Quand le travail monte au nez, c’est pas toujours au pif !

mardi 31 janvier 2012 par Dr Philippe Carré652 visites

Accueil du site > Pratique > Travail > Quand le travail monte au nez, c’est pas toujours au pif !

Quand le travail monte au nez, c’est pas toujours au pif !

Quand le travail monte au nez, c’est pas toujours au pif !

mardi 31 janvier 2012, par Dr Philippe Carré

Impact négatif de l’exposition professionnelle sur le résultat chirurgical chez des patients ayant une rhinosinusite. : V. Hox1,2,†, S. Delrue1,†, H. Scheers2, E. Adams3, S. Keirsbilck3, M. Jorissen1, P. H. Hoet2, J. A. Vanoirbeek2, B. Nemery2,3, P. W. Hellings1,*

 Contexte :

  • La rhinosinusite chronique (RSC) est une affection fréquente qui est traitée par chirurgie fonctionnelle endoscopique des sinus (CFES) en cas d’échec du traitement médical
  • Des facteurs endogènes et exogènes peuvent être responsables de la persistance des symptômes après CFES
  • Le rôle des expositions professionnelles sur la réussite de la CFES n’a jamais été étudié.

 Méthodes :

  • Dans cette étude cas-contrôle, les auteurs ont testé l’hypothèse que le résultat de la CFES est lié aux expositions professionnelles
  • Des questionnaires ont été envoyés à 890 patients ayant eu une ou plusieurs CFES, ainsi qu’à 182 sujets contrôles
  • Trois experts indépendants ont étudié en aveugle les expositions aux agents inhalés rapportées dans le cadre du travail
  • La relation entre l’exposition et le nombre de CFES a été analysée.

 Résultats :

  • Une exposition professionnelle pertinente a été rapportée chez 25% de tous les patients ayant répondu et ayant eu une CFES (n=467) et chez 12% des contrôles (n=69)
  • La prévalence des expositions professionnelles augmentait de façon linéaire avec le nombre de CFES, de 21% chez ceux ayant eu 1 CFES à 44% chez ceux ayant eu au moins 4 CFES (χ2 = 12.74, p<0.001)
  • L’analyse en régression logistique ajustée aux facteurs confondants possibles, incluant le tabagisme, l’atopie et l’asthme, confirmait que les odds ratio (OR) pour les expositions professionnelles rapportées étaient significativement plus élevés chez les sujets ayant dû avoir plus d’une CFES (OR=1.64) ou plus de deux (OR=1.97)
  • Ces résultats étaient surtout liés à une exposition à des agents de faible poids moléculaire.

 Conclusion :

  • L’exposition professionnelle semble être un facteur de risque de survenue d’une RSC et de sa persistance ou sa récidive, comme l’atteste la nécessité d’une révision chirurgicale.

La rhinosinusite chronique (RSC) est une pathologie fréquente pour laquelle des options thérapeutiques médicales efficaces sont disponibles ; en cas d’échec, une chirurgie endoscopique sinusienne (CFES) peut être proposée ; mais 10 à 15% des patients récidivent et nécessitent parfois des reprises chirurgicales.

Parmi les facteurs de risque de récidive, une exposition professionnelle à des agents qui pourraient interférer avec la cicatrisation post-opératoire a été évoquée.

C’est ce lien que les auteurs ont cherché à évaluer dans une étude cas-contrôle chez 890 patients opérés d’une RSC à une ou plusieurs reprises, comparativement à 182 contrôles, en analysant la relation entre une exposition professionnelle pertinente (évaluée par 3 experts indépendants) et le nombre d’actes chirurgicaux nécessaires.

Les résultats montrent :

  • qu’une exposition professionnelle spécifique est présente chez 25% des patients ayant eu une CFES et chez 12% des contrôles
  • que la prévalence des expositions professionnelles augmentait avec le nombre de CFES (21% chez ceux ayant eu 1 CFES à 44% chez ceux ayant eu au moins 4)
  • qu’en tenant compte des facteurs confondants possibles, les OR des expositions professionnelles étaient plus élevés chez les sujets ayant dû avoir plus d’une ou de deux CFES
  • que ces résultats étaient surtout liés à une exposition à des agents de faible poids moléculaire.

Cette étude montre donc qu’une exposition professionnelle représente un facteur de risque de survenue et de récidive de RSC après chirurgie sinusienne.

La rhinite allergique est une pathologie fréquente en milieu professionnel, que ce soit par exposition à des agents de haut poids moléculaire (farine, animaux…) qui sont facilement détectables par des techniques allergologiques, ou à des agents de faible poids moléculaire (isocyanates, persulfates…) dont la documentation est plus difficile. De plus, l’atteinte des voies aériennes au travail peut aussi être en rapport avec une exposition à des irritants, conduisant parfois à un syndrome de dysfonction des voies aériennes supérieures. Les sinus sont souvent impliqués dans tous ces phénomènes par contiguïté, posant la question d’une « RSC professionnelle ».

Si les facteurs de risque classiques d’échec de la chirurgie sinusienne sont la présence de polypes nasaux extensifs, d’un asthme ou d’une mucoviscidose associés, ou encore d’une intolérance à l’aspirine, cette étude apporte donc une preuve en faveur du rôle éventuel de l’exposition professionnelle.

Une limitation de cette étude pourrait provenir du fait que l’exposition professionnelle était attestée par le biais d’un auto-questionnaire qui pourrait surévaluer son rôle dans la survenue des symptômes. Mais l’augmentation de la prévalence des expositions avec le nombre des procédures chirurgicales est en faveur d’une relation causale entre exposition et récidive de la RSC. Pourquoi cette prévalence est-elle reliée surtout dans cette étude à l’exposition à des agents de faible poids moléculaire reste une question ouverte.

Les expositions professionnelles devraient donc être prises en compte dans l’évaluation et la prise en charge d‘une RSC, et des études cliniques prospectives ainsi que des études en recherche fondamentale sont à réaliser pour explorer les mécanismes physiopathologiques des maladies des voies aériennes supérieures liées aux expositions professionnelles.

Abonnez-vous!

Recevez les actualités chaque mois