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Lorsqu’un plus un ne font qu’un, c’est pas des mathématiques, et pas vraiment de la médecine !!
vendredi 12 décembre 2003, par
Les combinaisons d’un bêta²-longue durée et d’un corticoïde inhalé sont présentées comme une avancée thérapeutique intéressante dans le traitement de l’asthme et comme un traitement moderne. Mais qu’en est-il vraiment ? Y a-t-il réellement amélioration et de quelle ordre ? Cette association a-t-elle des inconvénients ?
Comparaison d’une combinaison de traitements inhalés par rapport à des corticoïdes seuls dans l’asthme persistant modéré. : Lee DK, Jackson CM, Currie GP, Cockburn WJ, Lipworth BJ.
Asthma & Allergy Research Group, Department of Clinical Pharmacology, Ninewells Hospital and Medical School, University of Dundee, Dundee DD1 9SY.
dans Br J Clin Pharmacol. 2003 Nov ;56(5):494-500
– Objectif de l’étude :
* Les associations d’un bêta² et d’un corticoïde inhalé sont indiquées dans le pallier 3 du traitement de l’asthme d’après les recommandations.
* Les auteurs ont évalué les effets relatifs d’une association bêta² et corticoïde par rapport à un corticoïde seul sur la fonction pulmonaire, la broncho protection, le délai d’action d’un bêta² de courte durée d’action après un test de provocation à la metacholine et sur les marqueurs de l’inflammation chez des patients ayant un asthme persistant modéré.
– Méthode :
* 29 patients ayant un VEMS moyen de 78+-3 % ont été randomisés en double aveugle, contre placebo dans une étude en cross-over.
* Les patients ont reçu :
** soit pendant 4 semaines du budésonide (BUD) 400 microg + formoterol (FM) 12 microg en combinaison 2 fois par jour, suivi par 1 semaine de Budésonide seul 400 microg 2 fois par jour,
** soit 4 semaines de fluticasone (FP) 250 microg + salmeterol (SM) 50 micro en combinaison 2 fois par jour, puis 1 semaine de fluticasone 250 seul 2 fois par jour.
* Les mesures ont été faites à l’état de base et après chaque traitement randomisé.
– Résultats :
* Le pourcentage de modification du VEMS par rapport aux valeurs prédites avant et après traitement est augmenté de façon significative (p<0.05) dans le groupe BUD + FM (8+/- 1%) par rapport à BUD seul (2+/- 1%) et pour l’association FM + SM (8+/-1%) par rapport à FP seul (2+/- 1%).
* Le pourcentage de diminution du VEMS après test à la metacholine n’est pas significativement différent dans les 4 groupes ; BUD + FM (22+/- 1%), BUD (24+/- 1%), FP + SM (23+/- 1%) et FP (23+/- 1%).
* La récupération par salbutamol dans les 30 minutes qui suivent un test à la metacholine présente une aire sous la courbe (AUC %.mn) qui est significativement augmentée (p<0.05) avec BUD + FM (486.7 +/- 35.5) versus BUD (281.1 +/- 52.8) et avec FP + SM (553.1 +/- 34.1) versus FP (368.3 +/- 46.7).
* Il n’y a pas de différence significative entre les 2 combinaisons de molécules inhalées ou entre les corticoïdes seuls entre eux.
* La diminution du NO exhalé et de la protéine cationique sérique éosinophile par rapport au taux de base n’est pas significativement différente en fonction des divers traitements.
– Conclusions : La combinaison des médicaments inhalés améliore la fonction pulmonaire, sans avoir d’effets potentialisateurs sur l’inflammation bronchique, que ce soit sur le NO exhalé ou sur le taux d’ECP par rapport aux corticoïdes inhalés seuls, mais le délai de récupération après salbutamol lors d’un test de provocation est retardé.
Les auteurs démontrent sur 4 semaines, que l’association d’un bêta² longue durée avec un corticoïde a un effet supérieur au corticoïde seul sur le VEMS.
Par contre il n’y a pas de modification des paramètres inflammatoires et il y a un retard d’action du bêta² courte durée d’action lors du test d’hyperréactivité bronchique.
Ce travail est très intéressant car il permet de remettre un certain nombre d’idées en place sur les associations entre bêta² longue durée et corticoïdes.
D’abord il est important de noter que la durée de l’étude est courte : 4 semaines.
4 semaines étant le maximum de l’effet des bêta²longue durée d’action avant que l’on observe une désensibilisation des récepteurs avec perte d’efficacité.
Il y a avec cette association une augmentation significative du VEMS mais avec des valeurs comprises entre 2 et 8%, ce qui n’est pas une différence très importante d’autant qu’il n’y a pas d’étude de la réversibilité sous l’action d’un bêta² courte durée d’action. Il faudrait de plus savoir si cet effet se maintient après les 4 semaines.
Il est amusant de constater, que des critiques ont été formulées sur les antileucotriènes parce qu’ils n’amélioraient pas suffisamment le VEMS, avec simplement une augmentation de 10% !! C’est mieux que dans cette étude sur les associations corticoïdes et bêta² !
Cette association thérapeutique ne modifie pas le fond de la maladie car il n’y a aucune amélioration du versant inflammatoire contrairement à ce qui avait été dit d’après des données in vitro. Il n’y a donc pas de « potentialisation anti-inflammatoire » in vivo des corticoïdes par l’adjonction d’un bêta² longue durée.
Enfin, le test à la metacholine confirme une donnée déjà largement publiée : il y a un retard d’action du bêta² courte durée d’action chez les patients sous association corticoïdes + bêta²longue durée : ainsi en cas de crise d’asthme, le patient répond moins bien à son traitement de secours.
On peut donc raisonnablement penser que les associations ne sont pas le traitement parfait de l’asthme.
La prescription d’une association doit être réfléchie en fonction des objectifs thérapeutiques fixés conjointement par le praticien et le patient vis-à-vis d’une affection asthmatique donnée.
Si le problème majeur est l’observance, l’association est intéressante, sinon, la prescription séparée permet de faire varier chaque médicament à la fois dans le temps et dans la posologie avec donc une plus grande souplesse dans l’adaptation thérapeutique. D’autant qu’actuellement les objectifs sont de réduire au maximum les doses de corticoïdes inhalés et il est plus facile de travailler sur des molécules non liées entre elles pour traiter « sur mesure » l’asthme de son patient.
Bref, les associations ne sont pas un traitement révolutionnaire de l’asthme et encore moins une avancée dans la prise en charge étiologique de la maladie puisqu’il n’y a pas de progrès dans la prise en charge de l’inflammation bronchique.
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