Vous êtes allergiques à l’iode ? Ou allergique « aux allergiques à l’iode » ?

mercredi 3 mars 2010 par Dr Céline Palussière4026 visites

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Vous êtes allergiques à l’iode ? Ou allergique « aux allergiques à l’iode » ?

Vous êtes allergiques à l’iode ? Ou allergique « aux allergiques à l’iode » ?

mercredi 3 mars 2010, par Dr Céline Palussière

Les allergologues ont souvent les cheveux qui se dressent sur la tête lorsqu’ils entendent leurs patients dire qu’ils sont « allergiques à l’iode ». Ont-ils raison de crier à l’hérésie ? Cette étude évalue la responsabilité de l’iode dans les réactions d’hypersensibilité immédiates ou retardées aux produits de contraste iodés.

Le rôle de d’iode dans les réactions d’hypersensibilités aux produits de contraste : K. Scherer * , T. Harr * , S. Bach * and A. J. Bircher *

* Allergy Unit, Department of Dermatology, University Hospital Basel, Basel, Switzerland

dans Clinical & Experimental Allergy
Volume 40 Issue 3, Pages 468 - 475

 Introduction :

  • Les réactions d’hypersensibilité aux produits de contraste iodés (RCM radio contrast media) sont soit de type immédiat (IT) soit retardé (DT).
  • Dans les réactions IT, le mécanisme physiopathologique n’est pas clair.
  • Dans les réactions DT, les tests retardés par patchs (PT) et IDR (IDT) positifs, et la présence de cellules T spécifiques du RCM, suggèrent un mécanisme médié par les cellules T.
  • Dans les deux cas, le rôle de l’iode n’a pas été bien établi ; les patients sont cependant souvent étiquetés « allergiques à l’iode ».
  • Des tests cutanés positifs à des médicaments contenant de l’iode sont occasionnellement observés.

 Objectifs :

  • Nous avons étudié la présence d’une hypersensibilité à l’iode chez des patients ayant une histoire de réaction d’hypersensibilité à des produits de contraste.

 Méthode :

  • Dix-neuf patients avec une histoire de IT (n=9) ou DT(n=10) à un produit de contraste (RCM) ont été étudiés.
  • Des tests cutanés, IDT et PT avec plusieurs RCM et formulations iodées ont été réalisés.
  • Tous ont subi un test de provocation avec de la solution de Lugol (LS).
  • Deux patients ayant chacun des oreillons à l’iode, une dermatite de contact aux antiseptiques iodés et une urticaire idiopathique ont servi de contrôle ou de témoin positif.

 Résultats :

  • Dans le groupe IT, des tests cutanés ont été positifs pour un RCM chez trois des neufs patients.
  • Un patient avec tests cutanés négatifs à réagi deux fois à l’iode par voie orale avec une urticaire.
  • Dans le groupe DT, la sensibilisation à un ou plusieurs RCM était identifiée chez 10 patients sur 10.
  • Chez 7 des 10 patients, on a trouvé une sensibilisation additionnelle à la formulation iodée.
  • Deux patients ont développé un exanthème modéré après le test de provocation orale avec la SL.

 Conclusion :

  • Nous avions démontré au préalable avec les oreillons à l’iode que le test de provocation orale avec la LS est un moyen valide pour déterminer les réactions d’hypersensibilité à l’iode.
  • Chez nos 19 patients nous avons montré que l’iode est rarement l’agent en cause dans les réactions d’hypersensibilité aux RCM. 
  • Seul un patient avec une urticaire retardée avec un RCM, une urticaire retardée à la LS, et deux patients avec une réaction DT et une large sensibilisation à tous les RCM testés, ont réagi à la LS avec un exanthème.
  • Dans la plupart des cas, les composants du RCM, et non l’iode, sont vraisemblablement des composants en cause.

Cette étude suisse évalue l’imputabilité de l’iode dans les réactions d’hypersensibilité aux produits de contraste iodés (PCI).

Deux groupes de patients sont étudiés : ceux qui ont présenté une réaction de type immédiat et ceux qui ont eu une réaction retardée.

Tous ont subi des tests cutanés en IDR et des patchs test avec plusieurs produits de contraste et plusieurs formulations iodées, puis une épreuve de provocation orale avec la solution de Lugol.

Les témoins positifs étaient des patients connus pour avoir une dermatite de contact aux antiseptiques iodés (pour les réactions retardées) ou des oreillons à l’iode.

Cette entité peu connue, dont le mécanisme physiopathologique n’est pas clair, correspond à la survenue d’un œdème important des glandes parotides quelques minutes après l’injection de produit de contraste iodés. Il pourrait s’agir d’une allergie mais aussi de l’accumulation toxique d’iode dans les canaux salivaires, ou de réaction idiosyncrasique. Le choix d’une telle pathologie comme témoin est donc surprenant. C’est en tout cas une pathologie où le TPO avec la solution de Lugol est fiable.

Sur les neuf patients ayant eu une réaction immédiate au PCI, seulement 3 ont réagi positivement aux tests cutanés. Parmi les sujets n’ayant pas réagi aux tests cutanés : un faux positif avec une urticaire lors du TPO à la solution de Lugol.

De quoi prendre du recul par rapport aux tests cutanés au PCI, dans l’exploration des réactions immédiates… même si le faible effectif ne permet pas de généraliser les performances des tests.

Les réactions d’hypersensibilité immédiate aux PCI sont souvent non IgE médiées, reposant sur l’hyperosmolarité, l’activation du complément, une toxicité vasculaire directe… Ceci explique les mauvaises performances des tests cutanés qui ne peuvent reproduire la réaction initiale.

En revanche l’exploration par patch tests des réactions retardées était plus performante, avec 10 positifs sur 10 patients testés. Mais 7 de ces patients réagissaient aussi aux formulations iodées… Et 2 avaient un TPO positif avec la solution de Lugol…

L’iode pourrait-elle donc être responsable de réaction retardée aux PCI dans 2, voire 7 cas sur 10 ?

Les auteurs concluent que non, et que les 3 TPO à la solution de Lugol restent peu représentatifs…

Ces conclusions vont dans le sens des données reconnues actuellement, où l’iode n’est pas tenue responsable des réactions d’hypersensibilité. L’ionicité et l’osmolarité des produits serait bien plus en cause dans les réactions indésirables des PCI.

Quant aux huîtres iodées du Bassin d’Arcachon, ça… c’est pour une autre étude !

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