En matière d’allergie alimentaire, on peut rester sur sa faim !

jeudi 6 janvier 2011 par Dr Hervé Couteaux589 visites

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En matière d’allergie alimentaire, on peut rester sur sa faim !

En matière d’allergie alimentaire, on peut rester sur sa faim !

jeudi 6 janvier 2011, par Dr Hervé Couteaux

Consommation maternelle d’arachide en prénatal et sensibilisation à l’arachide et au seigle observée dans la descendance à l’adolescence. : Kemp, A. S., Ponsonby, A.-L., Dwyer, T., Cochrane, J. A., Pezic, A. and Jones, G. ,

Maternal antenatal peanut consumption and peanut and rye sensitization in the offspring at adolescence.

dans Clinical & Experimental Allergy, no. doi : 10.1111/j.1365-2222.2010.03668.x

 Contexte :

  • Il est extrêmement discuté que l’ingestion d’arachide pendant la grossesse puisse influencer la sensibilisation ultérieure des enfants.

 Objectifs :

  • Déterminer si l’ingestion d’arachide pendant la grossesse pourrait augmenter la sensibilisation de la progéniture.

 Méthodes :

  • Une étude de cohorte longitudinale avec 16 ans de suivi a été effectuée (N = 373). -*Les sujets ont été recrutés à la naissance dans le cadre d’une étude sur la santé infantile.
  • La consommation maternelle prénatale d’arachide a été documentée à la naissance et les sensibilisations à l’arachide et au seigle ont été déterminées par dosage des IgE sériques spécifiques à l’âge de 16 ans.

 Résultats :

  • La sensibilisation à l’arachide a été retrouvée chez 14% des adolescents.
  • Dans la cohorte entière (n = 310), il n’y avait aucune association entre l’ingestion d’arachide en prénatal et la sensibilisation à l’arachide (P = 0,17).
  • Cependant, il y avait une forte association entre l’ingestion d’arachide en prénatal et la diminution du risque de sensibilisation au seigle et à l’arachide pour les 201 enfants sans antécédents familiaux d’asthme (Odd Ratio (OR) seigle à 0,30, IC à 95% sur l’intervalle 0,14-0,63, P <0,001 et Odd Ratio (OR) arachide 0,18, IC 95% sur l’intervalle 0.04-0.78, P= 0,02).
  • Il y avait un risque accru de sensibilisation au seigle parmi les 108 enfants avec des ATCD familiaux d’asthme et ingestion d’arachide en prénatal (Seigle OR 2.69, 95% CI 1.11–6.51 P=0.03).
  • Il a été considéré que ces sensibilisations sont susceptibles d’être liées à la présence d’anticorps IgE contre des épitopes glucidiques communs à des allergènes de seigle et d’arachide.

 Conclusions et pertinence clinique :

  • L’ingestion d’arachide en prénatal peuvent influencer le développement d’anticorps IgE contre des épitopes glucidiques plus tard dans la vie.
  • Des facteurs génétiques peuvent modifier cette association.

Trois résultats pour cette étude :

Le premier, c’est que la consommation (évaluée par questionnaire) d’arachide (sous quelle forme ?...) durant la grossesse de femmes appartenant à une population générale ne favorise pas la survenue de sensibilisation ultérieure à l’arachide chez l’enfant.

Le deuxième, c’est que pour les 201 enfants sans ATCD familiaux d’asthme, la consommation d’arachide pendant la grossesse était associée à une diminution de la survenue ultérieure chez l’enfant de sensibilisation à l’arachide et au seigle.

Le troisième, c’est que pour les 108 enfants avec ATCD familiaux d’asthme, la consommation d’arachide pendant la grossesse était associée à un risque accru de « sensibilisation » ultérieure au seigle, cette « sensibilisation » s’avérant être, selon les auteurs, une simple liaison IgE avec des CCD.

Voila un sujet d’étude passionnant pour tout allergologue, puisqu’il concerne l’histoire naturelle des « sensibilisations » (tout le monde accorde-t-il la même signification à ce mot ?... « IgE-réactivité » ne serait-il pas plus approprié ? Car c’est bien sur un test d’IgE-réactivité que les auteurs se basent…).

Mais nous restons sur notre faim…

En effet si les conclusions sur la population générale n’ont qu’un intérêt minime, il était alléchant de pouvoir savoir si pour une population atopique (ici seulement définie par des ATCD familiaux d’asthme) la consommation maternelle d’arachide pendant la grossesse pouvait influer la survenue ultérieure d’IgE-réactivité pertinente cliniquement.

Malheureusement nous n’en saurons pas grand-chose, soit que la population était trop réduite, soit que les critères aient été insuffisants (Un simple questionnaire est-il un outil fiable pour mesurer une consommation d’arachide ?) ou mal définis ? (cf. atopie plus haut).

De plus cette sensibilisation à l’arachide et au seigle a été évaluée à 16 ans : est-ce à dire que tout ce qui s’est passé pendant ces 16 années ne compte pas dans la survenue d’une telle sensibilisation ?...

Les critiques d’une telle étude sont à la hauteur des espoirs qu’elle peut engendrer et il faut encourager tout nouveau travail sur le sujet : osons !...

"Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles." Sénèque