L’inocuité du tabagisme passif part en fumée.

mercredi 21 novembre 2012 par Dr Philippe Carré749 visites

Accueil du site > Maladies > Asthme > L’inocuité du tabagisme passif part en fumée.

L’inocuité du tabagisme passif part en fumée.

L’inocuité du tabagisme passif part en fumée.

mercredi 21 novembre 2012, par Dr Philippe Carré

Association entre le tabagisme et le risque d’asthme, de rhino-conjonctivite et d’eczéma chez les enfants et les adolescents : analyses à partir de la Phase III du programme ISAAC. : Edwin A Mitchell1, Richard Beasley2, Ulrich Keil3, Stephen Montefort4, Joseph Odhiambo5, and the ISAAC Phase Three Study Group*

1Department of Paediatrics : Child and Youth Health, Faculty of Medical and Health Sciences, University of Auckland, Auckland, New Zealand
2Medical Research Institute of New Zealand, Wellington, New Zealand
3Institute of Epidemiology and Social Medicine, University of Muenster, Muenster, Germany
4Department of Medicine, University of Malta, Malta
5Centre Respiratory Diseases Research Unit, Kenya Medical Research Institute, Nairobi, Kenya

dans Thorax 2012 ;67:941-949 doi:10.1136/thoraxjnl-2011-200901

 Contexte :

  • L’exposition au tabagisme parental est associée aux sifflements dans la petite enfance, mais en 2006 les autorités américaines ont établi qu’il n’y avait pas d’évidence suffisante pour certifier une relation causale entre l’exposition tabagique et l’asthme dans l’enfance et l’adolescence.

 Buts de l’étude :

  • Examiner l’association entre le tabagisme maternel et paternel et les symptômes d’asthme, d’eczéma et de rhino-conjonctivite.

 Méthodes :

  • Les parents ou les gens gardant des enfants âgés de 6 à 7 ans ont complété des questionnaires écrits sur les symptômes d’asthme, de rhino-conjonctivite et d’eczéma, et sur différents facteurs de risque, incluant le tabagisme maternel pendant la première année de vie de l’enfant, l’existence et la quantité du tabagisme maternel et paternel
  • Les adolescents de 13 à 14 ans ont complété des aurto-questionnaires sur ces symptômes et sur l’existence d’un tabagisme habituel chez leurs parenrs.

 Résultats :

  • Dans le groupe âgé de 6 à 7 ans, il y avait 220407 enfants répartis dans 75 centres et 32 pays
  • Dans le groupe âgé de 13 à 14 ans, il y avait 350 654 adolescents répartis dans 118 centres et 53 pays
  • Le tabagisme maternel et paternel était associé à un risque accru de symptômes d’asthme, de rhino-conjonctivite et d’eczéma dans les 2 groupes, bien que la magnitude de l’odd ratio (OR) soit plus élevée pour les symptômes d’asthme que pour les autres symptômes
  • Le tabagisme maternel est associé à des OR plus élevés que le tabagisme paternel
  • Pour les symptômes d’asthme, il y a une relation évidente avec la quantité de tabac (1-9 cigarettes/ jour, OR1.27 ; 10-19 cigarettes/ jour, OR1.35 ; et à partir de 20 cigarettes/ jour, OR 1.56)
  • Quand on considère le tabagisme maternel dans la première année de la vie de l’enfant et le tabagisme maternel courant, l’effet principal est lié au tabagisme dans la première année de vie de l’enfant
  • Il n’y avait pas d’interaction entre le tabagisme maternel et paternel.

 Conclusions :

  • Cette étude confirme l’importance du tabagisme maternel, et l’effet séparé et additionnel du tabagisme paternel
  • L’existence d’une relation dose/effet avec les symptômes d’asthme suggère que la relation est bien causale, alors que cette relation est moins certaine pour l’eczéma et la rhino-conjonctivite.

La phase III de l’étude ISAAC montre donc que le tabagisme parental est associé à un risque accru de diagnostic et de symptômes d’asthme, et à un moindre degré d’eczéma et de rhino-conjonctivite ; l’association est plus importante avec le tabagisme maternel, du fait probablement que les enfants et les adolescents passent plus de temps en présence de leur mère que de leur père.

Ce résultat est obtenu à partir d’un large échantillon de plus de 570 000 enfants et adolescents issus de 53 pays différents à travers le monde.

Quand on analyse les symptômes d’asthme sévère, les OR sont plus importants que pour les sifflements habituels ; ceci suggère que l’exposition à la fumée est reliée plus à l’asthme lui-même. La grandeur des OR reste modeste, mais si l’on considère la prévalence du tabagisme dans certains pays, l’exposition à la fumée contribue fortement dans ces pays à la charge que représentent l’asthme et l’allergie.

L’importance du risque est très importante lorsque l’exposition a débuté dans la première année de la vie, indépendamment d’une exposition associée dans les années ultérieures. Mais les auteurs n’ont pas recueilli les données concernant le tabagisme au cours de la grossesse, dont on sait qu’il est corrélé à celui de la première année de la vie, et qui pourrait donc être un facteur confondant dans l’interprétation de cette donnée. L’existence d’un effet dose / réponse est un facteur important en faveur de la relation causale.

L’association entre tabagisme passif et eczéma ou rhino-conjonctivite est beaucoup plus faible que pour l’asthme, sans effet dose / réponse mis en évidence ; les données de la littérature sont d’ailleurs discordantes à ce sujet.

Les limites de cette étude tiennent au fait que les données ont été recueillies à partir de questionnaires qui étaient remplis par les parents pour le groupe le plus jeune (sans que l’on sache si le questionnaire a été rempli par la mère ou le père), et le fait surtout que les auteurs n’ont pas pu recueillir de données sur le tabagisme actif éventuel des adolescents inclus eux-mêmes dans l’étude, dont on sait qu’il peut s’associer à un risque plus important de sifflements.

Au total : cette étude a confirmé l’importance du tabagisme maternel, surtout dans la première année de la vie, et l’effet additionnel et séparé du tabagisme paternel sur la maladie asthmatique des enfants et des adolescents. L’effet dose / réponse entre le tabagisme et les symptômes d’asthme suggère une relation causale, que l’on ne retrouve pas pour l’eczéma et la rhino-conjonctivite. La prévention primaire vis-à-vis du tabagisme parental est donc fondamentale dans l’épidémiologie de l’asthme.