Grossesse et tabagisme passif chez la femme asthmatique : un écran de fumée ?

jeudi 18 mars 2010 par Dr Philippe Carré605 visites

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Grossesse et tabagisme passif chez la femme asthmatique : un écran de fumée ?

Grossesse et tabagisme passif chez la femme asthmatique : un écran de fumée ?

jeudi 18 mars 2010, par Dr Philippe Carré

L’asthme atteint 6 à 8% des femmes enceintes. La littérature est pauvre quant à la relation entre l’asthme et les complications de la grossesse. Le tabagisme actif est associé à des troubles fœtaux et néonataux ; mais peu de données concernent l’effet du tabagisme passif sur les conditions obstétricales ; c’est le but de cette étude.

L’effet de l’exposition active et passive à la fumée de tabac à domicile chez les femmes enceintes asthmatiques. : Roger B. Newman, MD, Valerija Momirova, MS, Mitchell P. Dombrowski, MD, Michael Schatz, MD, FCCP, Robert Wise, MD, FCCP, Mark Landon, MD, Dwight J. Rouse, MD, Marshall Lindheimer, MD, Steve N. Caritis, MD, Jeanne Sheffield, MD, Menachem Miodovnik, MD, Ronald J. Wapner, MD, Michael W. Varner, MD, Mary Jo O’Sullivan, MD, Deborah L. Conway, MD and for the Eunice Kennedy Shriver National Institute of Child Health and Human Development Maternal-Fetal Medicine Units (MFMU) Network

From the Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Newman), Medical University of South Carolina, Charleston, SC ; Department of Biostatistics (Ms Momirova), George Washington University Biostatistics Center, Washington, DC ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Dombrowski), Wayne State University, Detroit, MI ; Department of Allergy (Dr Schatz), Kaiser Permanente, San Diego, CA ; Department of Medicine (Dr Wise), Johns Hopkins University, Baltimore, MD ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Landon), The Ohio State University, Columbus, OH ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Rouse), University of Alabama, Birmingham, AL ; Department of Medicine (Dr Lindheimer), University of Chicago, Chicago, IL ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Caritis), University of Pittsburgh, Pittsburgh, PA ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Sheffield), University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, TX ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Miodovnik), University of Cincinnati, Cincinnati, OH ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Wapner), Thomas Jefferson University, Philadelphia, PA ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Varner), University of Utah, Salt Lake City, UT ; Department of Obstetrics and Gynecology (Dr O’Sullivan), University of Miami, Miami, FL ; and Department of Obstetrics and Gynecology (Dr Conway), University of Texas at San Antonio, San Antonio, TX

dans CHEST March 2010 vol. 137 no. 3 601-608

 Objectif :

  • Le but de l’article était d’estimer l’effet de l’exposition active et passive à la fumée de tabac à domicile sur la sévérité de l’asthme et les données évolutives obstétricales et néonatales, chez des femmes enceintes asthmatiques.

 Méthodes :

  • Les auteurs ont utilisé une analyse observationnelle secondaire de femmes enceintes ayant un asthme léger à modéré et sévère, inclues dans une étude de cohorte prospective observationnelle sur l’asthme chez la femme enceinte, et dans un essai clinique randomisé (ECR) comparant la béclométhasone inhalée à la théophylline orale
  • Un questionnaire initial a été donné à chaque patiente, détaillant l’histoire tabagique et l’exposition passive à la fumée à domicile
  • Le statut tabagique a été confirmé dans l’ECR en utilisant les taux de cotinine
  • Les données concernant la sévérité de l’asthme et l’évolution obstétricale et néonatale ont été recueillies et analysées en fonction de l’exposition rapportée par les femmes à la fumée de tabac
  • Les tests statistiques de Kruskal-wallis et du Χ2 de Pearson ont été utilisés pour les analyses de signification.

 Résultats :

  • 2210 femmes ont été inclues : 1812 dans l’étude observationnelle et 398 dans l’ECR
  • 408 (18%) rapportaient un tabagisme actif
  • Parmi les non-fumeuses, 790 (36%°) rapportaient une exposition passive à la fumée de tabac à domicile
  • Le tabagisme actif était associé à plus de jours symptomatiques (p<0.001) et de symptômes nocturnes (p<0.001)
  • Parmi les nouveaux-nés de femmes fumeuses, il y avait un risque plus élevé d’âge gestationnel < au 10è percentile (p<0.001) et un poids de naissance moyen plus bas (p<0.001)
  • Il n’y avait pas de différences dans les exacerbations de symptômes ou les critères évolutifs entre les non-fumeuses, qu’elles aient ou non une exposition passive à domicile à la fumée de cigarette.

 Conclusion :

  • Chez les femmes enceintes asthmatiques, le tabagisme actif uniquement, mais pas le tabagisme passif, est associé à une augmentation des symptômes d’asthme et à des anomalies de la croissance fœtale.

Cette étude a analysé le devenir obstétrical de 2210 femmes enceintes, inclues dans 2 études : 1812 dans une étude de cohorte prospective observationnelle sur l’asthme chez la femme enceinte, et 398 dans un essai clinique randomisé (ECR) comparant la béclométhasone inhalée à la théophylline orale.

Les auteurs ont comparé 2 groupes de femmes : 408 qui avaient un tabagisme actif, et 790 qui avaient à domicile une exposition passive à la fumée de tabac.

Les résultats montrent que :
 le tabagisme actif entraîne plus de jours symptomatiques d’asthme et plus de symptômes nocturnes
 les nouveaux-nés de mères fumeuses ont plus de risque de baisse de l’âge gestationnel et du poids de naissance
 il n’y a par contre aucune différence dans les symptômes d’asthme ou le risque obstétrical chez les femmes non fumeuses, qu’elles soient ou non exposées à la fumée de tabac à domicile.

Il est possible qu’il y ait une sous-déclaration du tabagisme dans l’étude de cohorte observationnelle, où il n’y avait pas de mesure de cotinine mais le remplissage d’un simple questionnaire, et que cela puisse être un biais dans les résultats. Par ailleurs, un autre biais peut venir du fait que le questionnaire ne s’est intéressé qu’au domicile, ce qui pourrait sous-estimer le tabagisme passif lié au milieu professionnel ; mais les restrictions vis-à-vis du tabagisme sur les lieux de travail rendent cette hypothèse peu probable.

Il faut noter aussi que cette étude n’a évalué que les conséquences à court terme après la naissance, ce qui ne préjuge pas d’éventuels effets secondaires à plus long terme du tabagisme passif chez ces femmes asthmatiques.

Cette étude est donc rassurante concernant les effets du tabagisme passif sur la sévérité de l’asthme pendant la grossesse et sur la survenue de complications obstétricales ; mais cela peut refléter aussi l’absence d’effet biologique, lié à un seuil trop bas de l’exposition pour déclencher des conséquences chez la femme et le nouveau-né.

En l’absence de réponse définitive à cette question, continuer à recommander l’éviction du tabac au domicile et sur le lieu de travail aux femmes enceintes semble être l’approche préventive la plus appropriée, comme cela est recommandé dans les différents programmes d’éducation à la santé dans l’asthme.

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