Acariens domestiques, acariens de stockage : le choc des espèces !

mardi 28 octobre 2008 par Dr Alain Thillay4377 visites

Accueil du site > Allergènes > Aériens > Acariens > Acariens domestiques, acariens de stockage : le choc des espèces !

Acariens domestiques, acariens de stockage : le choc des espèces !

Acariens domestiques, acariens de stockage : le choc des espèces !

mardi 28 octobre 2008, par Dr Alain Thillay

L’ensemble des acariens comporte environ une centaine de molécules capables de réagir avec les IgE. Les auteurs de cette étude ont donc cherché à mieux cerner l’interréactivité des ces allergènes. Multitude de réactions à des allergènes spécifiques d’espèces ou bien multitude de réactions croisées ? Sans doute pas une publication révolutionnaire mais qui aura le mérite de vous faire prendre conscience de la complexité de l’allergénicité des acariens.

Réactivité croisée entre les acariens de stockage et les acariens domestiques et entre acariens et crevettes. : Arlian LG, Morgan MS, Vyszenski-Moher DL, Sharra D.

Department of Biological Sciences, Wright State University, 3640 Colonel Glenn Highway, Dayton, OH, 45435, USA

dans Exp Appl Acarol. 2008 Oct 11.

 Contexte :

  • De nombreux patients ont des sensibilités à de multiples espèces d’acariens de stockage et aux acariens domestiques.
  • Il n’est pas clairement établi si ce constat est dû au fait que ces patients ont des sensibilités multiples à des allergènes d’acariens spécifiques d’espèces ou bien au fait que ces acariens partagent de nombreuses réactivités croisées entre allergènes.

 Objectif et Méthodes :

  • Notre objectif a été de définir plus avant l’allergénicité croisée entre plusieurs espèces d’acariens de stockage et aux acariens domestiques à l’aide de l’immunoélectrophorèse croisée (IEC), de la radio immunoélectrophorèse croisée (RIEC), de l’immunoblot et d’ELISA.

 Résultats :

  • IEC et RIEC ont montré que les acariens de stockage avaient deux molécules antigéniques qui croisaient dont une était capable de se lier aux IgE d’un sérum poolé provenant de patients allergiques aux acariens.
  • Les anticorps d’anti-sera fabriqués pour chaque espèces d’acariens reconnaissaient un grand nombre de protéines révélées par SDS-PAGE d’autres espèces d’acariens ce qui suggère la possibilité d’autres allergènes susceptibles de croiser.
  • Parmi les sera des patients, les IgE se fixent à plusieurs protéines différentes mais peu ont des IgE qui se lient à des protéines ayant un poids moléculaire comparable dans les espèces d’acarien, ce qui suggère principalement l’existence d’allergènes spécifiques d’espèces.
  • Les anti-sera fabriqués pour chaque espèce d’acariens précipitent une protéine des extraits de crevettes qui fixent anti-Der p 10 (tropomyosine) et les IgE du pool de sera.
  • L’anti-Der p 10 montrait une forte liaison à la tropomyosine de crevette mais vraiment peu à l’ensemble des protéines d’acariens.
  • ELISA mettait en évidence que les extraits d’acariens contenaient très peu de tropomyosine.

 Conclusions :

  • Les acariens de stockage et domestiques étudiés contiennent principalement des allergènes spécifiques d’espèces et de vraiment petites quantités du panallergène tropomyosine comparativement à la crevette et à l’escargot.

Les constatations de cette étude américaine vont venir alimenter le déjà riche chapitre de l’allergologie moléculaire.

Il suffit d’aller se promener sur le site www.allerdata.com et de lire les écrits du sieur Henri Malandain concernant les allergènes des acariens pour s’apercevoir que ce sujet a déjà fait l’objet d’un très grand nombre de publications.

En essayant d’aller vite, que faut-il retenir ?

Actuellement, environ 100 allergènes différents issus du produit « acarien » ont été identifiés. Ce qui signifie 100 molécules antigéniques capables de se lier à des IgE.

La majorité de cette IgE réactivité se retrouve dans 4 groupes d’allergènes : les groupes 1, 2, 5 et 14. Comme on peut le voir le groupe 10, celui des tropomyosines, n’est pas en tête.

La question essentielle posée ici par les auteurs, est la suivante : les allergiques aux acariens réagissent-ils spécifiquement à chacun des ces allergènes ou bien au contraire cette « polyréactivité » masque-t-elle des réactions croisées ?

Cette question a son importance, si je suis allergique aux acariens domestiques, vais-je réagir aussi à Blomia tropicalis parce qu’ils croisent ? Ou bien, je ne réagirai pas à BT car les allergènes sont spécifiques d’espèces !

La réponse n’est pas simple. On peut dire qu’il existe des réactions croisées pour certains allergènes mais aussi des allergènes spécifiques d’espèces.

Donc, encore une fois, il va falloir que l’Allergologue la joue fine dans des cas compliqués d’allergie à plusieurs acariens pour savoir quel mélange choisir pour l’immunothérapie spécifique !

Ainsi, ceux qui croyaient prédire la fin de l’allergologie clinique –ne suffirait-il pas maintenant d’avoir recours à l’outil Allerdata pour préciser le diagnostic moléculaire de l’allergie ?-, seront déçus ! Non, plus que jamais l’allergologie moléculaire est un moyen, une manière de raisonner, mais la décision revient toujours à l’Allergologue.

Alors qu’apporte de plus ce nouveau travail ? A mon avis, rien de nouveau, mais, plus des confirmations.

Il existe des allergènes communs entre acariens de stockage et l’ensemble des autres acariens, groupe 10, groupe 13, cela serait logique, mais ce n’est pas précisé dans le résumé de l’étude. En outre, il existe aussi une multitude de molécules capables de croiser entre les différentes espèces,-nous le savions déjà-, mais, il a été montré la présence de molécules spécifiques d’espèces.

Enfin, point important, le groupe 10 des tropomyosines, est ubiquitaire mais en toute petite quantité dans l’ensemble des espèces d’acariens et en quantité importante chez la crevette et l’escargot. Par contre, il faut retenir que des travaux antérieurs ont mis en évidence une forte identité entre les tropomyosines ce qui implique une forte réactivité croisée. D’ailleurs, environ 80% des allergiques à la crevette sont positifs à la tropomyosine. Pourtant, d’autres études ne sont pas aussi catégoriques, avec une prévalence nettement moindre de la positivité au CAP RAST tropomyosine de crevette chez des allergiques avérés à ces crevettes ! D’ailleurs, mon expérience, qui bien sûr est limitée, me permet de dire la même chose, chez mes allergiques vrais aux crustacés, rares sont ceux qui ont un CAP RAST rPen a 1 positifs, 1 ou 2 sur 10.

Alors, il existe sans doute d’autres allergènes impliqués dans l’allergie à la crevette et dans la réactivité croisée acariens/crustacés.

En conclusion, cette publication ne va pas révolutionner le monde allergologique. Elle a le mérite de confirmer ce que nous savions déjà. Sa lecture nous permet de nous réinvestir intellectuellement dans l’écheveau compliqué des relations moléculaires du monde des acariens.

Abonnez-vous!

Recevez les actualités chaque mois