à plus de vingt fois (x 21.57).
Deux opinions s’affrontent donc : celle des auteurs de Manchester (GB) versus celle de Leiden (NL). Rappelons que l’étude hollandaise a porté sur 36 patients tandisque l’étude anglaise s’appuie sur 177 patients y compris les témoins dans les 2 cas.
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