Doit-on utiliser le paracétamol chez l’enfant…avec fébrilité ?

mardi 15 mars 2011 par Dr Philippe Carré598 visites

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Doit-on utiliser le paracétamol chez l’enfant…avec fébrilité ?

Doit-on utiliser le paracétamol chez l’enfant…avec fébrilité ?

mardi 15 mars 2011, par Dr Philippe Carré

Les effets de l’exposition précoce et tardive au paracétamol sur l’asthme et l’atopie : étude de cohorte à la naissance. : Wickens, K., Beasley, R., Town, I., Epton, M., Pattemore, P., Ingham, T., Crane, J. and the New Zealand Asthma and Allergy Cohort Study Group (2011),

The effects of early and late paracetamol exposure on asthma and atopy : a birth cohort.

dans Clinical & Experimental Allergy, 41 : 399–406. doi : 10.1111/j.1365-2222.2010.03610.x

 Contexte :

  • Malgré les données rapportées sur les associations positives entre le paracétamol et l’asthme, la nature de ces associations n’est pas claire.

 Objectifs :

  • Investiguer les associations entre l’utilisation de paracétamol chez le nourrisson et le petit enfant, et l’atopie et les maladies allergiques à l’âge de 5-6 ans.

 Méthodes :

  • Dans une étude de cohorte de naissance, les auteurs ont recueilli l’exposition rapportée au paracétamol entre la naissance et l’âge de 15 mois à Christchurch (n= 505) et entre l’âge de 5 et 6 ans pour tous les participants (Christchurch et Wellington : n= 914)
  • Les données concernant l’asthme et les sifflements déclarés, ainsi que l’atopie (mesurée par des prick-tests) ont été recueillies à l’âge de 6 ans pour tous les participants
  • Les modèles de régression logistique étaient ajustées pour les facteurs confondants potentiels, incluant le nombre d’infections respiratoires et d’utilisation d’antibiotiques.

 Résultats :

  • L’utilisation de paracétamol avant l’âge de 15 mois était associée à l’atopie à l’âge de 6 ans (OR ajusté= 3.61, IC à 95%= 1.33-9.77)
  • L’exposition au paracétamol entre l’âge de 5 et 6 ans montrait des associations dose-dépendantes avec les sifflements et l’asthme rapportés, mais pas avec l’atopie
  • Comparés à l’utilisation du paracétamol de 0 à 2 fois, les OR ajustés étaient pour les sifflements : 1.83 (1.04-3.23) pour une utilisation 3 à 1O fois et 2.30 (1.28-4.16) pour une utilisation plus de 10 fois ; les OR étaient pour l’asthme courant : 1.63 (0.92-2.89) pour une utilisation 3 à 10 fois et 2.16 (1.19-3.92) pour une utilisation plus de 10 fois ; les OR étaient pour l’atopie : 0.96 (0.59-1.56) pour une utilisation 3 à 10 fois et 1.05 (0.62-1.77) pour une utilisation plus de 10 fois.

 Conclusions et relevance clinique :

  • Ces données suggèrent que le paracétamol a un rôle dans le développement de l’atopie et le maintien des symptômes asthmatiques
  • Avant que des recommandations cliniques pratiques soient faites, des essais randomisés et contrôlés sont nécessaires pour déterminer si ces associations ont un lien causal.

La mise sur le marché du paracétamol à partir des années 1950 et son utilisation extensive chez les enfants comme traitement empirique de premier choix, ont conduit à des études concernant la relation entre le paracétamol et le développement de l’asthme. Des études transversales et des études longitudinales de cohorte à la naissance ont semblé soutenir cette hypothèse.

La plupart des études ont montré que les associations entre l’utilisation du paracétamol et l’asthme dépendaient de la fréquence ou de la dose d’utilisation, ce qui est en accord avec une relation causale. Mais peu d’études se sont intéressées à la relation entre l’utilisation du paracétamol et le développement d’une sensibilisation atopique, et leurs résultats sont contradictoires.

Le but principal de cette étude était donc d’examiner les associations entre l’utilisation du paracétamol dans la petite enfance et entre l’âge de 5 et 6 ans, et la fréquence de l’atopie et des maladies allergiques à l’âge de 6 ans.

Les données concernant les sifflements et les symptômes d’asthme, ainsi que la fréquence d’utilisation du paracétamol, ont été recueillies régulièrement, auprès des parents d’une cohorte totale à la naissance de 914 enfants, en utilisant un questionnaire standardisé de l’étude internationale ISAAC ; la fréquence de l’atopie a été évaluée par la réalisation à l’âge de 6 ans de prick-tests cutanés vis-à-vis d’un pool de pneumallergènes.

Les résultats montrent :

  • que l’utilisation de paracétamol avant l’âge de 15 mois était associée à l’atopie à l’âge de 6 ans
  • que l’exposition au paracétamol entre l’âge de 5 et 6 ans était associée de façon dose-dépendante avec les sifflements et l’asthme, mais pas avec l’atopie
  • qu’il y avait une relation proportionnellement dose-dépendante (moins de 3 fois, de 3 à 10 fois et plus de 10 fois) entre l’utilisation du paracétamol et la fréquence des sifflements, de l’asthme et de l’atopie.

Il y a peu d’études épidémiologiques publiées concernant les effets du paracétamol sur l’atopie. L’association trouvée dans cette étude entre une exposition précoce au paracétamol et une atopie ultérieure pourrait être due au fait qu’une atopie précoce est un facteur de risque d’atopie ultérieure ; mais l’association existait aussi dans le sous-groupe des enfants non atopiques.

En ce qui concerne les mécanismes, il a déjà été montré qu’une fièvre précoce pouvait être associée à une diminution du risque atopique, peut-être en favorisant la balance TH1 ; le paracétamol pourrait interférer avec ce mécanisme en limitant la durée de la fièvre, mais ceci n’est pas prouvé. Une autre hypothèse reliant paracétamol et atopie serait une réduction précoce des taux de glutathion dans le poumon en présence de paracétamol, altérant le processus de présentation antigénique, et favorisant ainsi la voie TH2 ; de plus, l’utilisation plus tardive du paracétamol (à l’âge de 5 et 6 ans) pourrait expliquer la pérennisation des symptômes d’asthme par la perte du stimulus anti-oxydant dû à la baisse des taux de glutathion, favorisant ainsi l’inflammation bronchique.

Les hypothèses soulevées dans cette étude nécessitent des études randomisées complémentaires pour affirmer le lien de causalité entre paracétamol et atopie, et envisager d’éventuelles recommandations futures en terme de pratique clinique quant à l’utilisation du paracétamol chez l’enfant.

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