Diagnostic de l’allergie à l’arachide : plus besoin de Madame Soleil !

vendredi 29 octobre 2010 par Dr Alain Thillay16451 visites

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Diagnostic de l’allergie à l’arachide : plus besoin de Madame Soleil !

Diagnostic de l’allergie à l’arachide : plus besoin de Madame Soleil !

vendredi 29 octobre 2010, par Dr Alain Thillay

Un nouveau dosage immunologique utilisant des allergènes recombinants simplifie le diagnostic de l’allergie à l’arachide. : F. Codreanua, b, O. Collignonb, c, O. Roitelb, B. Thouvenotb, C. Sauvaged, A.-C. Vilaind, M.-O. Cousind, A. Decostere, J.-M. Renaudina, b, C. Astiera, J.-M. Monnezc, P. Valloisc, M. Morisseta, D.-A. Moneret-Vautrina, M. Brulliardb, V. Ogierb, M.-C. Castelaind, G. Kannya, B.E. Bihainb, S. Jacquenetb

aEA3999 Maladies allergiques : diagnostic et thérapeutique, Department of Internal Medicine, Clinical Immunology and Allergology, University Hospital, Nancy,
bGenclis SAS, Vandoeuvre-lès-Nancy,
cInstitut Elie Cartan, Université Nancy I, Nancy, and
dAllergology Center and
eBiology Laboratory, Saint-Vincent de Paul Hospital, Groupe Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille, Lille, France

dans Int Arch Allergy Immunol 2011 ;154:216-226 (DOI : 10.1159/000321108)

 Contexte :

  • Le test de provocation orale aux aliments en double aveugle contrôlé contre placebo est actuellement considéré comme l’étalon-or du diagnostic de l’allergie à l’arachide.
  • Toutefois, cette procédure qui nécessite l’hospitalisation des patients, principalement des enfants, dans des centres spécialisés dans l’exposition orale aux allergènes, peut provoquer des réactions graves nécessitant des mesures d’urgence.
  • Ainsi, une procédure de diagnostic simple et sûre est nécessaire.

 Objectif :

  • Le but de cette étude était d’évaluer la performance diagnostique d’une nouvelle série de tests sanguins in vitro pour l’allergie à l’arachide.

 Méthodes :

  • Les taux des IgE spécifiques de l’extrait d’arachide et des allergènes recombinants rAra h 1, rAra h 2, rAra h 3, rAra h 6, rAra h 7 et rAra h 8 ont été mesurés dans 3 groupes de patients inscrits dans deux centres indépendants :
    • les patients présentant une allergie à l’arachide avérée (n = 166),
    • les sujets sensibilisés aux pollens sans allergie à l’arachide (n = 61),
    • et les sujets témoins sans maladie allergique (n = 10).

 Résultats :

  • Soixante-neuf pour cent des patients sensibilisés aux pollens montraient des IgE spécifiques de l’arachide, en dépit de leur tolérance à cette graine oléagineuse.
  • En revanche, la combinaison des résultats des IgE spécifiques de l’extrait d’arachide, de rAra h 2 et de rAra h 6 a abouti à un diagnostic d’allergie à l’arachide avec une sensibilité de 98% et une spécificité de 85% pour un seuil de positivité de 0,10 kU/l.
  • L’utilisation d’un seuil de 0,23 kU/l pour rAra h 2 accroit la spécificité à 96% au détriment de la sensibilité qui passe à 93%.

 Conclusion :

  • Un simple test sanguin peut être utilisé pour diagnostiquer l’allergie à l’arachide avec un haut niveau de précision.
  • Toutefois, le test de provocation orale en double aveugle contre placebo restera utile pour les quelques cas où les observations cliniques et immunologiques des résultats sont contradictoires.

Du fait de l’augmentation de la prévalence de l’allergie à l’arachide chez l’enfant, celle-ci est devenue un véritable problème de santé publique dans les pays développés.

Si certes le test de provocation orale aux aliments en double aveugle contrôlé contre placebo reste l’étalon-or du diagnostic de l’allergie à l’arachide, il est lourd et coûteux nécessitant une hospitalisation en centre spécialisé et n’est pas dénué de danger, pouvant être à l’origine de réactions sévères et parfois même mettre en jeu le pronostic vital.

La présente étude est une coproduction de deux équipes françaises, hôpital Saint-Vincent de Paul de l’Institut Catholique de Lille et Département de Médecine interne du CHU de Nancy.

Ces chercheurs dans des études antérieures de plus petite taille avaient montré l’intérêt du recours aux allergènes de l’arachide Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3, Ara h 6 et Ara h 7, en tests cutanés et en dosages immunologiques, natifs et recombinants, dans le diagnostic de l’allergie à l’arachide en améliorant spécificité et sensibilité.

L’étude a enrôlé au total 237 patients y compris les sujets de contrôle (151 de sexe masculin et 86 de sexe féminin) provenant des deux centres français (Nancy=135 et Lille=102).

Les patients inclus en tant qu’allergiques à l’arachide avaient un test de provocation à l’arachide positif.

Ces patients étaient distingués en fonction de la gravité de la réaction clinique provoquée selon le score d’Astier et coll. : symptômes légers à modérés soit de grades 1-3 pour 132 (80%) et symptômes sévères soit grades 4 et 5 pour 34 (20%) des 166 patients allergiques à l’arachide avérés.

La dose de cacahuète provoquant les réactions s’établissait de 1,4 mg à 11,7 g durant le test de provocation orale.

Considérant les deux centres, parmi les 166 patients allergiques à l’arachide, 100% d’entre eux avaient un f13 positif, 159/166 (96%) rAra h 2 positif, 152/166 (92%) rAra h 6 positif, 125/166 (75%) rAra h 1 positif, 102/166 (61%) rAra h 3 positif, 72/166 (43%) rAra h 7 et 66/166 (40%) rAra h 8.

Les IgE spécifiques de rAra h 8 (PR-10) positives sont attribuées à une sensibilisation pollinique, chez les patients allergiques à l’arachide 11/166 (7%) présentaient cette mono-IgE-réactivité.

Alors que parmi ces patients allergiques à l’arachide 89/166 (54%) étaient IgE-réactif à 2, 3 ou 4 allergènes et 65/166 (39%) étaient réactifs à tous les allergènes.

77/166 (46%) de ces patients allergiques à l’arachide étaient simultanément IgE réactifs à rAra h 2 et rAra h 6.

In fine, les auteurs indiquent que le meilleur marqueur de l’allergie à l’arachide est représenté par la présence d’IgE spécifiques de rAra h 2, 2 S albumine, sensibilité de 96% et spécificité de 85%, pour un seuil de positivité de 0,10 kU/l ; ces caractéristiques peuvent être améliorées avec un seuil de 0,23 kU/l soit 93% de sensibilité et 96 % de spécificité ou bien s’il existe aussi une IgE-réactivité pour rAra h 6, 2 S albumine, 98% de sensibilité et 85% de spécificité pour un seuil à 0,10 kU/l pour ces deux marqueurs.

Si le test f13, extrait d’arachide naturel « total », a une excellente sensibilité pour le diagnostic de l’allergie à l’arachide, il contient l’ensemble des protéines dont certaines sont susceptibles de réagir du fait de la réactivité croisée avec les pollens.
D’où l’intérêt de pratiquer des tests cutanés polliniques de façon systématique dans cette situation de positivité à f13 sans à priori de réactions cliniques.

Ainsi, dans l’étude 79% des sujets atopiques montraient une IgE-réactivité à f13 (seuil 0,10 kU/l) avec une excellente tolérance à la prise de cacahuètes, ce qui confirme la spécificité basse (trop de faux positifs) de ce test chez les patients présentant une IgE-réactivité pollinique.

La réactivité croisée entre pollens et arachide peut s’expliquer par les CCD et/ou une homologie séquentielle ou structurelle entre les allergènes du bouleau Bet v 1 (PR-10) et Bet v 2 (profiline) et ceux de l’arachide Ara h 8 Bet v 1-like et Ara h 5 (profiline).

A noter dans cette étude un patient, ayant subi une réaction allergique lors de la prise accidentelle d’arachide, avait un f13 positif à 0,94 kU/l mais l’IgE réactivité à toutes les protéines de l’arachide était négative y compris rAra h 8, r Ar h 9, profiline et CCD, ce qui suggère qu’il existe d’autres protéines allergéniques.

Les auteurs expliquent aussi que la haute spécificité des ImmunoCAP PHADIA s’explique par la grande pureté des protéines recombinantes et l’absence de CCD.

En conclusion, la mesure des IgE spécifiques des allergènes recombinants rAra h 1, rAra h 2, rAra h 3, rAra h 6 et Ara h 7 à l’aide de l’ImmunoCAP améliore le diagnostic de l’allergie à l’arachide par rapport à l’ImmunoCAP f13 (extrait « total » de l’arachide native) en augmentant de façon importante la spécificité (moins de faux positifs).

Ainsi, dans la plupart des cas, une simple prise de sang, dosant f13 et les IgE spécifiques de rAra h 2 et/ou rAra h 6, permet de confirmer le diagnostic d’allergie à l’arachide ; le test de provocation orale en double aveugle contrôlé contre placebo n’étant plus alors à considérer comme une procédure obligatoire au diagnostic.

D’après les auteurs ce TPO n’aurait d’intérêt que pour évaluer le seuil de réactivité chez des candidats à l’immunothérapie sublinguale ; ou bien dans les cas exceptionnels de patients ayant eu une histoire clinique évocatrice d’allergie à l’arachide et un test cutané positif sans IgE spécifiques détectables des allergènes recombinants, alors là seulement le test de provocation orale s’imposerait.

Nous le voyons grâce à l’allergologie moléculaire nous sommes bien loin des seuils de Sampson, alliée au talent du praticien allergologue celle-ci permettra de répondre à la quasi-totalité des situations et rassurer ainsi le jeune patient et ses parents.

Tout dernier point, à ma connaissance, rAra h 6 n’est pas encore disponible à la prescription chez Phadia.

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