Accueil du site > Maladies > Asthme > Les élites ont-elles les bronches instables quand elles sont entre deux eaux ?
Les élites ont-elles les bronches instables quand elles sont entre deux eaux ?
mardi 17 mai 2011, par Dr Philippe Carré
Hyperréactivité des voies aériennes chez les nageurs d’élite : est-ce un phénomène transitoire ? : Valérie Bougault, Julie Turmel, Louis-Philippe Boulet
dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology - April 2011 (Vol. 127, Issue 4, Pages 892-898, DOI : 10.1016/j.jaci.2010.11.003)
– Contexte :
- L’hyperréactivité des voies aériennes (HRB) a une prévalence élevée chez les nageurs de compétition, mais on ne sait pas si elle est transitoire ou persistante.
– Objectifs :
- Documenter les modifications de l’HRB et l’inflammation des voies aériennes au cours de l’entraînement intense et au repos.
– Méthodes :
- 19 nageurs et 16 sujets contrôles ont subi un questionnaire standardisé, des prick-tests allergiques, une mesure du NO exhalé, un test d’hyperventilation volontaire normocapnique, un test à la métacholine et une analyse de l’expectoration induite
- Les tests ont été réalisés pendant un entraînement intense de natation et après au moins deux semaines de repos.
– Résultats :
- 16 nageurs et 13 sujets contrôles étaient atopiques
- L’HRB à la métacholine et le test d’hyperventilation volontaire étaient significativement plus élevés chez les nageurs que chez les contrôles (p<0.0001)
- Une diminution significative de l’HRB était observée entre la mesure au cours de la phase d’entraînement intensif et celle au repos uniquement chez les nageurs (p<0.005)
- Ceci apparaissait à la fois avec le test à la la métacholine (avec des valeurs de PC20 respectivement de 6 mg/ml et 12.8 mg/ml) et le test d’hyperventilation volontaire (avec une diminution maximale de VEMS après le test respectivement de 14.1 L et 10.1 L)
- 8 des 12 nageurs ayant une HRB pendant la phase d’entraînement intensif avaient une HRB normale au repos
- Aucune inflammation des voies aériennes n’est apparue, et aucune modification significative de ce paramètre n’a été observée entre l’entraînement et le repos.
– Conclusion :
*L’entraînement peut contribuer au développement de l’HRB chez les nageurs d’élite, mais cela semble réversible chez beaucoup d’athlètes après arrêt de l’entraînement pendant au moins deux semaines.
La prévalence de l’HRB est élevée chez les athlètes d’endurance, et particulièrement chez les nageurs de compétition. Une hyperventilation pendant l’entraînement et l’inhalation de substances irritantes peuvent contribuer à son apparition, même en l’absence de toute histoire antérieure d’asthme. De façon à optimiser la prise en charge de l’HRB chez ces athlètes, il est important de savoir si ce phénomène est transitoire ou chronique.
Les auteurs ont donc mesuré, chez 16 nageurs de compétition et 13 sujets contrôles, l’HRB par un test à la métacholine, avec un test d’hyperventilation, des tests allergiques cutanés et des mesures de l’inflammation (NO et expectoration induite), d’une part au cours de l’entraînement et après au moins 2 semaines de repos.
Les résultats montrent que :
- l’HRB était plus élevée en phase d’entraînement chez les nageurs et diminuée en phase de repos
- 2/3 des nageurs avec une HRB pendant l’entraînement intensif avaient une HRB normale au repos
- aucune inflammation significative des voies aériennes n’a été observée, que ce soit à l’effort ou au repos.
Ces résultats montrent donc le caractère transitoire de l’HRB chez les nageurs d’élite au cours de l’entraînement intensif. ; l’HRB est donc réduite chez la plupart des nageurs en phase de repos, même si elle reste plus élevée que chez les contrôles.
La réponse des voies aériennes au test à la métacholine et au test d’hyperventilation fluctue en fonction des périodes d’entraînement, ce qui confirme des études antérieures chez des nageurs actifs et ayant ensuite interrompu l’entraînement.
L’HRB pourrait être induite par une inflammation des voies aériennes secondaire à l’inhalation plus grande de dérivés chlorés liée à l’hyperventilation, mais l’étude n’a pas montré de modification de l’inflammation des voies aériennes. Il est possible que l’inhalation de faibles doses de dérivés chlorés altère l’épithélium bronchique mais ne permette pas un recrutement détectable de médiateurs inflammatoires, et que sa répétition au cours des entraînements intenses ne permette pas une réparation complète de l’épithélium et joue un rôle dans l’apparition de l’HRB ; si par contre une période de repos prolongée survient, l’HRB peut diminuer et résulter d’un réparation complète de la muqueuse, hypothèse actuellement non prouvée.
Chez ces athlètes, le moment de la réalisation d’un test de provocation bronchique est donc très important et peut influencer la réactivité bronchique. En conséquence, la mise en place de traitements médicamenteux pour l’asthme ne peut être indiqué que chez une minorité de nageurs au cours de l’entraînement.