Vitamine D et grossesse : prévention possible de l’allergie de l’enfant, mais qui reste à prouver.

lundi 29 juin 2009 par Dr Gérald Gay854 visites

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Vitamine D et grossesse : prévention possible de l’allergie de l’enfant, mais qui reste à prouver.

Vitamine D et grossesse : prévention possible de l’allergie de l’enfant, mais qui reste à prouver.

lundi 29 juin 2009, par Dr Gérald Gay

Le titre de l’article laisse à penser qu’il est avéré que la vitamine D pendant la gravidité diminue le risque de développement de l’atopie du futur bambin. La conclusion des auteurs est plus prudente, avec l’emploi d’un conditionnel qui me semble de meilleur aloi : à vous de juger !

La prise de vitamine D pendant la grossesse diminue le risque d’asthme et de rhinite allergique lorsque le futur enfant aura 5 ans. : M. Erkkola * , M. Kaila † , B. I. Nwaru ‡ , C. Kronberg-Kippilä § , S. Ahonen ‡ , J. Nevalainen ‡ , R. Veijola ¶ , J. Pekkanen ∥** , J. Ilonen ††‡‡ , O. Simell §§ , M. Knip †¶¶ and S. M. Virtanen †‡§

* Division of Nutrition, Department of Applied Chemistry and Microbiology, University of Helsinki, Helsinki, Finland, † Department of Paediatrics and Research Unit, Tampere University Hospital, Tampere, Finland, ‡ Tampere School of Public Health, University of Tampere, Tampere, Finland, § Unit of Nutrition, Department of Health Promotion and Chronic Disease Prevention, National Public Health Institute, Helsinki, Finland, ¶ Department of Paediatrics, University of Oulu, Oulu, Finland, ∥ Environmental Epidemiology Unit, National Public Health Institute, Kuopio, Finland, ** School of Public Health and Clinical Nutrition, University of Kuopio, Kuopio, Finland, †† Immunogenetics Laboratory, University of Turku, Turku, Finland, ‡‡ Department of Clinical Microbiology, University of Kuopio, Kuopio, Finland, §§ Department of Pediatrics, University of Turku, Turku, Finland and ¶¶ Hospital for Children and Adolescents, Helsinki University Hospital, Helsinki, Finland

dans Volume 39 Issue 6, Pages 875 - 882

La vitamine D est connue pour son nombre important d’effets sur le système immunitaire et pourrait jouer un rôle bénéfique dans la prévention des maladies allergiques.

 Objectif :

  • Déterminer le bénéfice de l’ingestion maternelle de vitamine D pendant la grossesse sur la prévention de l’apparition d’un asthme, d’une rhinite allergique (RA) ou d’une dermatite atopique (DA).
  • Cette étude a porté sur l’analyse d’enfants âgés de 5 ans porteurs des molécules HLA-DQB1 favorisant l’apparition d’un diabète de type 1.

 Méthodes :

  • Une cohorte de 1669 enfants a ainsi été étudiée par le biais d’un questionnaire complété à l’âge de 5 ans.
  • L’alimentation maternelle était quant à elle analysée par le truchement d’un questionnaire sur les habitudes alimentaires.

 Résultats :

  • L’ingestion quotidienne maternelle moyenne de vitamine D était de 5,1 µg (déviation standard = 2,6) d’origine alimentaire, et de 1,4 µg (déviation standard identique à la précédente : 2,6), pour celles sous complément alimentaire.
  • Seulement 32% de ces femmes ingérait un complément de vitamine D.
  • Après prise en considération et ajustement de cofacteurs éventuels, la quantité quotidienne d’apport alimentaire en vitamine D est liée négativement au risque d’asthme (bénéfice probable (BP) de 80% avec un intervalle de confiance (IC) de 95% (quartiles : 0,64 à 0,99).
  • La quantité quotidienne d’apport alimentaire en vitamine D est liée négativement au risque de RA (BP à 85% avec un intervalle de confiance (IC) de 95% (quartiles : 0,75 à 0,97).
  • L’apport d’un complément alimentaire sous forme de vitamine D ne modifie pas le pronostic de survenue d’une pathologie allergique.
  • L’apport d’un quelconque autre complément alimentaire ne modifie pas non plus le pronostic de survenue d’une pathologie allergique.

 Conclusion :

  • La quantité de vitamine D ingérée quotidiennement par une femme pendant la grossesse pourrait influencer favorablement le devenir allergique respiratoire de l’enfant dans les premières années de vie.

Avant toute chose, permettez-moi de vous rappeler de petites bases biochimiques, peut-être utiles si, comme moi, vous avez fichu à la poubelle vos cours de PCEM 1 une fois remis du bonheur d’avoir été reçu à un concours très difficile (si, si, ça nous fait du bien parfois de nous souvenir de ces moments héroïques de notre vie de potache, puis de patachon).

Or donc, la notion de vitamine D, nommée ainsi afin de ne pas la confondre avec la vitamine C ou même la E, correspond à beaucoup de choses… qu’il aurait été utile (pour ne pas dire indispensable !) de savoir pour se faire une opinion plus fine des résultats présentés.

En effet, sachez qu’on ne parle pratiquement jamais de la D1, exceptés les supporters du football (dire que ça existe, quelle horreur !)

En pratique, on considérera la vitamine D2, d’origine végétale surtout, connue sous le nom d’ergocalciférol, plus aisé à mémoriser que « D2 ».

Quand à la D3, nul rapport, même lointain -surtout vu d’Helsinki- avec celui de Gibraltar. Il s’agit du cholécalciférol, d’origine animale ou endogène. Dans ce dernier cas, il s’agit de la métabolisation du cholestérol sous l’influence des rayons ultra-violets solaires. Pour faire simple, la vitamine D3 animale, c’est ce qu’il y a en quantité assez suffisante pour s’en souvenir, après ingestion, dans l’huile de foie de morue dont on ne m’ôtera pas de l’idée qu’elle ne vaut pas un bon Saint-Émilion, excepté pour prévenir le rachitisme.

En effet, cette brave petite vitamine est surtout connue pour son action favorable sur l’absorption du calcium et du phosphore au niveau intestinal. Selon votre âge, ça fait de vous un apollon ou bien vous évite une ostéomalacie.

C’est sans nul doute le seul point de détail qui donne un bénéfice en termes de santé du nourrisson au lait maternisé sur le lait maternel, ce dernier étant particulièrement pauvre en vitamine D, que les mères doivent égoïstement garder pour elles…

Ce long préambule est loin d’être inutile et va me permettre, comme j’en ai le secret, de casser à la manière de Brice de Nice les acquis d’Helsinki.

En effet, l’étude présentée ici est l’objet de nombreux biais. Tout d’abord, le recrutement des enfants objets de l’analyse laisse rêveur : des allèles spécifiques d’une molécule antigénique de classe 2 du système d’histocompatibilité humain, fallait oser ! Comme chacun sait, les antigènes de classe 2, dont le HLA-DQB1, ne sont guère présents que sur les cellules présentatrices d’antigènes : cellules dendritiques, macrophages, cellules B, cellules T activées ou cellules endothéliales. Présentez mes excuses à celles que j’ai pu oublier, merci !

Il en découle que ces antigènes de classe 2 participent à la reconnaissance, non pas du ventre bien qu’on parle de grossesse, mais des antigènes présentés aux lymphocytes auxiliaires de type CD4. Rappelons brièvement que ceux de classe 1 sont reconnus quant à eux par les lymphocytes de type CD8 qui fonctionnent comme lymphocytes suppresseurs ou cytotoxiques.

Pour faire plus simple, le biais se pose là quand on sait que les mêmes enfants, sélectionnés sur ce critère HLA-DQB1, Odin -le Dieu finlandais- seul sait pourquoi, seront plus sujets, non seulement au diabète insulinodépendant, mais aussi à la maladie cœliaque…

De plus, l’outil statistique utilisé est un peu sommaire, plus personne ne l’utilisant au sud du 42ème parallèle. A propos d’allèles, celles du HLA-DQB1 se trouvent sur le bras court –étonnez-vous donc des cas de rachitisme quand on sait cela- du chromosome 6. Pour les rebelles aux mathématiques, sachez que les chiffres donnés signifient qu’il y a une probabilité de 6,3% que les résultats présentés soient faux, et donc qu’il n’y ait aucun lien entre la prise de vitamine D pendant la gravidité (j’ai failli écrire « gravitude », comme d’autres parlent de la « bravitude » lors de pèlerinages sur la muraille de Chine), et l’absence de pathologie allergique induite.

Par ailleurs, je rigole doucement, connaissant le rôle déterminant du soleil dans le métabolisme de la vitamine D : faire cette étude en Finlande, il fallait oser, quand on connait le patelin et son ensoleillement qui ne prête guère aux mélanomes, y compris chez les albinos, ce qui n’est pas peu dire.

Enfin, les finnoises ne doivent guère être carencées en cette vitamine : ce sont parmi les plus importantes consommatrices de poissons riches en vitamine D, eu égard au vivier des eaux territoriales finlandaises.

Au total, le bénéfice évoqué ici n’est peut-être pas faux, mais comme toujours quand il s’agit de prouver une imputabilité dans un domaine aussi riche en cofacteurs que le nôtre, la prudence s’impose, et comme dirait l’autre, il faudra d’autres études pour confirmer ces premiers résultats. Ca ne mange pas de pain, lequel est d’ailleurs particulièrement pauvre en vitamine D.