Mesure des IgE spécifiques des aliments, ce n’est pas magique, c’est juste un outil diagnostique.

mardi 28 avril 2015 par Dr Alain Thillay5593 visites

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Mesure des IgE spécifiques des aliments, ce n’est pas magique, c’est  juste un outil diagnostique.

Mesure des IgE spécifiques des aliments, ce n’est pas magique, c’est juste un outil diagnostique.

mardi 28 avril 2015, par Dr Alain Thillay

Un panel d’IgE spécifiques des trophallergènes a souvent pour résultat un diagnostic d’allergie alimentaire erroné. : Bird JA1, Crain M2, Varshney P3.

dans J Pediatr. 2015 Jan ;166(1):97-100. doi : 10.1016/j.jpeds.2014.07.062. Epub 2014 Sep 10.

 Contexte :

  • La prévalence de l’allergie alimentaire a augmenté ces dix dernières années, certaines études récentes indiquant qu’un enfant sur 13 est diagnostiqué allergique alimentaire.
  • De fait, la mesure des IgE spécifiques des trophallergènes est très impliquée dans le diagnostic de l’allergie alimentaire alors même que ce type de test montre certes une grande sensibilité mais une mauvaise spécificité ce qui implique un trop grand nombre de faux positifs.
  • Ainsi, il y a risque d’erreur diagnostique pouvant entraîner des régimes d’éviction à tort avec impact sur la qualité de vie et risque de carence nutritionnelle.
  • Cette étude rétrospective avait pour but d’évaluer l’intérêt de la mesure des IgE spécifiques et des conséquences économiques chez des enfants vus en ambulatoire dans un centre d’allergologie à Dallas (Texas).

 Objectif :

  • Déterminer l’utilité d’un panel d’IgE spécifiques des trophallergènes chez des patients adressés à une consultation d’allergie alimentaire pédiatrique.

 Conception de l’étude :

  • Revue rétrospective de tous les nouveaux patients vus entre septembre 2011 et décembre 2012 en consultation d’allergie alimentaire pédiatrique.
  • Une analyse des coûts a été effectuée pour calculer le coût estimatif de l’évaluation pour les patients qui ont eu un panel de tests de trophallergènes.

 Résultats :

  • Parmi les 797 nouveaux patients rencontrés, 284 (35%) ont fait l’objet d’un panel de l’allergie alimentaire.
  • Seulement 90 (32,8%) des sujets avaient des antécédents justifiant l’évaluation d’une allergie alimentaire ; 126 sujets appliquaient l’éviction d’un aliment en fonction des recommandations du service d’allergologie alimentaire et 112 (88,9%) ont été en mesure de réintroduire au moins un aliment dans leur régime alimentaire.
  • La valeur prédictive positive des tests du panel de l’allergie alimentaire dans cette population non sélectionnée était de 2,2%.
  • Le coût estimatif de l’évaluation de cette population était de 79 412 $.

 Conclusions :

  • Le recours à un panel de mesure des IgE spécifiques alimentaires se traduit souvent par un mauvais diagnostic de l’allergie alimentaire, une éviction alimentaire trop restrictive et une charge économique.

Cette étude américaine a l’intérêt de montrer tout ce qu’il ne faut pas faire dans le cadre du diagnostic d’une allergie alimentaire. Dans ce service de consultations externes allergologiques à Dallas, les enfants suspects d’allergie alimentaire subissent d’emblée un panel d’IgE spécifiques des aliments couramment impliqués. A juste titre, ces chercheurs texans ont voulu évaluer la pertinence de cette pratique tant du point de vue diagnostique que du coût.

Le panel le plus souvent utilisé comprenait lait de vache, œuf, arachide, blé, soja, morue et crevette, d’autres panels rassemblaient pétoncle, maïs, sésame, palourde, bœuf, porc, chocolat, noisette.

Les trophallergènes les plus souvent retrouvés positifs étaient arachide, blé, soja, lait de vache et œuf.

Dans la période étudiée soit environ 15 mois, 797 nouveaux patients ont été vus, parmi eux, 284 ont subi un panel de diagnostic in vitro de l’allergie alimentaire, 10 ont été exclus (œsophagite à éosinophiles ou résultats perdus).

Parmi les 274 patients restants, 90 avaient une histoire évoquant une allergie alimentaire (réaction immédiate après prise d’aliment, dermatite atopique modérée à sévère), 184 n’avaient pas de tableau pouvant évoquer une allergie alimentaire comme rhinite allergique, dermatite atopique légère, urticaire spontanée ou autres.

Chez les 126 patients qui avaient modifié leur alimentation, seuls 54 (42,8%) avaient une histoire pertinente pouvant poser l’indication de mesure des IgE spécifiques des trophallergènes ; chez les 72 patients sans histoire pertinente d’allergie alimentaire, aucun d’entre eux ne démontrait une allergie alimentaire en reprenant l’histoire, en pratiquant à nouveau des tests biologiques.

Cette démarche de diagnostic d’allergie alimentaire génère un coût énorme pour un rendement très faible, VPP à 2,2%

Le diagnostic de l’allergie alimentaire se doit de suivre un protocole extrêmement précis et fouillé.

Le temps de l’interrogatoire est essentiel, tant dans la recherche d’un terrain atopique familial ou personnel que dans l’histoire de l’allergie elle-même.

Combien de fois voyons-nous des patients venant nous raconter qu’ils sont allergiques à tel ou tel aliment alors que la réaction décrite, atypique le plus souvent, n’est intervenue que 24 heures voire plusieurs jours plus tard.

Combien de patients sont adressés pour recherche d’une allergie alimentaire du fait d’une simple urticaire spontanée.

Rien que le fait de respecter cette précaution élémentaire d’un interrogatoire affûté permet d’éliminer les 2/3 des patients et éviter ainsi des examens biologiques coûteux.

Ensuite, vient le temps de l’examen clinique à la recherche d’indices en faveur de l’allergie suivi par celui des tests cutanés concernant les aéroallergènes qui peuvent déjà orienter ; leur positivité confirmant le terrain atopique, la ou les positivités précises pouvant déjà faire suspecter le ou les aliments responsables.

Enfin, les tests cutanés alimentaires natifs permettront de préciser l’allergie, les IgE spécifiques ne venant qu’à la fin pour confirmer voir évaluer le risque de sévérité et le pronostic à l’aide des composants allergéniques.

On peut supposer que cette équipe américaine va modifier le processus du diagnostic de l’allergie alimentaire, encore faudra-t-il que les pédiatres qui assurent les consultations soient formés à un minimum de savoir allergologique.

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