Accueil du site > Sciences > Environnement > Les acariens sont-ils écolos ?
Les contraintes environnementales et énergétiques conduisent au développement des constructions dites « basse consommation d’énergie ». Parallèlement, l’impact sur la santé de la pollution intérieure est de plus en plus étudié. Alors, l’amélioration de l’habitat est-il une bonne chose pour nos allergiques aux acariens ?
La concentration en allergène majeur des acariens Der f 1 est réduite dans les bâtiments à basse consommation d’énergie. : F. Spertini 1 , M. Berney 1 , F. Foradini 2 & C.-A. Roulet 3
1 Division of Immunology and Allergy, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois ; 2 E4tech, Lausanne, Switzerland ; 3 Solar Energy And Building Physics Laboratory, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, Switzerland
dans Allergy
Volume 65 Issue 5, Pages 623 - 629
– Contexte :
- Les conditions environnementales jouent un rôle crucial dans la croissance des acariens, et un contrôle optimal de l’environnement est une des clés de la prévention de l’inflammation des voies respiratoires, dans la rhinoconjonctivite ou l’asthme chroniques allergiques.
– Objectifs :
- Étudier la relation entre les performances énergétiques des bâtiments et la concentration intérieure en allergènes d’acariens, dans une étude transversale.
– Méthodes :
- Les concentrations en allergènes majeurs (Der f 1 , Der p 1, groupe 2 des acariens, Fel d 1 et Bla g 2) étaient déterminées par analyse quantitative par dot-blot d’échantillons de poussière de matelas et de tapis, dans cinq bâtiments désignés par leur basse consommation d’énergie (LEB low energy building) et six bâtiments contrôles (CB).
- Avant les relevés, les habitants ont reçu un questionnaire validé relatif à leur perception de leur état de santé, et leur confort de vie.
– Résultats :
- La concentration cumulative d’allergènes d’acariens (avec Der f 1 comme contributeur majeur) était significativement plus basse dans les LEB par rapport aux CV, à la fois dans les matelas et les tapis.
- Par contraste, les deux catégories de constructions ne différaient pas en concentration de Bla g 2 et Fel d 1 dans la poussière ainsi qu’en moisissures aéroportées.
- Alors que la température était supérieure dans les LEB, l’humidité relative était significativement plus basse que dans les CB.
-* La perception globale du confort était meilleure dans les LEB.
– Conclusions :
- L’allergène majeur des acariens Der f 1 s’accumule préférentiellement dans les bâtiments non conçus spécifiquement pour leur basse consommation d’énergie, atteignant des niveaux à risque pour la sensibilisation.
- Nous émettons l’hypothèse qu’une ventilation mécanique contrôlée, présente dans tous les LEB visités pourrait favoriser une humidité de l’air plus basse, et ainsi une moindre croissance des acariens et concentration en allergènes, tout en préservant un meilleur confort perçu.
Cette étude suisse fait partie d’un projet européen de recherche sur les améliorations des constructions en termes de santé et de consommation énergétique (projet HOPE).
Les résultats analysés ici se portent sur l’effet de mesures de réduction de la consommation d’énergie sur la concentration en allergènes du milieu intérieur, et sur les symptômes allergiques déclarés par leurs habitants.
Un immeuble « basse consommation » est défini par une consommation annuelle d’énergie inférieure à 140kWh/m2.
Des échantillons de poussière issus des matelas et des tapis sont analysés, et les concentrations en allergènes majeurs des acariens, chat et blattes mesurées.
Les résultats contredisent l’idée répandue selon laquelle les constructions modernes favorisent le développement des acariens : les allergènes des acariens sont significativement moins présents dans les bâtiments basse consommation.
Il faut noter que ces bâtiments étaient tous dotés d’une VMC, qui assure un renouvellement continu de l’air, et une diminution de l’humidité relative. Les acariens seraient donc plus sensibles à l’humidité qu’à la chaleur.
Il est intéressant de noter que les résultats les plus nets concernent Der f 1, qui voit son taux nettement plus abaissé par rapport aux immeubles contrôles. Les auteurs émettent l’hypothèse que de toute façon, D.pter ne prolifère pas en Suisse parce qu’il ne supporterait pas les hivers rigoureux, contrairement à D.far (… ?).
Ces mesures sont corrélées aux symptômes déclarés par les patients, qui se disent moins symptomatiques dans les immeubles basse consommation (et en plus ils ont plus chaud).
Cette étude apporte une approche originale de la prise en charge environnementale de l’allergie aux acariens. En effet, la prévalence élevée de ces allergies dans les pays développés a pu faire remettre en cause l’amélioration de l’habitat, de part l’exposition à la pollution intérieure, dont font partie les acariens.
Cet article tend au contraire à montrer que le développement de logements mieux isolés, mieux ventilés, peut contribuer à améliorer la santé de nos patients.
Les mesures d’éviction traditionnelles (aérer, faire la poussière, laver les draps) ne faisant pas la preuve de leur efficacité, la conception de logements plus sains peut devenir un enjeu de Santé Publique.