La télésurveillance à domicile dans l’insuffisance respiratoire : ça change quoi ?

mercredi 23 mars 2016 par Dr Philippe Carré884 visites

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La télésurveillance à domicile dans l’insuffisance respiratoire : ça change quoi ?

La télésurveillance à domicile dans l’insuffisance respiratoire : ça change quoi ?

mercredi 23 mars 2016, par Dr Philippe Carré

Essai randomisé croisé de télésurveillance chez les patients ayant une maladie respiratoire chronique (essai TeleCRAFT). : M Chatwin1, G Hawkins1, L Panicchia1, A Woods1, A Hanak1, R Lucas1, E Baker2, E Ramhamdany3, B Mann3, J Riley1, M R Cowie1, A K Simonds1

dans Thorax 2016 ;71:305-311 doi:10.1136/thoraxjnl-2015-207045

 Objectif :

  • Evaluer l’impact de la télésurveillance à domicile sur l’utilisation des soins et la qualité de vie chez les patients avec une maladie respiratoire chronique sévère.

 Méthode :

  • Essai croisé randomisé avec 6 mois de prise en charge clinique standard optimale (groupe contrôle) et 6 mois avec en plus une télésurveillance.

 Participants :

  • Ils comprenaient 68 patients avec une maladie respiratoire chronique (38 avec une BPCO, 30 avec une insuffisance respiratoire chronique d’une autre cause), qui avaient été admis à l’hôpital pour une exacerbation dans les 6 mois avant la randomisation et qui, soit étaient sous oxygénothérapie au long cours, soit avaient une saturation artérielle en oxygène (SpO2) de moins de 90% en air ambiant au cours de cette hospitalisation
  • Les sujets avaient une télé surveillance (système de seconde génération) par le biais d’une liaison à large bande reliée à une équipe de soins hospitalière.

 Résultats mesurés :

  • L’objectif primaire mesuré était le délai jusqu’à la première admission hospitalière pour une nouvelle exacerbation aiguë
  • Les objectifs secondaires étaient le nombre d’admissions hospitalières, de consultations chez le médecin généraliste (MG), de visites à domicile par des infirmières, la mesure de la qualité de vie par le score EuroQol-5D et l’échelle d’anxiété et de dépression (EAD), et le score d’efficacité personnelle (Stanford).

 Résultats :

  • Le nombre médian de jours (IQR) jusqu’à la première admission ne montrait pas de différence entre les deux groupes -77 (114) pour la télésurveillance, 77.5 (61) pour le groupe contrôle (p=0.189)
  • Le taux d’admission hospitalière à 6 mois augmentait (0.63 pour la télésurveillance vs 0.32 pour les contrôles, p=0.026)
  • Les visites à domicile augmentaient pendant la télésurveillance ; les consultations chez le MG ne changeaient pas
  • Le score d’efficacité personnelle chutait, alors que le score EAD augmentait de façon marginale au cours de la télésurveillance.

 Conclusions :

  • La télésurveillance ajoutée à une prise en charge standard ne modifiait pas le délai jusqu’à la première hospitalisation aiguë, augmentait le nombre d’admissions à l’hôpital et de façon globale les visites à domicile, et n’améliorait pas la qualité de vie chez les patients avec une maladie respiratoire chronique.

Cet essai clinique anglais, croisé et randomisé, de l’addition, à une prise en charge médicale standard, d’une télésurveillance à domicile chez 68 patients avec une insuffisance respiratoire chronique, montre que la télésurveillance ne raccourcit pas le délai jusqu’à la première exacerbation nécessitant une hospitalisation aiguë ; au contraire, le taux d’hospitalisation et le nombre de visites à domicile augmentaient.

Par ailleurs, la qualité de vie ne s’améliorait pas pendant la télésurveillance, et le score d’efficacité personnelle diminuait au cours de l’essai, particulièrement chez ceux qui avaient la télésurveillance en premier.

La seule amélioration de la télésurveillance était un score de dépression plus bas, mais sa signification est douteuse tant le score est faible.

Ce résultat d’augmentation de l’activité de soins pendant la télésurveillance est une surprise, même s’il a été déjà signalé dans un essai récent (BMJ 2013), mais il n’est pas retrouvé dans d’autres essais de télésurveillance.

Une revue Cochrane en 2012 sur son intérêt dans la BPCO avait conclu à une diminution des hospitalisations et des visites en urgence, mais sans effet sur la qualité de vie. Ces résultats contradictoires n’empêchent pas (en tout cas en Angleterre) que cette technique soit très recommandée ces dernières années dans le retour à domicile des insuffisants respiratoires chroniques, notamment les BPCO (qui représentaient plus de 50% dans cette étude), avec des investissements en terme de moyens de santé conséquents.

Les auteurs pensent que leur constatation pourrait être liée à la réduction de l’efficacité personnelle des patients face à la télésurveillance, qui pourrait entraîner chez eux une plus grande dépendance aux ressources de santé, ce qui est opposé au but recherché par la télésurveillance.

Il est cependant difficile de comparer les différents essais réalisés dans la littérature, tous ayant des organisations différentes et ayant été réalisés dans des conditions de prise en charge diverses ; compte-tenu du développement actuel de ces techniques de prise en charge et de leur coût non négligeable, il est possible qu’elles ne soient indiquées que dans des sous-groupes particuliers de patients BPCO, qu’il reste à définir dans des études ultérieures.

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