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Théorie révisionniste : est-il bien utile de traiter l’anaphylaxie avec de l’adrénaline ?
vendredi 24 octobre 2008, par
Les auteurs ont réalisé une impressionnante revue de la littérature afin de compiler toutes les études effectuées au cours des 42 dernières années qui permettent d’objectiver le bénéfice réel de l’adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie. Résultat stupéfiant GARANTI, lisez plutôt la suite…
L’adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie, avec ou sans choc. : Sheikh A, Shehata YA, Brown SG, Simons FE.
Division of Community Health Sciences : GP Section, The University of Edinburgh, 20 West Richmond Street, Edinburgh, UK, EH8 9DX
dans Cochrane Database Syst Rev. 2008 Oct 8 ;(4):CD006312.
L’anaphylaxie est définie comme une réaction d’hypersensibilité immédiate sévère à l’évolution rapide dès les premiers symptômes, et qui peut entraîner la mort.
L’adrénaline est universellement reconnue comme le seul traitement d’urgence de première intention dans le traitement de l’anaphylaxie.
– Objectif :
- Évaluer les bénéfices et les risques de l’adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie.
– Méthode des recherches :
- Nous avons interrogé la base de données Cochrane des études cliniques contrôlées (CENTRAL), celle de MEDLINE (entre 1966 et mars 2007), celle d’EMBASE aux mêmes dates, le registre du CINAHL (de 1982 à mars 2007), et ceux de BIOSIS, d’ISI le Web de la connaissance et enfin de LILACS (tous les trois jusqu’en mars 2007 également).
- Nous avons aussi recherché des informations sur plusieurs sites Internet relatant les plaintes et les procès médicaux en cours : http://clinicaltrials.gov/ ou bien http://www.controlledtirals.com ainsi que http://www.actr.org.au/
- Enfin, nous nous sommes mis en rapport avec les laboratoires pharmaceutiques pouvant être concernés par le sujet et interrogé les experts internationaux en Allergologie ou en Réanimation dans l’objectif d’avoir connaissance d’une étude locale non publiée.
– Critères de sélection :
- Nous souhaitions retenir les études cliniques contrôlées du traitement de l’anaphylaxie, randomisées ou pas, comparant l’adrénaline avec l’absence de soins (NDT : authentique !), avec l’administration d’un placebo, ou bien avec l’administration d’un autre agoniste adrénergique.
– Collecte des données et analyse :
- Deux auteurs ont indépendamment analysé tous les articles pouvant rentrer dans le champ de notre recherche d’informations.
-Résultats :
-* Nous n’avons trouvé aucune étude satisfaisant à nos critères de recherche.
– Conclusions :
-* En nous référant à cette revue de la littérature, nous sommes incapables de donner une quelconque recommandation quant à l’utilisation de l’adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie.
- Bien qu’il y ait un réel besoin d’études cliniques de grande qualité méthodologique, randomisées, en double aveugle et contre placebo pour évaluer objectivement les véritables avantages de l’administration d’adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie, de telles études ne seront probablement jamais menées.
- En effet, ces études pourraient être contraires à la morale dans la mesure où il est unanimement admis que c’est l’administration précoce de l’adrénaline qui conditionne la survie du patient victime d’anaphylaxie.
- De plus, de telles études seraient difficiles à mener car l’anaphylaxie survient le plus souvent sans prévenir, dans un cadre non-médical, et est de gravité variable selon les individus et même d’un épisode à l’autre chez le même sujet.
- Dans ces conditions, il serait difficile, voire impossible, de recueillir les données mesurables initiales et leur évolution ultérieure.
- En l’absence d’étude valable, et bien que nous ne disposions même pas d’un début de preuve quelconque, nous continuons de préconiser l’injection intramusculaire d’adrénaline comme traitement de première intention dans la prise en charge de l’anaphylaxie.
Ainsi que je l’écrivais en préambule, on ne peut pas ne pas être stupéfait par ce résultat.
Non, vous ne rêvez pas : selon cette revue, personne n’a jamais prouvé ni même tenté de prouver que l’adrénaline soit le bon traitement de l’anaphylaxie ! Aucun esprit tordu n’a même songé à prouver le contraire…
Voici donc une revue de la littérature vite pliée : il n’y a rien à se mettre sous la dent. Quand on pense que des éminents confrères ont passé un temps probablement considérable pour finalement ne rien trouver de tangible, ça file le vertige.
J’ai beaucoup apprécié la « possibilité » d’être contraire à la morale que de s’abstenir d’administrer des soins à un patient en train de mourir afin de respecter à la lettre le protocole d’une belle étude bien ficelée. On vit une époque formidable où on ne doit pratiquer que de l’ « evidence-based medicine ». Ca signifie « médecine qui s’appuie sur des preuves (en général anglo-saxonnes), pas sur le pifomètre (en général latin) », je traduis pour les rebelles à la langue de Shakespeare.
Plus sérieusement, il est évident que le nombre de patients sauvés par l’adrénaline au décours d’une anaphylaxie suraiguë ne se compte plus. Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais interrogé les SMUR, ou les paramedics aux USA, afin d’analyser les morts secondaires à un choc anaphylactique en raison du délai d’intervention ou d’alerte trop long (donc n’ayant pas reçu d’adrénaline de la part des secours, juste un certificat de décès) avec ceux ayant succombé malgré ce traitement.
Ce fut d’ailleurs l’objet d’un mémoire de ce qui s’appelait alors « l’attestation d’allergologie et d’immunologie » en 1984, à Angers, mémoire rédigé par un confrère à partir de toutes les observations du SAMU 49 depuis sa création… il suffisait aux auteurs de demander aux collaborateurs de allergique.org !
Je viens de relire ce mémoire, et ça ne nous rajeunit pas quand on voit les observations traitant du Glifanan.
Un point important rapporté par la revue Cochrane est le mode d’administration de l’adrénaline. La voie intramusculaire est effectivement à privilégier. En effet, l’administration sous-cutanée est rapidement autolimitée par la vasoconstriction locale. La voie intraveineuse expose à un trouble du rythme ventriculaire. Reste la voie sublinguale, méconnue mais très efficace : essayez sur vous-même, la tachycardie est garantie ! Certes cette voie n’est pas validée (elle non plus) mais peut être très utile. Peu importe si le patient est inconscient d’ailleurs, c’est en administrant directement l’adrénaline dans la sonde d’intubation qu’on traite l’arrêt cardiaque du nourrisson : ça marche même dans les bronches, quel bon médicament.
Bon, après la revue de la littérature, je vais me pencher sur la revue du Lido, ça me changera les idées !
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