Le sarrasin a envahi l’Italie du Nord ! Mais, il se cache !

lundi 25 octobre 2010 par Dr Alain Thillay2126 visites

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Le sarrasin a envahi l’Italie du Nord ! Mais, il se cache !

Le sarrasin a envahi l’Italie du Nord ! Mais, il se cache !

lundi 25 octobre 2010, par Dr Alain Thillay

Manifestations cliniques, co-sensibilisations et profils immunologiques de patients allergiques au sarrasin.

Manifestations cliniques, co-sensibilisations et profils immunologiques de patients allergiques au sarrasin. : Heffler, E., Nebiolo, F., Asero, R., Guida, G., Badiu, I., Pizzimenti, S., Marchese, C., Amato, S., Mistrello, G., Canaletti, F. and Rolla, G. ,

Clinical manifestations, co-sensitizations, and immunoblotting profiles of buckwheat-allergic patients.

dans Allergy, no. doi : 10.1111/j.1398-9995.2010.02469.x

 Contexte :

  • L’allergie au sarrasin est une allergie alimentaire rare en Europe et en Amérique du Nord alors qu’elle est souvent décrite et étudiée en Asie.
  • Le but de cette étude était de décrire une série de patients, ayant une allergie prouvée au sarrasin, évalués dans un service d’allergologie italien.
  • La co-sensibilisation à d’autres aliments et aux aéroallergènes ainsi que les profils immuno-allergiques des patients ont été étudiés.

 Méthodes :

  • Les patients ayant une allergie présumée au sarrasin qui ont consulté dans le service d’allergologie entre le premier janvier 2006 et le 30 septembre 2008 ont été évalués.
  • Tous les patients ont subi des tests cutanés avec les aéroallergènes et les trophallergènes classiques, un test cutané à la farine de sarrasin native, des dosages d’IgE spécifiques au sarrasin et un test de provocation orale contrôlé à la farine de sarrasin en double aveugle contre placebo.
  • Un immunoblotting à l’extrait de farine de sarrasin a été effectué sur des sera de patients allergiques au sarrasin.

 Résultats :

  • Parmi les 72 patients suspects d’être allergiques au sarrasin, 30 (41,7%) étaient sensibilisés au sarrasin (démontrés par « prick-by-prick » et/ou par IgE spécifiques) et 24 de ces trente patients avaient un test de provocation positif.
  • Le niveau moyen des IgE spécifiques du sarrasin était de 6,23 kUA/L (extrêmes : 0,16 à >100 kUA/L).
  • Parmi les 24 patients, plusieurs protéines se liant aux IgE ont été identifiées et regroupées en trois modèles :
    • une bande de 16 kDa chez les patients présentant des symptômes gastro-intestinaux principalement avec de la farine de blé et une co-sensibilisation aux pollens de Graminées,
    • une bande de 25 kDa chez les patients présentant des symptômes cutanés et surtout une faible fréquence de co-sensibilisation,
    • et une bande de 40 kDa chez les patients atteints d’anaphylaxie et une faible fréquence de co-sensibilisation.
  • A noter aussi une bande de 67 kDa reconnue par les IgE de 12 patients (50%) et une bande de 10 kDa reconnue par 5 patients.

 Conclusions :

  • L’allergie au sarrasin est une allergie émergeante en Italie.
  • Nous avons identifié trois modèles distincts en fonction de caractéristiques cliniques et de laboratoire, ce qui suggère que des allergènes spécifiques pourraient être plus fréquemment associés à des manifestations cliniques de gravité différente.

Le sarrasin n’est pas membre de la famille des Poacées, c’est la graine d’une Polygonacée (Fagopyrum esculentum), famille dans laquelle se retrouvent rhubarbe et oseille.

Le sarrasin est riche en protéines, exempt de gluten.

En Bretagne, on confectionne les galettes avec la farine de cette graine, à ne pas confondre avec les crêpes qui sont elles fabriquées avec de la farine de blé.

L’allergie au sarrasin est fréquente en Asie (première cause d’anaphylaxie alimentaire en Corée), en France, la banque CICBAA rapporte 2,4% des allergies alimentaires dues à cette graine surtout chez l’adulte.

A juste titre, les auteurs du présent article utilisent le terme de co-sensibilisation plutôt que réaction croisée.

En effet, si dans une période quelques auteurs ont pu croire à des réactions croisées avec le riz, l’arachide voir le pavot, il semble que cela soit dû plus à une histoire de CCD.

Plus sérieusement, l’allergie croisée avec le latex paraît plus pertinente.

Cette étude italienne apparaît assez robuste dans la mesure où elle rapporte un grand nombre de cas consécutifs d’allergie au sarrasin, 24 patients.

Ce qui correspondrait à un taux d’incidence de 7,3% parmi les nouveaux cas d’allergie alimentaire diagnostiqués dans le service d’allergologie sur la même durée de 33 mois.

La majorité des sujets allergiques ont été sensibilisés par le sarrasin sous forme cachée (pizzas et pâtes).

Il est à signaler que le sarrasin est de plus en plus utilisé dans les pizzas et les pâtes dans le nord de l’Italie alors que cet ingrédient n’est pas connu au sud.

Les patients sélectionnés sont tous des habitants du nord italien (Turin, Milan).

Les auteurs ont mis en évidence une protéine de 25 kDa qui correspond à Fag e 1 qui est une légumine ou 11S globuline, une protéine de 16 kDa qui est Fag e 2, une protéine de 10 kDa encore appelée Fag e 10 kDa, une protéine de 19 kDa ou Fag e 19 kDa et enfin deux protéines l’une de 40 et l’autre de 67 kDa, ces deux dernières bandes ayant été déjà décrites en 1999 par Nair A et Adachi T.

Ainsi, les auteurs italiens ne font pas de découvertes en ce qui concerne les différentes protéines issues de la graine de sarrasin.

Par contre, plus intéressant, ils font un distinguo des manifestations cliniques en fonction de l’IgE-réactivité à telle ou telle protéine.

Ainsi, le fait de montrer une IgE-réactivité à Fag e 2 protéine de 16 kDa était plus souvent reliée à des troubles gastro-intestinaux et à une cosensibilisation à la farine de blé et aux pollens de Graminées.

Etre IgE-réactif à Fag e 1, protéine de 25 kDa, prédisposerait aux réactions cutanés avec peu de cosensibilisation.

Enfin, l’IgE réactivité à la protéine de 40 kDa commanderait un risque important de réactions anaphylactiques avec un faible taux de cosensibilisations ; à noter que cette protéine n’est pas répertoriée sur www.allerdata.com ou sur www.allergome.org.

Bien sûr, cette relation, type de protéine responsable de l’IgE-réactivité et modèle clinique, demande à être confirmée par d’autres études plus vastes quant au recrutement.

Nous ne disposons pas pour le moment d’IgE spécifiques des protéines de sarrasin, ne serait-ce que Fag e 1 et Fag e 2, seul existe l’ImmunoCAP Phadia du sarrasin « total » f11.

Pour conclure, nous pouvons dire, qu’encore une fois, l’allergologie moléculaire va permettre de mieux cerner le risque qu’encourt un sujet allergique au sarrasin en fonction de son profil réactif.

Dans un avenir proche, le dynamisme de la société Phadia nous permettra de le faire sans doute.

Et attention, au sarrasin caché…

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