Il coupait les cheveux en quatre, et les pollens en allergènes…

lundi 3 novembre 2008 par Dr Hervé Couteaux1135 visites

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Il coupait les cheveux en quatre, et les pollens en allergènes…

Il coupait les cheveux en quatre, et les pollens en allergènes…

lundi 3 novembre 2008, par Dr Hervé Couteaux

Comprendre et évaluer le statut allergique de patients exposés à plusieurs types de pollens n’est pas possible quand on reste au niveau de l’extrait global de pollens. C’est la réactivité au niveau des allergènes qui peut nous permettre un diagnostic précis, garant d’une meilleure prise en charge.

Compréhension des profils de sensibilisation des patients dans les zones de pollens multiples : une étude épidémiologique moléculaire. : Barber D, de la Torre F, Feo F, Florido F, Guardia P, Moreno C, Quiralte J, Lombardero M, Villalba M, Salcedo G, Rodríguez R.

Departamento de I+D, ALK-Abelló, Madrid, Spain.

dans Allergy. 2008 Nov ;63(11):1550-8.

 Contexte :

  • Le diagnostic d’allergie chez les patients exposés à des pollens multiples est complexe et une erreur de diagnostic est souvent une cause d’échec de l’immunothérapie spécifique.

 Objectifs :

  • Nous avons étudié le profil de sensibilisation pour différents allergènes (majeurs, mineurs et pan-allergènes) chez des patients sensibilisés au pollen, dans une région avec une forte exposition au pollen d’olivier par la recherche de l’influence des allergènes mineurs sur les maladies allergiques et de l’association entre les sensibilisations aux pan-allergènes et aux allergènes mineurs.

 Méthodes :

  • Un groupe de 13 allergènes purifiés, incluant les allergènes les plus pertinents dans la région, ainsi que les allergènes mineurs d’olivier et les pan-allergènes, ont été screenés chez 891 patients au moyen d’une technologie de haute capacité (ADVIA-Centaur).

 Résultats :

  • L’allergie au pollen d’olivier, évaluée par les IgE spécifiques à Ole e 1 a été la pollinose principale dans la région.
  • Les allergènes mineurs d’olivier, Ole e 7 et Ole e 9, ont été des marqueurs d’une maladie allergique plus sévère.
  • La sensibilisation aux profilines a été associée principalement à l’allergie au pollen des Poacées, pollinose située au deuxième rang en prévalence.
  • L’allergie au pollen de Salsola kali est la troisième cause la plus fréquente de pollinose dans la région.
  • La prévalence de la sensibilisation à l’allergène de pêche Pru p 3, une protéine de transfert de lipides (LTP) non spécifique a été notable.

 Conclusion :

  • L’analyse épidémiologique, par diagnostic au niveau moléculaire est une nouvelle méthode, qui met en lumière l’interaction entre le gradient d’exposition aux allergènes et les sensibilisations des patients.
  • Une forte exposition conduit à différents profils de sensibilisations dont certains sont associés à des manifestations allergiques plus sévères.
  • La sensibilisation aux profilines, principalement liée à la pollinose aux Poacées, a été un marqueur d’une pollinose aux Poacées plus sévère.

L’analyse de l’IgE-réactivité au niveau moléculaire de patients exposés à différents types de pollens a permis de distinguer plusieurs groupes de patients et de préciser le rôle d’allergènes mineurs comme marqueurs de sévérité dans la pollinose à l’olivier et le rôle de pan-allergènes comme les profilines comme facteur de sévérité dans la pollinose aux Poacées.

La méthode utilisée (ADVIA-Centaur), aujourd’hui abandonnée, était caractérisée par une captation sur phase solide avec anti-IgE.

Après élimination des autres immunoglobulines, on utilisait des quantités d’allergènes bien plus réduites qu’habituellement, ce qui diminuait fortement les réactivités croisées de faible affinité, mais ne les supprimait pas complètement : on ne peut donc en déduire que les réactivités CCD n’ont pas perturbé les résultats…

Notons de surcroît que, sur les 13 allergènes testés (nPhl p 1, nPhl p 5, nArt v 1, nOle e 1, nOle e 7, rOle e 9, nPla l 1, nPar j 2, nCup s 1, nSal k 1, rChe a 3, rMal d 4, nOle e 2), 10 sont des allergènes naturels purifiés, susceptibles d’être à l’origine d’une réactivité CCD.

 Dans la région étudiée (Madrid), le pollinose à l’olivier est la plus fréquente.

Les allergènes mineurs du pollen d’olivier, à savoir Ole e 7 (LTP) et Ole e 9 (beta-1,3-Glucanase) sont des marqueurs de sévérité clinique de cette pollinose.

10.7% des patients étaient IgE-réactifs pour Ole e 9, et 14.4% pour Ole e 7. Ces pourcentages dépassaient toutefois 35% dans les zones à forte exposition au pollen d’olivier.

Le risque de présenter des symptômes d’asthme était deux fois plus élevé chez les patients à la fois réactifs à Ole e 1, Ole e 7 et Ole e 9 par rapport à ceux qui étaient seulement réactifs à Ole e 1.

Signalons de plus que, dans les zones à forte exposition au pollen d’olivier, 40% des patients Ole e 1 négatifs étaient Ole e 7 positifs, indiquant que ces deux allergènes se comportaient indépendamment l’un de l’autre.

Par ailleurs il a été noté une fréquence de 12.6%, non négligeable, d’IgE-réactivité vis-à-vis de la LTP de la pêche alors que l’allergie alimentaire ne faisait pas partie des critères d’inclusion dans cette étude.

La prévalence était de 22% pour les enfants et de 11% pour les adultes.

Cette réactivité aux LTP alimentaire a-t-elle été induite par les LTP de pollen d’olivier ?

Il est dommage que les auteurs n’ait pas fait d’étude d’inhibition entre ces deux LTP, d’autant que 47 à 89 % des polliniques à l’olivier y sont réactifs selon les études dont nous disposons à ce jour…

Les auteurs se sont tout de même intéressés à cette question : ils n’ont pas retrouvé d’association entre LTP alim et LTP des pollens (Ole e 7 et Par j 2).

Actuellement, le rôle éventuellement inducteur d’Ole e 7 (LTP du pollen d’olivier) dans le « syndrome LTP » de la zone méditerranéenne n’est, en effet, pas clairement précisé, mais il semble que ce soit plutôt la réactivité alimentaire qui soit l’inductrice…

En effet, comme le rappelle d’ailleurs les auteurs de cette étude, il y a une faible identité de séquence entre la LTP de la pêche et les LTP des pollens d’olivier et de pariétaire.

La faible IgE-réactivité aux polcalcines (5.8%) n’était associée à aucun allergène majeur de pollen en particulier.

 La pollinose qui vient en deuxième position est celle qui est due aux Graminées.

Avec deux informations complémentaires :

  • La sensibilisation aux profilines s’observait essentiellement chez les polliniques aux Graminées (forte corrélation entre réactivité aux allergènes majeurs des Graminées et réactivité aux profilines, même si la réactivité aux profilines était également liée à d’autres pollens, mais bien moins nettement).
  • En particulier, il n’y avait aucune association d’IgE-réactivité entre profiline et Ole e
  • Cette réactivité vis-à-vis des profilines était un marqueur de sévérité de cette pollinose aux Graminées.

La prévalence de la réactivité à Mal d 4 (profiline de la pomme) était de 15% avec de fortes variations selon la géographie, pouvant tomber à 10% sur la côte méditerranéenne et monter à 50% dans les régions situées à l’ouest.

 En troisième position par sa fréquence, on retrouve une pollinose à la soude (Salsola kali).

Cette étude madrilène de l’équipe de M.Villalba et R.Rodriguez est tout à fait représentative de l’évolution de l’allergologie : il n’y a pas d’un côté une allergologie moléculaire réservée à quelques passionnés et de l’autre une allergologie classique : la première est dans la continuité de la seconde, lui offrant des outils qui faisaient cruellement défaut il y a peu…

L’intérêt de l’analyse de la réactivité au niveau de l’allergène, c’est-à-dire au niveau moléculaire, c’est, entre autre, de nous permettre de comprendre le statut allergique de patients soumis à des expositions multiples, situation tout à fait classique mais devant laquelle les tests basés sur les extraits globaux ne nous sont que de peu d’utilité…

Certes tous les allergènes n’ont pas encore de formes purifiées ou de recombinants ; ce qui existe déjànous permet cependant de progresser dans de nombreux domaines, comme les pollinoses.

A Vienne, lors de l’EAACI 2006, Rosalia Rodriguez concluait déjà dans ce sens son exposé sur l’éventail des allergènes des plantes méditerranéennes :

  • Certains allergènes majeurs peuvent être utilisés comme marqueurs de sensibilisation d’une espèce biologique ou d’une famille taxonomique, (Ole e 1 pour les Oléacées et Sal k 1 pour Salsola kali).
  • Les variations de l’importance des allergènes mineurs dépendent du gradient d’exposition aux pollens dans une région donnée : une exposition massive aux pollens conduit à une forte pénétration de la pollinose et augmentent la réponse aux allergènes mineurs.
  • Les allergènes mineurs peuvent être des marqueurs de pénétration de pollens spécifiques : Ole e 9 / Ole e 7 pour les pollens d’Olivier et les profilines pour les pollens de graminées.
  • Elle rappelait enfin que des tests moléculaires étaient nécessaires : ils devraient améliorer le diagnostic allergique et contribuer à l’élaboration d’une immunothérapie plus sûre et plus efficace.

Ces études passionnantes sont difficiles à mettre en œuvre à la fois par les techniques requises et par leur coût : Dans l’étude présentée, 23 000 tests IgE ont été réalisés pour 891 patients polliniques…

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