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Enfin une étude sur les allergènes d’un aliment tel qu’il est consommé en vrai...
mardi 6 décembre 2011, par
Effet de la torréfaction sur l’allergénicité des allergènes majeurs de l’arachide Ara h 1 et Ara h 2/6 : les tests de dégranulation nécessaires. : Vissers, Y. M., Iwan, M., Adel-Patient, K., Stahl Skov, P., Rigby, N. M., Johnson, P. E., Mandrup Müller, P., Przybylski-Nicaise, L., Schaap, M., Ruinemans-Koerts, J., Jansen, A. P. H., Mills, E. N. C., Savelkoul, H. F. J. and Wichers, H. J. (2011),
Effect of roasting on the allergenicity of major peanut allergens Ara h 1 and Ara h 2/6 : the necessity of degranulation assays.
dans Clinical & Experimental Allergy, 41 : 1631–1642. doi : 10.1111/j.1365-2222.2011.03830.x
– Contexte :
- L’arachide est souvent consommée après torréfaction, un processus qui modifie la structure tridimensionnelle des allergènes et conduit à la réaction de Maillard.
- De tels changements sont susceptibles d’affecter leur allergénicité.
– Objectif :
- Nous avons cherché à établir l’effet du traitement thermique en imitant le processus de torréfaction, sur l’allergénicité de Ara h 1 et sur un mélange d’albumines 2S de l’arachide (Ara h 2 et 6).
– Méthodes :
- Ara h 1 et Ara h 2/6 ont été purifiés à partir d’arachides crues et chauffés à sec pendant 20 minutes à 145°C en présence (R+g) ou absence (R-g) de glucose, puis les protéines solubles ont été extraites.
- Les sérums de 12 patients allergiques à l’arachide bien caractérisés ont été utilisés pour évaluer la capacité des allergènes à lier les IgE et induire une dégranulation.
– Résultats :
- Le chauffage intensif à faible taux d’humidité conduit à l’hydrolyse de Ara h 1 et Ara h 2/6.
- Cependant Ara h 1 en présence de glucose forme de larges agrégats, contrairement à Ara h 2/6.
- Alors que la capacité de liaison aux IgE de Ara h 1 R+g et R-g était diminuée de 9000 et 3.6 fois, respectivement, par rapport à Ara h 1 natif, leur capacité de libération des médiateurs était augmentée.
- Au contraire, les capacités de liaison aux IgE et de dégranulation de R-g Ara h 2/6 étaient toutes deux 600 à 700 fois inférieures à celles de la forme native, bien que la présence de glucose durant le chauffage ait limité ces diminutions.
– Conclusions et pertinence clinique :
- Le chauffage intensif réduit la capacité de dégranulation de Ara h 2/6 mais augmente de manière significative celle de Ara h 1.
- Cette observation peut avoir des implication importantes pour le diagnostic moléculaire et démontre l’importance des tests de dégranulation associés aux tests d’IgE réactivité lors de l’évaluation des effets des transformations des aliments sur l’allergénicité des protéines.
L’arachide est rarement consommée crue, et ses allergènes potentiels sont modifiés par la cuisson. Cette étude passionnante se penche sur les modifications d’allergénicité de différentes protéines de l’arachide après torréfaction.
Les allergènes étudiés étaient Ara h 1, une vicilline, et un mélange de deux 2S-albumines, Ara h 2 et Ara h 6. L’étude porte donc sur les allergènes les plus fréquents de l’arachide au niveau moléculaire.
Le mode de cuisson étudié est la torréfaction, qui est un chauffage intensif en milieu sec. L’influence du milieu environnant est aussi étudiée, en comparant l’allergénicité des protéines après torréfaction en fonction de la présence ou l’absence de glucose.
Les auteurs évoquent la réaction de Maillard... Petite synthèse pour ceux qui, comme moi, n’y connaissaient rien : il s’agit d’une réaction chimique entre un sucre et un groupement aminé (donc notamment les protéines), très importante en industrie agro-alimentaire. Plusieurs étapes (dont je vous épargne le détail) conduisent à une polymérisation d’intermédiaires réactionnels, avec libération de composés responsables des odeurs et création de couleurs (mélanoïdines) et arômes caractéristiques des aliments cuits.
C’est là toute l’originalité et l’intérêt de cette étude : étudier un produit fini, tel qu’il est consommé, et se rapprocher de ce qui va réellement se passer chez le sujet allergique.
Les tests d’IgE réactivité, effectués sur les sérums de 12 patients allergiques à l’arachide, mettent en évidence une très forte diminution de la liaison aux IgE après torréfaction, pour l’ensemble des allergènes étudiés.
La présence de glucose a toutefois une action « protectrice », en maintenant un niveau d’IgE réactivité.
Les auteurs soulignent toutefois la discordance dans cette étude avec le test de dégranulation des basophiles, en ce qui concerne Ara h 1. Après torréfaction, la libération de médiateurs par Ara h 1 est supérieure à celle de la forme native.
Ils soulignent donc l’intérêt de ce test, qui, bien que non standardisé, se rapproche de la réaction in vivo.
Cette étude rigoureuse et pertinente est donc riche d’enseignements, quant à la nature des allergènes et néo-allergènes de l’arachide produits après torréfaction, et quant aux techniques permettant l’évaluation de leurs effets en clinique chez les sujets allergiques.
Reste à faire le même travail sur l’arachide bouillie,réputée moins réactogène, et tant qu’on y est, sur d’autres protéines !
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