10 Millions de dollars d’indemnisation pour un patient après un accident allergique

dimanche 26 mai 2002 par Dr Françoise Leprince5787 visites

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10 Millions de dollars d’indemnisation pour un patient après un accident allergique

10 Millions de dollars d’indemnisation pour un patient après un accident allergique

dimanche 26 mai 2002, par Dr Françoise Leprince

L’allergie à la cacahuète est grave. C’est un problème bien connu qui ne doit pas être pris à la légère. Dans le cas de ce jeune enfant, les différents médecins peuvent en effet se voir reprocher un manque d’information.

USA / Premier cas d’indemnisation d’un patient atteint par les complications d’une allergie alimentaire sévère. Laurie Stewart Law.com

La Cour Supérieure de Justice , dans le New Jersey (USA), a accordé 10 millions de dollars à un garçon atteint d’un handicap sévère après choc anaphylactique dû à l’ingestion d’une barre chocolatée sucrée enrobée de cacahuètes. La cour a considéré que les pédiatres et allergologues de l’enfant étaient responsables de ses blessures dans la mesure où ils avaient négligé d’informer les parents de l’enfant de la sévérité de son allergie aux cacahuètes. Le verdict, délivré la semaine dernière, passe pour être la première plainte « gagnante » dans un cas d’allergie alimentaire aux USA, annonce Maître Robert Ross, avocat de la partie plaignante.
Le jour de Noël 1996, Roy Varghese, 8 ans à l’époque, a mangé un morceau de chocolat avec des noisettes. Il a eu immédiatement une difficulté puis une gêne respiratoire importante, puis une réaction anaphylactique et une détresse respiratoire avec arrêt cardiaque, expliquant les suites juridiques.
Maitre Ross, l’avocat, dit que le handicap de l’enfant est permanent. Maintenant âgé de 13 ans, il ne peut plus communiquer est quadriplégique et a de nombreuses crises d’épilepsie.
Une plainte a été portée contre les 3 pédiatres qui avaient vu l’enfant et contre l’allergologue.
Le fondement de la plainte contre le premier pédiatre était, qu’il était au courant de l’allergie de Roy Varghese, mais qu’il n’avait jamais fait appel à un allergologue, ni prescrit de l’Adrénaline, le médicament qui peut diminuer la sévérité lors de l’ingestion de cacahuètes. "Il connaissait cette allergie depuis qu’il était petit", dit l’avocat. Quand il était petit enfant, il a mangé une cacahuète M& M, et a présenté une éruption de la face, et son visage enfla. Le pédiatre a prescrit un antihistaminique, et n’a donné aucun avertissement sur les dangers de l’allergie à la cacahuète. Les parents n’ont pas été avertis des mesures de précautions à prendre ».
Quatre ans plus tard, Roy Varghese, chez qui avait été diagnostiqué un asthme, a mangé un bol avec du beurre de cacahuète. Cette fois, son corps entier fut couvert d’urticaire, il commença à siffler et fut dyspnéique.
L’avocat dit alors que chez les enfants souffrant d’asthme, avec une allergie alimentaire, il y a un risque plus grand d’anaphylaxie, une réaction sévère et immédiate liée à l’introduction d’une protéine étrangère dans l’organisme.
Après la seconde réaction allergique, ses parents le ramenèrent consulter le pédiatre qui traita les conséquences de l’asthme. « Une nouvelle fois, ce spécialiste ne prévint pas des dangers de l’allergie aux cacahuètes, ne lui prescrivit pas d’Adrénaline, et ne l’envoya pas consulter un allergologue » dit l’avocat du jeune patient.
Peu après la deuxième crise, l’assurance médicale de l’enfant changea, et il fut demandé que l’enfant voie un autre pédiatre. Deux autres praticiens suivirent l’enfant. La première fois qu’ils examinèrent l’enfant, ils découvrirent son allergie à la cacahuète, et un conseil fut demandé à un allergologue. Cependant aucun de ces 3 praticiens ne prescrivit d’Adrénaline ni, n’expliqua aux parents les risques de dangers réels et mortels, selon l’avocat.
En 1996, Roy Varghese consulta à nouveau les mêmes médecins, et il était à nouveau entre les mains du premier pédiatre au moment du choc anaphylactique.
L’avocat des plaignants dit qu’un " arrangement confidentiel " avait eu lieu juste avant le procès avec ce premier pédiatre.
Pendant les 3 semaines du procès, les 2 derniers spécialistes argumentèrent qu’ils avaient adressé l’enfant à l’allergologue. Ils dirent que ce spécialiste avait été défaillant. Ils se contentèrent de dire qu’ils n’étaient pas responsables.
L’allergologue n’est pas venu au procès.
La Cour a donné son verdict et 10 millions de dollars devront être versés ; 80% de responsabilité pour le premier pédiatre et 20% pour l ’allergologue.
L’avocat dit qu’il demandera au juge de faire payer à l’allergologue la totalité, puisque le pédiatre avait déjà convenu d’un agrément avant le procès.
Le jury ne condamne pas les 2 autres pédiatres. Les parents de Varghese furent aussi considérés comme non responsables de l’accident de leur fils. En effet un tiers avait plaidé contre eux, alléguant qu’ils auraient du connaître les conséquences d’une exposition aux cacahuètes, pour leur fils.
Les parents expliquèrent qu’ils n’étaient pas au courant de l’importance du risque dû aux cacahuètes pour leur enfant, mais que néanmoins ils avaient essayé de diminuer le plus possible cette exposition.
Cette affaire est importante, pas à cause du montant du dédommagement, dit l’avocat, mais parce que c’est la première victoire dans une plainte pour un cas d’allergie alimentaire.
C’est important pour les médecins et les chercheurs qui se sont consacrés à ce sujet et à le faire connaître : « l’allergie aux cacahuètes est très sérieuse et peut être mortelle. Vous devez donner de sérieux avertissement à vos patients »
C’est l’espoir de ces parents de permettre d’éviter la répétition de ce drame pour d’autres enfants.


Ce que dit la loi :
 1. le Code de Déontologie :
ARTICLE 35 : le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne où qu’il conseille, une information claire, loyale et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois , dans l’intérêt du malade et pour des raison légitimes , que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves, sauf dans le cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination ;
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection mais les proches doivent en être prévenus,sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite.
ARTICLE 64 : lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du malade.
Chacun des médecins peut délibérément refuser de prêter son concours, ou le retirer, à condition de ne pas nuire au malade et d’en avertir ses confrères.
ARTICLE 69 : l’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses actes.

 2. le code de procédure civile
Art. 1382 : « tout fait quelconque de l’homme qui a causé à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». C ’est une responsabilité délictuelle, sous entendant que l’on a voulu volontairement le dommage.
Art. 1383 : « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ». La faute est non intentionnelle, mais a provoqué un dommage. On parle ici de responsabilité quasi-délictuelle. Parallèlement au droit pénal, les notions de maladresse, d’imprudence, de négligence, d’inattention, de non respect des règlements servent de toile de fond à la responsabilité civile.
Art.1384 : à cote du système de faute, se greffe la présomption de faute, surtout appliquée en exercice médical libéral. L’exonération de la présomption ne peut être obtenue qu ’en faisant la preuve d’un cas de force majeure, du fait d’un tiers, ou d’une faute de la victime.
Depuis 1936, la Cour de Cassation déclare : « il se forme entre le médecin et le client un véritable contrat …que la violation même involontaire de cette obligation de contrat est sanctionnée par une responsabilité de même nature , également contractuelle ».
Art.1147 : « le débiteur est condamné s’il y a lieu, au paiement des dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il y n’ait aucune mauvaise foi de sa part »

Le contrat médical est fait entre le malade et son médecin. Le non respect de ce contrat entraîne l’obligation de réparer le dommage causé. C’est la responsabilité contractuelle

 3. Le code de Procédure Pénale :
article 221 du Code de Procédure Pénal : C’est un homicide par imprudence dans la mesure où le médecin ne s’assure pas de la continuité des soins, qui peut être punissable, ou une infraction intentionnelle, ou un défaut d’information .
Article 226 NCPP : C’est l’atteinte involontaire à l’intégrité corporelle : maladresse, imprudence, inattention ou inobservation des règlements

On retiendra :
Nul ne peut se soustraire à la responsabilité morale, mais aussi à la responsabilité déontologique, civile et pénale. Cette dernière est une responsabilité individuelle, personnelle et aucune assurance ne peut la couvrir.
Elle concerne des faits volontaires ou involontaires, comportant un élément légal (le contenu de la loi que nul ne peut ignorer), un élément moral (faute de comportement ou d’intention volontaire) et un élément matériel, c’est l’acte perturbateur. Il faut, bien sur que les juges puissent établir un lien de causalité entre les dommages et la faute.
Cette responsabilité a pour conséquence une peine prononcée à l’encontre du médecin jugé et reconnu coupable d’avoir commis une infraction. Les médecins sont aussi soumis au droit commun qui sanctionne les actes volontaires ou involontaires.
Ces trois principes de loi établissent bien l’erreur des 4 médecins incriminés dans le cas de ce dossier : absence d’information des parents et de l’enfant, absence de listes d’éviction des aliments, absence de collaboration entre confrères et absence de prescription d’Adrénaline à l’enfant Roy Varghese.
Cependant, devant parfois la mauvaise foi des parties adverses, il faut garder trace dans les dossiers que l’information a été bien faite et comprise. Les listes d’éviction des aliments et médicaments contenant de l’arachide auraient dû être données. Une trace là aussi doit rester dans le dossier, de même un courrier au médecin traitant habituel, et au pédiatre correspondant, précisant toutes les modalités de la consultation et tout ce qui aura été expliqué, montré et donné. Il faut donc garder trace des prescriptions, des explications données, en particulier dans la démonstration de l’utilisation de la seringue d’Adrénaline.
L’application d’une bonne confraternité et d’une médecine consciencieuse et responsable aurait sans doute pu éviter, à l’enfant Roy Varghese, de se retrouver dans une aussi dramatique situation, que même une somme importante ne pourra lui rendre la vie normale

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