Question philosophique : l’allergène fait-il la maladie ?

lundi 14 avril 2003 par Dr Stéphane Guez3185 visites

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Question philosophique : l’allergène fait-il la maladie ?

Question philosophique : l’allergène fait-il la maladie ?

lundi 14 avril 2003, par Dr Stéphane Guez

L’asthme, la rhinite et l’eczéma sont elles les différents visages de la sensibilisation aux pneumallergènes en fonction du bagage génétique de chaque individu, ou chacune de ces affections est elle secondaire à un ou plusieurs allergènes donnés ?

Différents profils de sensibilisation pour l’asthme, la rhinite et l’eczéma parmi des enfants de 7 à 8 ans (Suède du Nord) : Ronmark E, Perzanowski M, Platts-Mills T, Lundback B. OLIN Studies, Department of Medicine, Sunderby Central Hospital of Norrbotten, Lulea, Department of Respiratory Medicine and Allergy, University of Umea, Lung and Allergy Research, National Institute of Environmental Medicine, Karolinska Institute, Stockholm, Sweden, and Asthma and Allergy Diseases Center, University of Virginia, Charlottesville, USA. dans Pediatr Allergy Immunol 2003 Apr ;14(2):91-99

La sensibilisation à différents pneumallergènes dans l’asthme, la rhinite et l’eczéma a été étudiée.

 Méthodologie :
* Une étude transversale a été réalisée parmi des enfants de 7 à 8 ans vivant dans le nord de la Suède.
* Le questionnaire ISAAC avec quelques questions additionnelles a été envoyé aux parents, et 3431 (97%) ont participé.
* Les 2/3 des enfants ont été invités à subir des tests cutanés à 10 pneumallergènes fréquents, et 2148 (88%) ont participé à ce travail.

 Résultats :
* La prévalence des 3 affections est significativement plus importante parmi les enfants qui sont sensibilisés aux allergènes testés.
* Parmi les asthmatiques,
** 40% sont sensibilisés au chat,
** 34% au chien,
** 28% au cheval,
** 23% aux pollens de bouleau
** 16% à la fléole.
* Pour la rhinite, le profil de sensibilisation est le suivant :
** chat 49%,
** chien 33%,
** cheval 37%,
** pollen de bouleau 46%,
** fléole 32%.
* Pour l’eczéma le profil est le suivant :
** chat 29%,
** chien 21%,
** cheval 15%,
** pollen de bouleau 20%,
** fléole 11%.
* Seulement quelques enfants sont sensibilisés aux acariens et aux moisissures.
* Le facteur de risque principal pour ces 3 affections reste une allergie de type 1 et des antécédents familiaux de ces affections.
* Indépendamment des autres facteurs de risque, les sensibilisations au chien (OR : 2.4) et au cheval (0R : 2.2) sont significativement des facteurs de risque d’avoir un asthme.
* La sensibilisation au pollen de bouleau (OR : 6.0), au cheval (OR : 4.1) et à la fléole (OR : 2.8) sont des facteurs de risque de développer une rhinite, alors que la sensibilisation au pollen de bouleau (OR : 2.4), au chien (OR : 2.0) et au chat (OR : 1.6) sont des facteurs de risque d’eczéma.
* Malgré un large recouvrement de ces différentes pathologies, le profil de sensibilisation est différent pour l’asthme, la rhinite et l’eczéma.
* La sensibilisation au chat est la plus fréquente parmi les enfants, mais la sensibilisation au chien et au cheval est associée à un risque plus élevé d’asthme, et la sensibilisation au bouleau est un facteur de risque de rhinite et d’eczéma.

Les différences de profil pour des affections qui souvent coexistent, asthme, rhinite et eczéma, pourraient indiquer des différences au niveau étiologique.,


Dans cette étude, les auteurs démontrent que dans une population d’enfants, le profil de sensibilisation à différents pneumallergènes est un facteur de risque spécifique d’avoir un asthme, une rhinite, ou un eczéma.

Cette étude est très intéressante, car elle démontre que la sensibilisation est différente selon les pathologies allergiques.

A première vue cela pourrait paraître anecdotique. En fait le mécanisme de cette sensibilisation reste encore largement méconnue : jusqu’où par exemple pénètre un allergène donné dans les voies respiratoires ? Son cheminement est certainement conditionné par son poids et sa taille, et il est aisé de concevoir que certains allergènes seront bloqués au niveau des voies aériennes supérieures, et d’autres pourront aller jusqu’aux bronches. Une respiration buccale, par exemple secondaire à un obstacle mécanique au niveau ORL, pourrait d’ailleurs modifier le cheminement des allergènes et expliquer des sensibilisations « accidentelles ».

Ces connaissances sont également primordiales pour développer des systèmes de prévention efficace.

Cela pourrait être également important pour développer des désensibilisations in situ par exemple pour certains allergènes qui agissent essentiellement au niveau ORL.

Ce travail est donc important et mérite des développements.

Enfin on remarque la très grande fréquence de la sensibilisation au chat qui finalement n’est pas associé à une maladie particulière et reflète certainement simplement l’état atopique du patient.

La fréquence de la sensibilisation au cheval est surprenante et s’explique sans doute par le fait qu’il s’agisse d’une population rurale.

La fréquence de la sensibilisation au chien est également surprenante et ne correspond pas à nos données françaises.

Il faut donc s’interroger sur un biais possible dans le recrutement de ces enfants qui ont un profil de sensibilisation bien inhabituel.

Il aurait sans doute été intéressant d’avoir également le dosage des IgE spécifiques des différents allergènes étudiés.

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