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Analyse du statut et de la fonction pulmonaire de l’adulte : le retour aux sources
mercredi 10 décembre 2003, par
Les conditions de la gestation et les conséquences sur le poids de naissance fournissent des arguments décisifs pour le diagnostic d’une pathologie pulmonaire dans l’enfance ; par contre ce passé a naturellement tendance à être occulté à l’age adulte particulièrement chez les 45-50 ans. Est ce légitime ? Cette étude épidémiologique ciblée va tenter de nous répondre
Relation entre poids de naissance et fonction pulmonaire à l’age adulte : plaidoyer pour une maîtrise des facteurs maternels : C A Edwards1, L M Osman1, D J Godden2, D M Campbell3 and J G Douglas1
1 Respiratory Unit, Aberdeen Royal Infirmary, Aberdeen AB25 2ZN, UK
2 Highland & Islands Health Research Institute, Inverness IV2 3ED, UK
3 Department of Obstetrics & Gynaecology, University of Aberdeen, Aberdeen Maternity Hospital, Aberdeen AB25 2ZD, UK
dans Thorax 2003 ;58:1061-1065
– Contexte :
* Il existe un débat contradictoire relatif à « l’hypothèse de l’origine foetale » concernant l’association entre le poids de naissance et la fonction pulmonaire à l’age adulte. Ce dernier pourrait être du à l’incapacité de cerner les facteurs maternels confondant et influençant le poids de naissance.
* Dans la présente étude, le fait de pouvoir accéder aux mensurations à la naissance d’adultes âgés de 45 à 50 ans et qui furent documentés en tant qu’enfant asthmatique, ou sujet aux bronchites avec sibilance, ou indemnes de symptôme respiratoire, a fourni l’opportunité d’explorer cette association, avec l’espoir d’un meilleur contrôle des facteurs maternels.
– Méthodes :
* une cohorte fut constituée en 2001 sur la base des fonctions respiratoires courantes, du statut de fumeur ainsi que sur la présence de symptômes respiratoires.
* Les précisions concernant la naissance (poids de naissance, gestation, parité, age et taille maternelle) furent obtenues par la banque de données de la maternité et du service néonatal d’Aberdeen.
– Résultats :
* 381 patients âgés de 45-50 ans furent identifiés et explorés sur le plan de la fonction pulmonaire ; 323 (85%) possédaient des éléments vérifiables sur le plan de la naissance.
* Une relation significative linéaire (p<0.01) fut observée entre le poids de naissance et le VEMS et la capacité vitale forcée CVF (après ajustement pour la taille, l’age, le sexe, le poids, l’absence de statut catégoriel, le groupe relatif pendant l’enfance et le statut par rapport au tabagisme).
* Cette tendance restait significative après ajustement du poids de naissance par rapport à la durée de la gestation, la parité, le sexe, la taille et le poids maternel (p=0.01).
* Cette relation entre le poids de naissance et le VEMS et la CVF demeurait significative après ajustement pour le passé de fumeur.
* Cette relation n’était pas retrouvée entre le poids de naissance et les simples symptômes comme les sibilants.
– Conclusion : il existe une relation linéaire significative entre le poids de naissance, après ajustement pour les facteurs maternels et la fonction pulmonaire pendant la vie adulte. La force de cette association conforte « l’hypothèse de l’origine foetale » selon laquelle un trouble pendant la vie foetale exerce une influence significative sur la fonction pulmonaire chez l’adulte.
Cette étude met donc en évidence un lien fort entre le poids de naissance et la fonction pulmonaire (VEMS, CVF) à l’age adulte au terme d’une étude statistique portant sur une cohorte de 323 patients âgés de 45 à 50 ans, que l’on prenne ou non en compte le statut de fumeur !
Il y avait de nombreux obstacles à surmonter notamment des ajustements pour une multitude de variables concernant :
* la gestation (parité, durée, poids de naissance, poids et taille maternelle)
* les variables contemporaines de la mise en place de l’étude dont la taille, l’age, le sexe, le poids des individus étudiés, le statut de fumeur, le statut par rapport à l’enfance (asthme, simples symptômes respiratoires ou indemnes de symptôme respiratoire).
La cohorte est homogène sachant qu’à l’age choisi (45-50ans) le vieillissement pulmonaire est déjà sensible, les résultats sont donc rendus « à toutes proportions égales » avec une bonne crédibilité.
La capacité vitale forcée et le VEMS, sont donc corrélés au poids de naissance. Pour ma part j’aurais souhaité que l’on intègre également, si possible mais sans doute difficile avec un recul de 45 à 50 ans, le statut de fumeur des mères et la notion d’un tabagisme in utero.
En effet, qui dit petit poids de naissance ou retard de croissance intra utérin pour un age conceptionnel donné, renvoie aux étiologies habituelles : malnutrition foeto-placentaire liée à un tabagisme in utero, un alcoolisme maternel, une toxicomanie …. soit un ensemble de conduites addictives maternelles mis à part les véritables causes obstétricales comme toxémie gravidique, placenta praevia, décollement placentaire etc.…
Ce déterminisme est assez effrayant : on ne choisit pas ses parents ni la qualité de sa fonction pulmonaire, ce qui plaide pour un meilleure prise en charge des facteurs maternels, une information et prévention sur les risques de retentissement des conduites addictives sur la croissance du poumon foetal.
Le carnet de santé de l’enfant est donc un document d’une extrême importance, devant être consulté même à l’age adulte, plaidant en faveur de sa pérennisation tout au long de la vie.
Revenons pour conclure sur le tabagisme pendant la grossesse : bien qu’il existe des preuves épidémiologiques évidentes entre exposition in utero à la cigarette et risque de détérioration de la fonction pulmonaire avec asthme dès l’enfance, altération du statut immunitaire, augmentation de l’atopie, les mécanismes précis de ces phénomènes restent inconnus.
Une équipe américaine du Wisconsin (Milwaukee) et Nouveau Mexique (Albuquerque) a publié récemment en juin 2003 les résultats d’une étude sur l’animal (souris Balb/c) : les animaux exposés à la cigarette en prénatal contrairement aux animaux exposés en post natal, ont présenté une hyperréactivité bronchique mesurée par un test à la méthacholine après injection intra trachéale d’Aspergillus fumigatus. Cette hyperréactivité bronchique n’était pas liée à une production accrue de leucotriènes ou production de mucus , mais était reliée à une chute du taux d’AMP cyclique, une activité accrue en phosphodiestérase 4 (PDED4), à l ’expression accrue dans le poumon d’ARN messager de cette même PDED4. Shashi P, Barrett EG, Kalra R, et al. Prenatal cigarette smoke decreases lung AMPc and increases airway hyperresponsiveness. Am J respir Crit Care Med 2003:168:342-347.
Quoique très intéressant ces résultats permettent d’expliquer l’hyper réactivité bronchique lié au tabagisme in utero mais en aucun cas les altérations de la croissance alvéolaire et / ou des petites voies de conduction.
Il est permis de penser que le tabagisme in utero agit sur l’unité mésenchymateuse sous épithéliale (MSU) en formation (telle que définie et particulièrement étudiée par ST.HOLGATE) par le biais d’une action sur les facteurs de croissance appartenant à la famille des TGF (Transforming Growth Factor).
La boucle serait alors achevée permettant de comprendre tant les modifications immunitaires, l’augmentation de l’atopie dans l’enfance que les anomalies de la croissance pulmonaire.
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