Quand les lymphocytes TH17 sont en haut de l’affiche !

vendredi 15 avril 2011 par Dr Philippe Carré2273 visites

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Quand les lymphocytes TH17 sont en haut de l’affiche !

Quand les lymphocytes TH17 sont en haut de l’affiche !

vendredi 15 avril 2011, par Dr Philippe Carré

Cellules TH17 : nouveaux acteurs dans la pathogénie de l’asthme. : Cosmi, L., Liotta, F., Maggi, E., Romagnani, S. and Annunziato, F. (2011),

Th17 cells : new players in asthma pathogenesis.

dans Allergy, 66 : no. doi : 10.1111/j.1398-9995.2011.02576.x

 Contexte :

  • Les lymphocytes T effecteurs CD4+ sont séparés en différents sous-groupes en fonction de leurs profils de sécrétion de cytokines :
    • les cellules TH1, grâce à la production d’interféron, sont responsables de l’immunité à médiation cellulaire vis-à-vis des pathogènes intracellulaires
    • les cellules TH2, par la production d’IL-4, apportent un certain degré de protection contre les helminthes
    • et les cellules TH17, par le biais de l’IL-17, favorisent le recrutement des neutrophiles pour l’élimination des bactéries et des moisissures.

 Cependant, à côté de leur rôle protecteur, les sous-groupes de T-helper peuvent aussi être impliqués dans la pathogénie de plusieurs maladies inflammatoires  :

  • l’asthme est une maladie inflammatoire caractérisée par différents phénotypes cliniques
  • l’asthme allergique est le résultat d’un processus inflammatoire favorisé par des lymphocytes TH-2 spécifiques des allergènes, alors que les cellules TH-17 sont impliqués essentiellement dans ces formes d’asthme où les neutrophiles plus que les éosinophiles contribuent à l’inflammation.
  • l’identification dans l’asthme allergique de cellules TH17/TH2, capables de produire à la fois de l’IL-4 et de l’IL-17, est en accord avec l’observation que différents phénotypes cliniques peuvent coexister chez le même patient.

 Conclusion :

  • un tableau est en train de se dessiner où différentes sous-populations de lymphocytes T sont actives dans différentes phases de l’asthme bronchique
  • et le large spectre de phénotypes cliniques est probablement l’expression de différents caractères cellulaires jouant un rôle dans l’inflammation pulmonaire.

Cet article important est une revue très bien documentée sur le rôle des cellules TH17 dans la pathogénie de l’asthme.

On savait que les lymphocytes helper CD4+ incluaient à la fois des lymphocytes effecteurs, responsables de la défense contre les pathogènes, et des lymphocytes régulateurs (Treg) dont la fonction est de supprimer la réponse immune contre les auto-antigènes, ainsi que contre les antigènes externes qui induisent une réponse immune qui peut devenir dangereuse contre l’hôte.

Il y a 20 ans, deux types de cellules effectrices CD4+ ont été identifiés :

  • les TH1 produisant de l’interféron et responsables de l’activation phagocytaire et de la production d’anticorps liés au complément
  • les TH2 produisant de l’IL-4, 5, 9 et 11 et jouant un rôle contre l’infection helminthique
  • les TH1 et les TH2 contribuaient aussi au développement de maladies à médiation immune : les TH1 aux maladies auto-immunes spécifiques d’organes et inflammatoires chroniques, les TH2 à celles des maladies atopiques
  • ce paradigme TH1-TH2 a persisté jusqu’à la découverte il y a quelques années d’un troisième sous-groupe de cellules effectrices CD4+, appelées TH17 en raison de leur production principale d’un groupe de cytokines appelées IL-17 A et F.

Le rôle principal des TH17 est de recruter et d’activer les neutrophiles, directement ou non, ce qui a fait penser que leur fonction principale était celle d’une clairance des pathogènes extracellulaires en période infectieuse ; mais ces cellules jouent aussi un rôle dans la pathogénie de plusieurs maladies auto-immunes et inflammatoires.

Un certain nombre de travaux ont montré une proximité de ces cellules avec les TH1, amenant à l’hypothèse que les TH17/TH1, plutôt que les TH17 seules, jouent un rôle critique dans l’activité de certaines maladies inflammatoires chroniques, ce qui est important dans l’optique du développement de nouvelles stratégies thérapeutiques biologiques.

En matière d’asthme, il est clair qu’interviennent de multiples facteurs environnementaux combinés à des gènes de susceptibilité, à l’origine de beaucoup de phénotypes différents d’asthme, qui ne s’excluent pas nécessairement entre eux ; des travaux récents ont laissé penser que cette maladie si hétérogène ne s’expliquait pas uniquement par le paradigme TH2 ; en particulier on a retrouvé chez certains patients des taux élevés d’INF gamma, d’IL17 et de neutrophiles, associés à une réponse altérée aux corticoïdes. Ceci suggère que l’asthme est caractérisé par des phénotypes différents avec des pathogénies différentes, dépendant ou pas des TH2 et nécessitant des approches thérapeutiques différentes adaptées à chaque patient.

Des travaux ont montré que l’IL17 et les neutrophiles sont particulièrement présents dans les asthmes sévères ou résistant aux corticoïdes, avec des réponses inadaptées aux traitements habituels de l’asthme ; de plus, certaines formes d’asthme non allergique (en rapport par exemple avec les polluants, les infections virales, l’obésité) se développent indépendamment des TH2, où les TH17 jouent peut-être aussi un rôle spécifique.

Le rôle de l’IL17 dans l’asthme est en pleine investigation ; en particulier chez les patients ayant une inflammation non atopique, non IgE-dépendante, non éosinophilique, avec une inflammation à neutrophiles souvent corrélée à la sévérité de la maladie. L’inflammation à neutrophiles a aussi été décrite dans les asthmes à début brutal ou « presque mortels » ; comme le rôle de l’IL17 dans le recrutement des neutrophiles est bien connu, plusieurs études ont essayé de trouver une association entre les TH17 et l’asthme ; l’expression de l’IL17 a été mise en évidence dans la sous-muqueuse bronchique de patients asthmatiques sévères, avec une expectoration induite retrouvant des neutrophiles.

D’autres études ont montré également l’existence de cellules CD4 produisant à la fois de l’IL-17 et de l’IL-4, cette population de TH17/TH2 étant particulièrement présente dans l’asthme allergique alors qu’elle est très peu représentée chez les sujets sains ; l’hypothèse a été émise qu’un environnement riche en IL-4 pourrait favoriser le switch des lymphocytes TH17 spécifiques des allergènes vers un phénotype TH17/TH2 ; une autre possibilité serait que les lymphocytes TH2 se mettent à produire de l’IL-17 en réponse à des stimuli inflammatoires. Tout cela soulève la question du rôle physiopathologique de ce nouveau sous-groupe de lymphocytes dans l’asthme allergique.

Ces données récentes remettent en lumière l’importance des différents phénotypes de la maladie asthmatique : les TH2 et les éosinophiles auraient un rôle important dans la pathogénie de l’asthme allergique, alors que les TH17 et les neutrophiles seraient impliqués dans les asthmes non atopiques et les asthmes cortico-résistants ; on sait que les corticoïdes ont peu d’effet dans les asthmes neutrophiliques par rapport aux asthmes éosinophiliques.

Ces mécanismes peuvent se développer indépendamment mais aussi coexister chez un même patient à des temps différents : il est donc important de comprendre non seulement les facteurs qui régulent la balance entre les différents sous-types de populations lymphocytaires T helper, mais aussi leur séquence dans le temps et leurs interactions potentielles dans l’induction de l’inflammation des voies aériennes. Le large spectre de phénotypes cliniques est probablement l’expression de différents caractères cellulaires jouant un rôle dans l’inflammation pulmonaire.

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