Petites souris nippones + PVC = DA !

mercredi 28 janvier 2009 par Dr Alain Thillay2533 visites

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Petites souris nippones + PVC = DA !

Petites souris nippones + PVC = DA !

mercredi 28 janvier 2009, par Dr Alain Thillay

La maladie allergique IgE dépendante a vu sa prévalence exploser lors des trois dernières décennies dans les pays développés. Nombre d’études sont venues apporter des preuves sur l’implication des facteurs environnementaux. Ici, cette étude japonaise, sur un modèle murin, tente de préciser le rôle du di-(2-éthylexyl) phtalate sur l’apparition d’un équivalent de dermatite atopique.

Effets de l’exposition maternelle au di-(2-éthylhexyl) phtalate au cours de la vie foetale et/ou de la période néonatale sur la dermatite atopique de la progéniture mâle. : Yanagisawa R, Takano H, Inoue K, Koike E, Sadakane K, Ichinose T.

Environmental Health Sciences Division, National Institute for Environmental Studies, Tsukuba, Japan.

dans Environ Health Perspect. 2008 Sep ;116(9):1136-41

 Contexte :

  • Le di-(2-ethylhexyl) phtalate (DEHP) est largement utilisé dans la production du chlorure de polyvinyle et est omniprésent dans les pays développés.
  • Bien que l’exposition maternelle au DEHP au cours de la vie foetale ou en période néonatale affecte la reproduction et le développement, ses effets sur les maladies allergiques de la descendance restent à déterminer.

 Objectifs :

  • Dans la présente étude, nous avons examiné si l’exposition maternelle au DEHP au cours de la vie foetale et/ou en période néonatale chez des souris NC/Nga avait un retentissement sur des lésions cutanées de type dermatite atopique en rapport avec des allergènes d’acariens dans la descendance.

 Méthodes :

  • Nous avons administré le DHEP à la dose de 0, 0,8, 4, 20, ou 100 microgrammes/animal/semaine par injection intrapéritonéale au cours de la grossesse (jours de gestation 0, 7 et 14) et/ou durant l’allaitement (jours post-natals 1, 8 et 15).
  • Les progénitures mâles âgées de 8 semaines de sexe masculin de ces femelles traitées ont reçu par voie intradermique des allergènes d’acariens au niveau de leur oreille droite.
  • Nous avons ensuite évalué les scores cliniques, l’épaississement de l’oreille, les résultats histologiques et l’expression de l’éotaxine au niveau de l’oreille.

 Résultats :

  • L’exposition maternelle à une dose de 100 microgramme de DEHP en période néonatale, mais pas au cours de la vie foetale, amplifie les lésions cutanées de type dermatite atopique liées à des allergènes d’acariens chez les mâles.
  • Globalement, ces résultats étaient concordants avec l’augmentation de l’inflammation à éosinophiles, la dégranulation des mastocytes et l’expression de l’éotaxine.

 Conclusion :

  • L’exposition maternelle au DEHP en période néonatale tend à augmenter l’existence de lésions cutanées de type dermatite atopique en rapport avec une allergie aux acariens dans la descendance mâle, éventuellement via une réponse préférentielle TH 2, qui peut être responsable, au moins en partie, de l’augmentation de la dermatite atopique.

Les souris NC/Nga ont été créées par Matsuda et al. en 1997. Elles peuvent développer des lésions similaires à la dermatite atopique hors conditions EOPS (exemptes d’organismes pathogènes spécifiques).

Le groupe des phtalates représente des produits chimiques apparentés structurellement à l’acide organique, l’acide phtalique, dérivé du naphtalène, hydrocarbure aromatique produit à partir du goudron de houille ou de pétrole.

Les phtalates sont utilisés depuis 50 ans dans l’industrie et produits à raison de 3 millions de tonnes par an.

90% des phtalates sont absorbés par la plasturgie pour ses capacités de rendre les matériaux souples et flexibles, on les retrouve tout particulièrement dans le PVC (chlorure de polyvinyle). Ils entrent dans la fabrication de produits aussi divers que les produits pour automobile, revêtements pour les murs et planchers, isolants électriques, tous les objets en plastiques, etc… Il y a quelques années, on pouvait les retrouver dans les jouets et emballages alimentaires, cette utilisation a été très réduite en Europe. Ils entrent aussi dans la fabrication de certains cosmétiques.

Quels sont les modes d’exposition ?

Les phtalates sont peu volatils donc peu de risque par inhalation, attention toutefois à certains cosmétiques ou colles.

L’exposition par ingestion est déjà beaucoup plus préoccupante. En effet, dans les pays où les phtalates sont encore admis dans les matériaux au contact des aliments, les phtalates diffusent vers les aliments riches en graisses. Les enfants ont le même risque par le contact buccal avec les jouets.

La libération des phtalates par voie intraveineuse est possible et sans doute pas négligeable lors des hospitalisations longues. L’exposition se fait via les différents appareils médicaux comme les poches à sang et les inserts intraveineux.

Le risque par un contact cutané est une autre possibilité du fait des cosmétiques, les phtalates migrent vers les graisses sous-cutanées.

Il faut noter que l’exposition aux phtalates peut cumuler plusieurs modes qui, pris indépendamment, ne parviendraient pas à une dose toxique.

Quelles sont les conséquences toxiques des phtalates ?

Des études menées chez l’animal à des concentrations élevées ont montré des effets secondaires : baisse de la fertilité, atrophie testiculaires, réduction du poids fœtal, mortalité fœtale, malformations. Ces conséquences sont particulièrement bien connues pour le DEHP, l’effet cancérigène n’est pas prouvé chez l’homme.

De même, c’est le sujet de cette étude, nous n’avons pas d’élément concernant l’implication du DEHP sur l’apparition de la dermatite atopique dans la progéniture mâle de mères exposées à ce phtalate durant la gestation et/ou en période néo-natale (allaitement). Ce travail montre que la dermatite atopique est plus fréquente dans la progéniture mâle exposée durant l’allaitement mais pas in utero. Ces résultats sont concordants avec un mécanisme immunopathologique de type TH2.

Il faudra aller plus loin dans des expérimentations sur l’homme pour juger de l’implication des phtalates dans l’augmentation de la prévalence des maladies atopiques de ces dernières décennies. Toutefois, le fait que les phtalates soient à présent interdits dans la fabrication des emballages alimentaires et des jouets diminue sans doute le risque de contamination.

En tous cas, cet élément nouveau montre bien que les facteurs environnementaux sont multiples pour expliquer la grande prévalence de l’atopie dans les pays développés.

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