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L’ ITS sublinguale : efficace ou placebo ???
lundi 26 avril 2004, par
Cette étude pose une question bien embarrassante : l’immunothérapie sublinguale dans la rhino-conjonctivite pollinique de l’enfant est-elle efficace ? Jusqu’à présent sa compliance et la quasi absence d’effets indésirables ont été prouvés dans de nombreuses études, mais ce qu’on est en droit d’attendre avant tout est l’efficacité.
Ces auteurs ont donc cherché à la démontrer chez l’enfant atteint de pollinose aux graminées.
Efficacité de l’immunothérapie sublinguale avalée chez des enfants avec des symptômes sévères d’allergie aux pollens de graminées : une étude contrôlée en double aveugle versus placebo. : A. Bufe1,2, E. Ziegler-Kirbach1,2, E. Stoeckmann1,2, P. Heidemann1, K. Gehlhar1, T. Holland-Letz3, W. Braun4
1Experimental Pneumology, Ruhr-University Bochum, Bürkle-de-la-Camp-Platz 1, Bochum ; 2Network of Pediatricians for Clinical Research in Allergology and Pneumology (NETSTAP), Research Center Borstel, Borstel ; 3Department for Medical Informatics, Biometrics and Epidemiology, Ruhr-University Bochum, Bochum ; 4IFE, Institute for Research and Development, Witten/Herdecke University, Witten, Germany
dans Allergy 59 (5), 498-504
– Contexte :
- l’application locale d’extraits allergéniques dans l’immunothérapie spécifique est associée à une meilleure compliance et à une réduction significative des effets indésirables.
- Cependant, l’efficacité de l’immunothérapie locale chez les enfants n’a pas été jusqu’à présent suffisamment démontrée.
- Cette étude a été réalisée de façon à déterminer l’efficacité clinique de doses élevées d’immunothérapie sublinguale avalée ( SLIT) par une étude contrôlée en double aveugle versus placebo chez des enfants allergiques aux pollens de graminées en utilisant des doses élevées d’allergènes.
– Méthode :
- 161 enfants avec une rhino-conjonctivite saisonnière parmi lesquels 61 avaient également de l’asthme, ont été inclus dans cette étude contrôlée en double aveugle versus placebo pendant 1 an, et traités par des gouttes d’allergènes prises quotidiennement sous la langue.
- Après 1 an tous les enfants ont reçu un traitement pour 2 ans supplémentaires dans une étude contrôlée ouverte .
- Les scores symptomatiques et les médicaments ont été notés pendant la saison pollinique lors d’ entretiens.
- Le dosage d’allergènes utilisé, la compliance, et les effets indésirables ont été documentés par un carnet journalier.
- Le premier point d’évaluation était un index clinique ( CI) associant les scores symptomatiques et les traitements.
- Des tests cutanés par prick tests et des dosages d’Ig E spécifiques ont été réalisés tous les ans.
– Résultats :
- l’association des symptômes et des scores médicamenteux à l’index clinique était très fiable (coefficient de fiabilité = 0.89, erreur standard = 9.6 %).
- Les Ig E spécifiques et les sous classes d’Ig G, augmentent significativement chez les patients traités par SLIT, indiquant une activation de la réponse immunitaire induite par l’application locale de pollens de graminées.
- la réactivité aux prick tests n’a pas changé pendant le traitement.
- Après 1 an de SLIT suivant le modèle original, les auteurs n’observent pas de différence significative sur l’index clinique entre le traitement et le placebo, après analyse de tous les patients inclus dans l ‘étude.
- Cependant, une analyse des sous groupes avec des contrôles répétés montre que les patients traités par SLIT et ayant des symptômes sévères avant le début du traitement, avaient une diminution significative de leurs symptômes cliniques après 3 ans de traitement.
– Conclusion :
- dans cette étude l’immunothérapie sublinguale était assortie d’un effet placebo significatif.
- L’efficacité du traitement peut être constatée uniquement chez des enfants avec des symptômes cliniques sévères et ceci n’est cliniquement évident qu’après trois ans de traitement.
Cette étude confirme donc la bonne compliance des enfants au traitement d’immunothérapie par voie sublinguale, ainsi que des effets indésirables insignifiants.
Mon expérience de plusieurs années de prescription de cette thérapeutique, surtout chez des enfants, me fait mettre un bémol à la compliance : en effet, bien souvent les patients se lassent des prises de gouttes répétées, et donc abandonnent leur traitement, il est alors difficile de « récupérer » ces patients en leur proposant la voie injectable.
Par ailleurs, ils sont moins souvent vus par leur allergologue, et ont tendance pour certains à arrêter dès qu’ils observent une amélioration clinique.
Il est certain que dans le cadre d’une étude contrôlée avec des consultations répétées, un carnet journalier etc.. la compliance est forcément meilleure que dans la pratique courante.
Les effets indésirables sont en effet peu fréquents et peu graves surtout, mais j’ai parfois du arrêter un traitement pour des nausées tenaces, des vomissements, voire des oedèmes localisés des muqueuses buccales, tous ces inconvénients ne sont certainement pas recensés du fait de leur bénignité.
Les auteurs concluent donc à un effet placebo certain, avec tout de même une efficacité reconnue pour les pollinoses sévères. Faut-il en conclure qu’il faut réserver l’immunothérapie spécifique uniquement aux cas sévères ?
Pour ma part, au vu des conclusions sur l’immunothérapie seul traitement étiologique de la maladie allergique, je n’en suis pas convaincue.
Nous avons encore quelques années de débat à l’horizon.
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