Les enfants sont parfois hypersensibles, c’est bien connu : encore faut-il le prouver.

mardi 3 décembre 2013 par Dr Philippe Carré560 visites

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Les enfants sont parfois hypersensibles, c’est bien connu : encore faut-il le prouver.

Les enfants sont parfois hypersensibles, c’est bien connu : encore faut-il le prouver.

mardi 3 décembre 2013, par Dr Philippe Carré

Hypersensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens confirmée par test de provocation chez l’enfant. : Yilmaz O, Ertoy Karagol IH, Bakirtas A, Topal E, Celik GE, Demirsoy MS, Turktas I. Challenge-proven nonsteroidal anti-inflammatory drug hypersensitivity in children.

dans Allergy 2013 ; DOI : 10.1111/all.12266.

 Contexte :

  • Peu d’études ont analysé l’hypersensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez l’enfant
  • L’objectif était de déterminer la fréquence de la véritable hypersensibilité aux AINS (H-AINS) et s’il y avait dans l’histoire des enfants des paramètres qui pourraient la prédire
  • Dans un second temps, une étude a été menée chez les enfants ayant une H-AINS pour savoir s’ils pouvaient tolérer une alternative médicamenteuse sans risque
  • Contrairement aux études antérieures, les auteurs ont suivi l’algorithme diagnostique récent proposé pour les réactions aigues dans l’H-AINS.

 Méthodes :

  • Les enfants avec une histoire clinique qui évoquait une H-AINS ont été évalués par un allergologue
  • Les patients ayant réagi à un seul AINS étaient d’abord testés par tests cutanés (prick et IDR), et en cas de négativité avaient un test de provocation à l’AINS responsable
  • Les patients ayant eu des réactions avec plusieurs AINS avaient directement un test de provocation aux molécules suspectées
  • Chez les enfants qui avaient une H-AINS confirmée, une alternative sûre était recherchée par un test de provocation oral (TPO).

 Résultats :

  • 58 des 61 sujets ont participé à l’étude
  • 38 sujets (65.5%) mentionnaient une réaction à un AINS unique, et 20 à au moins 2 AINS différents
  • Une H-AINS à une seule molécule a été prouvée chez 4 des 36 sujets (14%) et une réactivité croisée chez 8 sur 18 (44%)
  • L’Acétaminophène et le nimésulide étaient tolérés en tant qu’alternative sûre respectivement chez 60% et 88.8% des sujets
  • L’histoire familiale d’H-AINS était le seul critère prédictif significatif de la réponse au TPO (OR 5.4 ; IC 95ù :1.02-28.6).

 Conclusions :

  • Les antécédents cliniques d’H-AINS, que ce soit à un seul ou à plusieurs AINS, sont de mauvais critères prédictifs d’une hypersensibilité actuelle
  • En conséquence, les tests diagnostiques devraient être réalisés chez tous les enfants en l’absence de contre-indication
  • Une histoire familiale d’H-AINS est le seul paramètre prédictif significatif des résultats du TPO.

Dans cette étude parfaitement conduite sur le plan méthodologique, les auteurs ont utilisé un algorithme diagnostique proposé dans des revues récentes de la littérature concernant les réactions aigues aux AINS, en l’appliquant aux enfants. Ces réactions sont en effet fréquentes, notamment avec l’ibuprofène, et dans 56 à 86% des cas les AINS sont exclus sans que le diagnostic d’hypersensibilité aux AINS (H-AINS) soit prouvé.

Dans cette étude, 2 sous-groupes ont été considérés :

  • les enfants ayant réagi à un seul AINS :
    • un seul avait des tests cutanés positifs et a été considéré comme ayant une H-AINS médiée probablement par les IgE
    • les 35 autres (tests cutanés négatifs) ont eu un TPO, dont seuls 4 étaient positifs
  • les enfants ayant réagi à au moins 2 AINS :
    • les 18 enfants ont eu d’emblée un TPO au dernier AINS responsable, et 8 ont été positifs.

5 patients utilisaient déjà une molécule alternative sans problème ; les 12 patients ayant eu un TPO positif initialement ont eu un second TPO à une molécule alternative, en fonction de leur âge (nimésulide, acétaminophène, meloxicam ou tolmetine) : 2 des TPO ont été positifs (60% de tolérance à l’acétaminophène et 88.8% au nimesulide).

Cette étude est intéressante à deux titres :

  • les TPO ont été faits avec l’AINS responsable de la réaction, ce qui permet de confirmer les vrais positifs et négatifs
  • les TPO ont été réalisés jusqu’à la dose maximale quotidienne du médicament incriminé, ce qui permet le diagnostic des sujets ne réagissant qu’à des doses élevées (3 sujets dans cette étude).

Il y a par contre deux limites :

  • la réactivité croisée à un autre AINS ne peut être exclue dans le groupe des enfants qui n’avaient réagi initialement qu’à un seul AINS (il n’y a pas eu de TPO à l’aspirine ou à l’ibuprofène)
  • le nombre de sujets inclus est faible.

Cette étude confirme que, comme chez l’adulte, peu d’enfants rapportant une réaction clinique à la prise d’AINS ont une véritable H-AINS, ce qui nécessite de réaliser un TPO pour ne pas proposer d’évictions abusives définitives. En analyse multivariée, seule une histoire familiale d’H-AINS augmente la probabilité à priori d’une hypersensibilité vraie chez ces enfants.

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