Les souris enceintes peuvent se shooter au paracétamol !

mercredi 27 mai 2015 par Dr Philippe Carré521 visites

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Les souris enceintes peuvent se shooter au paracétamol !

Les souris enceintes peuvent se shooter au paracétamol !

mercredi 27 mai 2015, par Dr Philippe Carré

L’exposition périnatale au paracétamol chez la souris n’affecte pas le développement des maladies allergiques des voies aériennes dans la vie précoce. : Thorax 2015 ;70:528-536 doi:10.1136/thoraxjnl-2014-205280

Debbie C P Lee1,2, Simone A Walker1, Adam J Byrne1, Lisa G Gregory1, James Buckley1, Andrew Bush3, Seif O Shaheen4, Sejal Saglani1,3, Clare M Lloyd1

 Contexte :

  • Les données actuelles concernant la prise maternelle de paracétamol pendant la grossesse, ou pendant la petite enfance, et le risque de sifflements ou d’asthme pendant l’enfance, ne permettent pas de conclusion claire dans les études épidémiologiques
  • Les auteurs ont cherché s’il y avait un lien causal entre la prise maternelle de paracétamol pendant la grossesse et l’allaitement et le développement d’une maladie allergique des voies aériennes (MAVA) induite par la poussière de maison (PDM) dans la descendance, en utilisant un modèle néonatal de souris.

 Méthodes :

  • Du paracétamol ou du sérum salé ont été administrés chez des souris gestantes par gavage oral à partir du jour de l’accouplement, tout au cours de la gestation et/ou de l’allaitement
  • Par la suite, leurs petits ont été exposés à de la PDM ou une solution saline par voie nasale à partir du 3è jour de vie jusqu’à 6 semaines
  • L’évaluation de l’hyperréactivité bronchique, de l’inflammation et du remodelage a été faite au moment du sevrage (3 semaines) et à l’âge de 6 semaines.

 Résultats :

  • L’exposition maternelle au paracétamol, que ce soit pendant la grossesse et/ou la lactation, n’affectait pas le développement de MAVA dans la descendance lors du sevrage ou à 6 semaines
  • Il n’y avait pas d’effets du paracétamol maternel à n’importe quel moment sur le remodelage des voies aériennes ou les taux d’IgE.

 Conclusions :

  • Le paracétamol maternel n’augmentait pas les MAVA induites par la PDM dans leur descendance
  • Ces données mécanistiques ne supportent pas l’hypothèse que l’exposition prénatale au paracétamol augmente le risque d’asthme dans l’enfance.

Il est de plus en plus à la mode ces derniers mois de crier haro sur le paracétamol. Des études épidémiologiques ont évoqué le rôle de la prise de paracétamol pendant la grossesse dans l’augmentation du risque d’asthme infantile ; mais le lien de causalité est difficile à affirmer en raison de facteurs confondants, et notamment des infections virales à l’occasion desquelles le paracétamol est souvent consommé.

Les auteurs ont donc réalisé une étude expérimentale chez la souris par exposition au paracétamol dès le début de la gestation et pendant l’allaitement de leurs petits, lesquels ont été soumis à la mesure d’indices d’inflammation bronchique jusqu’à l’âge de 6 semaines, après exposition à de la PDM.

Cette étude, la première du genre, a montré que l’exposition au paracétamol pendant la gestation, l’allaitement ou les deux, n’affecte pas l’HRB chez les souriceaux exposés à la PDM, n’augmente pas leur inflammation bronchique, ni le taux des cytokines TH2 ou des IgE spécifiques à la PDM.

Il a été seulement noté une augmentation transitoire de l’expression de gènes de remodelage (FIZZ1 et fibronectine) lors du sevrage de l’allaitement, sans modification de la charge en collagène, de l’inflammation ou de la sensibilisation chez les souris, et les différences n’étaient plus présentes à 6 semaines.

On pourrait penser que les résultats sur un modèle murin ne sont pas applicables chez l’homme (ou plutôt la femme !), mais c’est in modèle couramment utilisé dans l’étude de la toxicité du paracétamol ; l’augmentation transitoire des gènes du remodelage suggère que le paracétamol traverse bien le placenta. L’avantage de cette étude est d’utiliser un modèle approprié avec test d’exposition allergénique, d’administrer le paracétamol maternel à un dosage équivalent à celui des études épidémiologiques, et de ne pas avoir de facteur confondant, notamment d’origine infectieuse.

Dans ces conditions strictes, il n’y a pas d’effet du paracétamol maternel dans le développement d’aucun des paramètres de MAVA sur la descendance, que ce soit précocement (3 semaines) ou plus tardivement (6 semaines). C’est souligner aussi la difficulté d’interprétation des études épidémiologiques chez l’homme, où des facteurs confondants peuvent influer sur l’interprétation des résultats, ce qui semble être le cas de celles ayant montré un lien entre exposition au paracétamol maternel et risque ultérieur d’asthme.