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Le syndrome moutarde-Armoise ? Ça vient de sortir...
mercredi 29 décembre 2004, par
La moutarde fait partie des aliments que nous testons habituellement, et pour cause, puisque chez l’enfant, elle fait partie des 5 aliments responsables des trois quarts des allergies alimentaires. Est-ce à dire que la moutarde qui fait partie de notre pratique quotidienne n’a plus de secrets pour nous ? Certes NON !
Allergie à la moutarde confirmée par test de provocation en double aveugle contre placebo : caractéristiques cliniques et réactivité croisée avec le pollen d’armoise et les aliments dérivés de la plante. : J. Figueroa, C. Blanco, A. G. Dumpiérrez, L. Almeida, N. Ortega, R. Castillo, L. Navarro, E. Pérez, M. D. Gallego, T. Carrillo
Hospital de Gran Canaria Dr. Negrín, Las Palmas de Gran Canaria, Las Palmas, Spain
dans Allergy 60 (1), 48-55.
– Contexte :
- L’allergie IgE-médiée à la moutarde est censée être une cause peu fréquente d’allergie alimentaire.
- Ses caractéristiques cliniques et ses réactivités croisées n’ont pas été encore complètement élucidées.
– Méthodes :
- Une étude prospective a été menée, recrutant des patients allergiques à la moutarde, et les appariant à des sujets contrôles.
- Un questionnaire clinique a été distribué, des tests cutanés (SPT) avec un panel d’aéroallergènes et d’aliments, un prélèvement de sérum pour des tests in vitro ainsi que des tests de provocation oraux en double aveugle contre placebo ont été réalisés (DBPCFC : Double Blind Placebo Controlled Food Challenge).
– Résultats :
- 38 patients, principalement des adultes, rapportant des réactions anaphylactiques systémiques pour 10.5 %, ont été inclus dans l’étude. (âge moyen : 21.9 ± 8.6 ans).
- DBPCFC ont été réalisés chez 24 patients, avec des résultats positifs dans 14 cas (58.3 %).
- Les patients avec un résultat positif au DBPCFC avaient présenté des tests cutanés à la moutarde plus importants que ceux qui avaient des résultats négatifs (8.2 ± 3.7 vs 5.3 ± 2.4 mm, p<0.05).
- L’analyse de la courbe « receiver-operating system » (ROC) a fourni une valeur seuil pour l’extrait commercial de moutarde (pour prick tests) de 8 mm :
- Avec une spécificité de 90 % (intervalle de confiance de 95 %, 55.5-98.3)
- Et une sensibilité de 50 % (IC 95 %, 23.1-76.9)
- On a mis en évidence une association significative entre l’hypersensibilité à la moutarde et une sensibilisation aux pollens d’armoise (97.4 % des patients), avec une réactivité croisée partielle démontrée par UniCAP System inhibition.
- Tous les patients ont présenté une sensibilisation aux autres membres de la famille des Brassicaceae, et une réactivité croisée entre eux a été également confirmée.
- De plus, on a retrouvé des associations significatives avec des sensibilisations pour :
- La noisette (97.4 %)
- Les légumineuses (94.7 %)
- Le maïs (78.9 %)
- Les fruits des Rosaceae (89.5 %)
- Environ 40 % de ces sensibilisations alimentaires étaient symptomatiques, incluant une anaphylaxie induite par l’effort dépendante de l’alimentation chez 6 patients.
– Conclusions :
- L’Allergie à la moutarde n’est pas un trouble rare, et peut induire de sévères réactions.
- Des associations significatives avec une pollinose à l’armoise et plusieurs allergies alimentaires dérivées des plantes sont démontrées, suggérant un nouveau syndrome allergique moutarde-armoise.
- Une relation entre ce syndrome et l’anaphylaxie dépendante de l’alimentation, induite par l’effort, a été rapportée.
Plusieurs résultats marquants pour cette étude :
- D’après cette étude, l’allergie à la moutarde est donc fréquente et peut entraîner de sévères réactions.
- Dans la distinction sensibilisation-allergie, une valeur seuil a été déterminée pour le prick extrait commercial de moutarde, qui serait de 8mm.
- Elle est fréquemment liée à l’allergie au pollen d’armoise, ce qui suggère l’existence d’un nouveau syndrome, moutarde-armoise.
- L’allergie à la moutarde est associée significativement à des allergies à la noisette, aux légumineuses, au maïs et aux fruits des Rosaceae, avec une fréquence non négligeable d’anaphylaxie induite par l’effort.
Aussi attractifs qu’ils soient, ces résultats incitent tout de même à une certaine prudence :
- La fréquence des allergies à la moutarde varie selon les travaux et, s’il est admis que c’est un allergène fréquemment en cause avant 15 ans, on peut s’étonner de la moyenne d’âge des patients retenus dans cette étude, qui est de 22 ans environ.
- Quant à la sévérité des manifestations, on peut remarquer que sur le site www.aqaa.qc.ca, référence québécoise en matière d’allergie alimentaire d’après le CICBAA, il est précisé que la moutarde ne fait pas partie des 9 aliments responsables de réactions allergiques graves.
- Pour les tests cutanés, Madame Moneret-Vautrin avait retrouvé une grande variabilité de résultats selon l’extrait utilisé (y compris natif) et n’avait pu mettre en évidence de valeur seuil, pas plus pour les tests cutanés que pour les taux d’IgE spécifiques.
Le syndrome moutarde-armoise, s’il est « nouveau », doit tout de même être précisé, notamment pour ce qu’il apporte par rapport à la notion déjà connue de syndrome composées-épices (y compris moutarde).
L’association avec des allergies à différents aliments est intéressante et demande à être précisée : quelle est la poule et quel est l’œuf ? L’interprétation fait-elle appel à la notion de famille moléculaire (cf Henri Malandain)
En résumé, l’allergie à la moutarde paraît tout à fait apte à nous occuper durant quelques longues journées d’hiver ...
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