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Découper un kiwi en protéines c’est un peu couper les cheveux en quatre ?
jeudi 8 avril 2010, par Dr Hervé Couteaux
L’allergie aux kiwis (il en existe plusieurs espèces, inégalement étudiées) est particulièrement intéressante, notamment par sa diversité, en rapport avec le nombre d’allergènes présents dans le kiwi. Il conviendrait donc de parler plutôt des allergies aux kiwis comme nous l’allons voir dans l’étude du jour.
Diagnostic moléculaire de l’allergie au kiwi au moyen d’allergènes naturels purifiés et recombinants. : Merima Bublin, PhDa, Marina Pfister, MDb, Christian Radauer, PhDa, Christina Oberhuber, PhDc, Sean Bulley, PhDd, Åsa Marknell DeWitt, PhDe, Jonas Lidholm, PhDe, Gerald Reese, PhDf, Stefan Vieths, PhDf, Heimo Breiteneder, PhDa, Karin Hoffmann-Sommergruber, PhDa, Barbara K. Ballmer-Weber, MDb
a Department of Pathophysiology, Medical University of Vienna, Vienna, Austria
b Allergy Unit, Department of Dermatology, University Hospital Zurich, Zurich, Switzerland
c Biomay, AG, Vienna, Austria
d Plant and Food Research Institute of New Zealand, Auckland, New Zealand
e Phadia AB, Uppsala, Sweden
f Paul-Ehrlich-Institut, Division of Allergology, Langen, Germany
dans JACI Volume 125, Issue 3, Pages 687-694.e1 (March 2010)
– Contexte :
- Le kiwi est une des causes les plus fréquentes des réactions allergiques alimentaires.
- Le diagnostic moléculaire peut permettre une amélioration significative de la détection de la sensibilisation aux kiwis.
– Objectif :
- Evaluer l’utilisation d’allergènes individuels dans le diagnostic moléculaire in vitro de l’allergie au kiwi.
– Méthodes :
- 30 patients présentant un test de provocation positif alimentaire au kiwi en double aveugle contrôlé contre placebo (DBPCFC), 10 sujets atopiques avec test de provocation ouvert négatif au kiwi, et 5 sujets non atopiques ont été recrutés dans l’étude.
- Les IgE spécifiques ont été testées par ImmunoCAP pour 7 allergènes (nAct d 1-5 and rAct d 8-9) et pour des extraits allergéniques.
– Résultats :
- Les sensibilités diagnostiques de l’extrait commercial et de la somme des différents allergènes étaient respectivement de 17% et de 77%, tandis que les spécificités étaient de 100% et 30%.
- Une combinaison des allergènes Act d 1, Act d 2, Act d 4, et Act d 5 a donné une sensibilité diagnostique de 40%, alors que la spécificité du diagnostic est restée élevée (90%).
- L’exclusion du recombinant rAct d 8, homologue de Bet v 1 et de la profiline rAct d 9 de ce panel d’allergènes a réduit la sensibilité à 50% mais a augmenté la spécificité à 40%.
- Les patients monosensibilisés au kiwi ont réagi plus fréquemment (p <.001) à Act d 1 que les patients polysensibilisés, tandis que ces derniers ont réagi plus souvent avec rAct d 8 (P = ,004).
– Conclusion :
- L’utilisation d’ImmunoCAP vis-à-vis d’allergènes du kiwi augmente les performances quantitatives et la sensibilité diagnostique par rapport à l’extrait commercial.
- Les homologues de Bet v 1 et la profiline sont des allergènes importants dans l’allergie au kiwi liée aux pollens, tandis que l’actinidine est importante dans la monoallergie au kiwi, dont les symptômes sont souvent plus sévères.
La première conclusion des auteurs de cette étude autrichienne est que l’utilisation de tests d’IgE-réactivité vis-à-vis d’allergènes moléculaires du kiwi améliore les performances et notamment la sensibilité du diagnostic par rapport au test d’IgE-réactivité vis-à-vis de l’extrait commercial du kiwi.
Il faut tout de suite noter que la sensibilité du CAP-kiwi est à 17% !...On aurait aimé une comparaison par rapport à un test diagnostique dont les performances sont un peu moins mauvaises.
Les allergologues connaissent depuis longtemps les faiblesses des extraits commerciaux en matière de diagnostic d’allergie à la plupart des fruits et légumes, notamment pour les tests cutanés, ce qui les conduit à préférer le plus souvent les prick tests en natif pour ce type d’aliments.
A vaincre sans péril, les tests aux allergènes individuels ne récoltent pas ici une grande gloire...
Le deuxième point de la conclusion paraît plus intéressant, confirmant d’une part l’importance de la profiline et de la PR-10 du kiwi dans le cadre de syndromes pollens-aliments (n’oublions pas que nous sommes en Autriche, « zone bouleau ») et d’autre part la place de l’actinidine chez les « mono-kiwis », avec une fréquence plus élevée de réactions sévères.
Ce sont donc des conclusions valables pour la population étudiée, en Europe du Nord.
Ne préjugeons pas des différences que nous pourrions observer pour d’autres populations en d’autres lieux dans le cadre d’une étude similaire.
Au total on peut noter combien la connaissance des allergènes d’un produit améliore notre compréhension de l’allergie à ce produit ou plutôt, devrions nous dire « des » différentes allergies à ce produit.
Enfin il n’est peut-être pas inutile de rappeler deux ou trois définitions de quelques notions citées dans cette étude, à commencer par sensibilité et spécificité qui sont des propriétés intrinsèques des tests.
La sensibilité d’un test est la probabilité que le test soit positif si la personne est atteinte de la maladie.
C’est le nombre de vrais positifs (tests positifs chez des personnes atteintes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes atteintes de la maladie.
Plus un test est sensible :
- moins il comporte de faux négatifs
- mieux il permet d’exclure la maladie s’il est négatif.
La spécificité d’un test est la probabilité que le test soit négatif si la personne testée est indemne de la maladie.
C’est le nombre de vrais négatifs divisé par le nombre total de personnes indemnes de la maladie.
Plus un test est spécifique :
- moins il occasionne de faux positifs
- mieux il permet d’affirmer la maladie s’il est positif.
Ces données sont résumées dans la règle de Sackett :
- Si un test a une spécificité élevée, un résultat positif confirme l’hypothèse diagnostique.
- Si un test a une sensibilité élevée, un résultat négatif élimine le diagnostic.
En pratique quotidienne de dépistage, la question qui se pose au médecin est d’évaluer chez une personne apparemment en bonne santé la probabilité d’être malade (ou non malade) en fonction du résultat positif (ou négatif) du test.
Cette probabilité (VPP et VPN) dépend des caractéristiques du test (sensibilité et spécificité) et de la probabilité a priori que la personne ait une maladie, c’est-à-dire de la prévalence de la maladie dans la population considérée.
Pour un test donné, quand la prévalence augmente, la VPP augmente et la VPN diminue.
Au total, quand l’objectif est le dépistage (le test s’adresse à des sujets ne se plaignant de rien, sujets sains à priori) on choisira un test à sensibilité élevée, éventuellement suivi d’un test de confirmation.
Quand l’objectif est la confirmation d’une maladie suspectée, on prendra un test avec une spécificité élevée.
Dans cette étude, on voit aussi poindre les difficultés d’un abord moléculaire des questions allergiques, qui reste subordonné au degré de connaissance des allergènes concernés.