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Le virus de la grippe a une action multiforme et contradictoire sur l’asthme
dimanche 18 mai 2003, par
Si dans la pratique médicale, une infection virale déstabilise logiquement un asthme, l’immunologiste qui sommeille en chacun d’entre nous (!) aimerait en savoir plus sur les mécanismes physiopathologiques sous-jacents, pas si évidents qu’il n’y paraît.
L’ infection par le Virus Influenza A inhibe le recrutement efficace des lymphocytes Th2 et le développement d’une éosinophilie dans les voies aériennes. : Wohlleben G, Muller J, Tatsch U, Hambrecht C, Herz U, Renz H, Schmitt E, Moll H, Erb KJ. Center for Infectious Diseases and. Department of Pathology, University of Wurzburg, Wurzburg, Germany. dans J Immunol 2003 May 1 ;170(9):4601-11
La plupart des infections par les virus à tropisme respiratoire induisent des réponses de type Th1 caractérisées par la génération de cellules Th1 et T CD8(+) sécrétant de l’IFN-gamma, qui à son tour a démontré une action inhibitrice sur le développement des cellules Th2.
Ainsi, il peut être supposé que les infections respiratoires virales induisent une protection contre l’asthme.
Cependant, l’opposé semble être vrai, parce que les infections virales sont souvent associées avec l’exacerbation de l’asthme.
Pour cette raison, nous avons étudié quel effet une infection par le virus influenza A (grippe) a sur le développement de l’asthme.
Nous avons trouvé que l’infection grippale 1, 3, 6, ou 9 semaines avant un challenge allergénique des voies aériennes résultait en une suppression forte de l’éosinophilie des voies aériennes induite par l’allergène. Cet effet était associé avec un nombre fortement réduit de cellules Th2 dans les voies aériennes et n’était pas observé chez les souris IFN-gamma- ou IL-12 p35-déficientes.
Les souris infectées avec le virus de la grippe et immunisées avec OVA avaient des taux diminués d’IL-5 et augmentés d’IFN-gamma, d’éotaxine/CC chimiokine ligand (CCL)11, de RANTES/CCL5, et de monocyte chemoattractant protein-1/CCL2 dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire, et une hyperréactivité bronchique majorée comparées aux souris immunisées par l’OVA.
Ces résultats suggèrent que l’infection grippale réduit l’éosinophilie dans les voies aériennes par l’induction de réponses Th1, qui conduit à un recrutement inefficace des lymphocytes Th2 dans les voies aériennes.
Cependant, les taux sériques d’IgE et d’IgG1 spécifiques de l’OVA, l’éosinophilie sanguine, et la métaplasie des cellules à mucus dans les poumons n’étaient pas réduits par l’infection grippale.
L’infection par le virus de la grippe induit aussi directement l’hyperréactivité bronchique et la métaplasie des cellules à mucus.
En conclusion, nos résultats montrent que les infections par le virus de la grippe peuvent induire, exacerber, et inhiber des éléments de la maladie asthmatique chez les souris.
Le virus de la grippe a donc une action bivalente sur l’asthme.
En effet, il induit directement l’hyperréactivité bronchique et la métaplasie des cellules à mucus et donc potentiellement une exacerbation de l’asthme du sujet. En revanche, le même virus induit des réponses Th1, réduisant l’éosinophilie et conduisant à un recrutement inefficace des lymphocytes Th2 dans les voies aériennes.
Globalement, dans la pratique médicale, l’impression générale est plutôt qu’une infection virale déstabilise un asthme.
Cependant, il existe une variation de susceptibilité individuelle des sujets asthmatiques qui fait qu’ils ne décompensent pas tous automatiquement leur asthme lors d’une grippe ou autre virose.
Le développement d’une réponse immunitaire respiratoire concomitante et antagoniste au virus de la grippe serait une explication élégante à cette variation de susceptibilité individuelle des sujets asthmatiques lors de l’infection grippale.
On notera que curieusement l’éosinophilie dans les voies aériennes était réduite alors que les taux d’éotaxine/CC chimiokine ligand (CCL)11, chimioattractant pour les éosinophiles, étaient augmentés. Ce fait est probablement lié à une diminution des taux broncho-alvéolaires en IL-5, produit notamment par les Th2 faiblement présents ici et autre messager impliqué dans le recrutement des éosinophiles.
Sur le plan thérapeutique, l’hyperréactivité bronchique et la métaplasie des cellules à mucus, responsables d’un bronchospasme et d’un encombrement bronchique, sont les conséquences principales de l’infection virale et donc des cibles prioritaires du traitement de l’exacerbation asthmatique via les bronchodilatateurs et la kinésithérapie respiratoire.
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