Qui veut être endormi en toute sécurité, ne consommera point de sirop pour la toux !

vendredi 13 janvier 2006 par Dr Alain Thillay4544 visites

Accueil du site > Allergènes > Médicaments > Qui veut être endormi en toute sécurité, ne consommera point de sirop pour (…)

Qui veut être endormi en toute sécurité, ne consommera point de sirop pour la toux !

Qui veut être endormi en toute sécurité, ne consommera point de sirop pour la toux !

vendredi 13 janvier 2006, par Dr Alain Thillay

Une étude danoise récente a montré un lien entre la consommation de pholcodine, utilisée dans les sirops antitussifs, et l’anaphylaxie aux curares. Le but ici était de comparer l’effet sur la production des IgE totales et spécifiques, chez des sujets sensibilisés ou non, de l’exposition à la pholcodine, à la morphine et à des structures allergéniques en relation avec le suxaméthonium.

La pholcodine stimule de façon spectaculaire les IgE chez des individus IgE sensibilisés. Une étude pilote. : E. Florvaag1, S. G. O. Johansson2,3, H. Öman4, T. Harboe5, A. Nopp3,4

1Laboratory of Clinical Biochemistry, Haukeland University Hospital, Bergen, Norway ; 2Department of Clinical Immunology and Transfusion Medicine, Karolinska University Hospital, Stockholm, Sweden ; 3Department of Medicine, Clinical Immunology and Allergy Unit, Karolinska Institute, Stockholm, Sweden ; 4MIAB, Uppsala, Sweden ; 5Department of Anaesthesia and Intensive Care, Haukeland University Hospital, Bergen, Norway

dans Allergy 61 (1), 49-55.

 Introduction

  • Un étude antérieure a montré une relation entre la consommation de pholcodine (PHO), la prévalence de la sensibilisation IgE médiée à la PHO, la morphine (MOR) et le suxaméthonium (SUX), et, l’anaphylaxie aux agents neuromyorelaxants (AM).

 Objectif

  • Le propos de cette étude pilote était d’explorer l’effet sur la production des IgE, chez des individus sensibilisés ou non sensibilisés, de l’exposition à des sirops anti-tussifs et à des produits chimiques de l’environnement susceptibles de contenir PHO, MOR et des structures allergéniques en relation avec le SUX.

 Méthodes

  • Les concentrations sériques des IgE et des IgE spécifiques des allergènes de la PHO, de la MOR et du SUX ont été mesurées par ImmunoCAP TM (Pharmacia Diagnostics, Uppsala, Suède) et ont été suivies après la prise de sirop antitussif, ou l’exposition à de la confiserie, de la pâtisserie et aux autres produits chimiques domestiques contenant des quantités variables de substances ayant une réaction croisée avec la PHO, la MOR et le SUX.

 Résultats

  • Le sirop antitussif contenant de la PHO a donné, chez les individus sensibilisés, en une à deux semaines, une augmentation des IgE de 60 à 105 fois et des IgE spécifiques de la PHO, de la MOR et du SUX de l’ordre de 30 à 80 fois.
  • Les confiseries et pâtisseries testées n’ont pas eu d’effet stimulant similaire mais ont montré un effet s’opposant à la diminution attendue des IgE.
  • Aucun effet n’a été constaté chez les sujets non sensibilisés.
  • Les IgE stimulées par la pholcodine ont montré une liaison non spécifique avec l’immunocap aux allergènes communs et l’immunocap à la glycine qui était 10 fois plus forte que celle des IgE monomériques myélomateuses à une concentration double.

 Conclusions

  • Il apparaît que les sirops antitussifs contenant de la PHO ont un plus grand effet sur l’augmentation des IgE chez les personnes sensibilisées à la PHO, MOR et aux allergènes en relation avec le SUX.
  • Les produits domestiques contenant de semblables épitopes allergéniques semblent capables d’une même stimulation mais minime.

Il s’agit d’un travail commun de chercheurs danois et suédois.

Les réactions anaphylactiques aux agents de blocage neuromusculaire (curares) sont beaucoup plus fréquentes en Norvège qu’en Suède.

Des études antérieures ont montré que les ammoniums quaternaires représentent un épitope commun avec les curares. Ces ions sont retrouvés dans de nombreux produits de consommation courante comme les shampooings, les détergents, les dentifrices et les sirops anti-tussifs. La différence est que les sirops antitussifs à la pholcodine sont en vente libre en Norvège mais pas en Suède.

Cette étude pilote s’est opérée sur 6 patients.

Les patients ont été séparés en atopiques ou non atopiques, sensibilisés ou non sensibilisés à la pholcodine. Ces sujets étaient astreints à prendre journellement de la pholcodine par période de 7 jours. Les sera étaient prélevés avant la prise médicamenteuse, à la fin des 7 jours puis 2 semaines plus tard.

Comme les résultats le montrent, chez le sujet sensibilisé, la prise de Pholcodine augmente spectaculairement le taux des IgE spécifiques de la pholcodine, de la morphine et du suxaméthonium.

L’effet est nettement moins net avec les produits de consommation courante susceptibles de contenir des ammoniums quaternaires.

Il est difficile d’expliquer les mécanismes immunologiques qui provoquent cet effet « booster » propre à la pholcodine alors que la codéine ou la noscapine n’ont pas le même effet, bien que possédant des épitopes d’ammoniums quaternaires.

Les auteurs avancent, qu’outre l’effet spécifique de sensibilisation, la pholcodine aurait un effet « mitogen-like » restreint à la synthèse des IgE avec une augmentation des IgE spécifiques mais aussi des IgE totales sériques.

En conclusion, la prise de pholcodine peut être rendue suspecte de provoquer une sensibilisation aux curares.

Bien que cette étude pilote nécessite confirmation dans le cadre d’une étude de grande envergure, elle interpelle fortement l’allergologue de terrain.

Les sirops à la pholcodine sont largement utilisés en France ce qui peut expliquer la forte prévalence, comme dans tous les pays où celle-ci est commercialisée, de l’anaphylaxie aux curares.

Elle nous interpelle aussi sur le fait qu’il ne faut pas prescrire ce produit chez tout atopique du fait de l’augmentation des IgE totales sériques au risque de réactiver la symptomatologie allergique.

Abonnez-vous!

Recevez les actualités chaque mois