TGF-β1 : la cytokine anti inflammatoire phare du lait maternel

dimanche 26 octobre 2003 par Dr Dominique Marchand3615 visites

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TGF-β1 : la cytokine anti inflammatoire phare du lait maternel

TGF-β1 : la cytokine anti inflammatoire phare du lait maternel

dimanche 26 octobre 2003, par Dr Dominique Marchand

L’immuno-protection du lait maternel ne fait aucun doute à l’homme depuis la nuit des temps par contre ses fondements restent encore mystérieux. Il sera difficile de rester ignorant après avoir lu les résultats de cette étude axée sur les cytokines présentes dans le lait maternel et la prévention des sifflements chez l’enfant de moins d’1 an.

Il existe une relation de proportionnalité entre le taux de TGF-β dans le lait maternel et les sifflements dans l’enfance : Wendy H. Oddy, PhDa,b Marilyn Halonen, PhDc
F.D. Martinez, MDc I. Carla Lohman, MSc Debra A. Stern, MSc
Margaret Kurzius-Spencer, MPHc Stefano Guerra, MDc Anne L. Wright, PhDc

aDepartment of Nutrition, Dietetics, and Food Science, Curtin University of Technology, Perth, Australia
bCentre for Child Health Research, University of Western Australia, Perth, Australia
cArizona Respiratory Center, University of Arizona, Tuscon, Ariz, USA

dans JACI October 2003 • Volume 112 • Number 4

 Contexte :
* les cytokines sécrétées dans le lait maternel pourraient jouer un rôle important dans la santé du nouveau né et dans le développement des réponses immunitaires dans l’enfance.
* Les auteurs ont étudié la relation entre la concentration, la quantité de cytokines dans le lait maternel et les sifflements chez les enfants à l’age d’un an.

 Objectifs : l’objectif était de vérifier si les cytokines présentes dans le lait maternel étaient responsables de l’un des effets protecteurs de l’alimentation au sein vis à vis des sifflements dans la première année de vie.

 Méthodes :
* les données concernant l’alimentation au sein et les sifflements dans l’enfance furent recueillies de la naissance à l’age d’un an à partir d’un panel de 243 mamans participant à l’étude de suivi sur le statut immunitaire infantile à Tucson, Arizona.
* Les échantillons de lait maternel obtenus à un age moyen de 11 jours après le post-partum furent analysés par méthode ELISA pour la détermination de la concentration de TGF-β, IL-10, TNF-α ainsi que la forme soluble du CD14.
* La quantité de chaque cytokine fut étudiée en vue de la recherche d’une relation avec les sifflements à l’aide d’un modèle d’analyse par régression logistique bivariée.

 Résultats :
* l’augmentation de la durée de l’allaitement maternel était corrélée avec une prévalence réduite des sifflements (P=0.035).
* Il existait une grande variabilité des taux de chaque cytokine dans le lait, tout comme entre les mères pour la quantité de chaque cytokine produite.
* Il existait une relation inverse significative entre le taux de TGF-β1 transmis par le lait et le taux de sifflements (P=0.017), la relation était linéaire (P=0.006).
* Aucune des autres cytokines n’a montré une relation linéaire significative avec les sifflements.
* D’après les résultats d’une analyse multi variée le risque de sifflements était significativement réduit (odds ratio, 0.22 ; IC 95% 0.05-0.89, P=0.34) avec une quantité croissante de TGF-β1 (l’allaitement maternel prolongé est associé à taux moyen à élevé de TGF-β1 comparé avec une faible quantité de TGF-β pour un allaitement court).

 Conclusions : cette analyse montre que la dose de TGF-β1 transmise par le lait est en relation significative avec les sifflements du nourrisson, et pourrait constituer au moins un des effets protecteurs de l’allaitement au sein contre les sifflements.


Dans un contexte de controverses qui a parfois placé l’allaitement maternel prolongé parmi les facteurs de risque pour l’asthme et les maladies allergiques, cette étude sous l’égide de pédiatres nord américains de Tucson, Arizona dont le leader est F.D Martinez, et australiens de Perth, remet sans ambages les pendules « à l’heure ».

Toutefois la cible annoncée est, subtilement, les sifflements chez le nourrisson de moins d’an (principalement liés aux infections respiratoires à rhino virus et VRS, rappelons-le) et non pas l’asthme observé à 8 ou 9 ans souvent lié alors aux facteurs allergiques.

D’une amélioration du statut immunitaire de chaque enfant, on est en droit d’attendre moins d’infections respiratoires, donc moins de sifflements par recrutement de cellules inflammatoires au niveau des voies aériennes sous l’influence de cytokines pro inflammatoires et chémokines.

La démonstration est sans appel : d’une part les auteurs ont observé une réduction des sifflements grâce à l’allaitement maternel, d’autre part la quantité présente dans le lait maternel de TGF-β1, cytokine connue pour favoriser la synthèse des IgA au niveau du lymphocyte B, est inversement proportionnelle aux épisodes de sifflements avec une relation linéaire dose dépendante (fonction de la durée de l’allaitement).

En terme de risque pour les sifflements exprimé sous forme d’ odds ratio, après analyse multi- variée, ce dernier est également inversement proportionnel à la durée de l’allaitement.

Cette relation n’est pas retrouvée avec les autres cytokines étudiées comme IL10, TNF-α, ou la forme soluble du CD14. Ce résultat est étonnant lorsque que l’on connaît la complémentarité de TGF-β et de IL-10 dans la régulation de la réponse immune avec une orientation dans le sens de la tolérance.

Ce travail démontre encore une fois que le lait maternel est une matière vivante avec ses cellules (lymphocytes, cellules présentatrices d’antigènes, hélas probablement), anticorps, protéines spécifiques telle la lactoferrine, lysozyme et enfin ses cytokines qui traversent la barrière digestive pour stimuler le système immunitaire du nourrisson.

Le rôle vedette de TGF-β2 a également été démontré par un travail très pertinent de l’équipe d’Erika Isolauri (Université de Turku, Finlande) : l’administration de probiotiques à des femmes gestantes puis allaitantes a permis d’améliorer le potentiel d’immuno protection du lait maternel avec à l’appui une augmentation du taux de TGF-β2 (2885pg/ml pour les mères recevant des pro biotiques vs. 1340pg/ml chez les mères recevant un placebo). J Allergy Clin Immunol 2002 ; 109(1) : 119-21.

J’exprimerai peut être un seul regret à propos de cette étude dans la mesure où il n’y a pas eu de distinguo dans l’étude épidémiologique ente les mères allaitantes atopiques et non atopiques pour la production de cytokines et la qualité de la protection quant aux sifflements, mais un travail récent (Pediatr Allergy Immunol 2003 : 14 : 27-34 ) a montré qu’aucune différence dans la composition en cytokines (IL-4, -5, -6, -8, -10, -13, -16, -IFN-, TGF-β1,- β2), chémokines (RANTES, eotaxin), le niveau des IgA sécrétoires, ne pouvait expliquer à quelque degré, la survenue de tests cutanés positifs ou de symptômes d’atopie dans les 2 premières années de vie.

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