Quand le pragmatisme anglo-saxon s’invite dans le cabinet de consultation…

vendredi 16 mars 2012 par Dr Céline Palussière241 visites

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Quand le pragmatisme anglo-saxon s’invite dans le cabinet de consultation…

Quand le pragmatisme anglo-saxon s’invite dans le cabinet de consultation…

vendredi 16 mars 2012, par Dr Céline Palussière

Rapport coût-efficacité de l’utilisation d’une formule hautement hydrolysée par rapport à une formule à base d’acides-aminés comme traitement de première intention de l’allergie au lait de vache au Royaume-Uni. : Taylor, R. R., Sladkevicius, E., Panca, M., Lack, G. and Guest, J. F. (2012),

Cost-effectiveness of using an extensively hydrolysed formula compared to an amino acid formula as first-line treatment for cow milk allergy in the UK.

dans Pediatric Allergy and Immunology. doi : 10.1111/j.1399-3038.2011.01262.x

 Objectif :

  • Le but était d’estimer le rapport coût-efficacité de l’utilisation d’une formule lactée hautement hydrolysée (FHH, Nutramigen), par rapport à une formule à base d’acide d’aminés (FAA, Neocate), comme traitement de première intention pour l’allergie au lait de vache (APLV) au Royaume-Uni, du point de vue du National Health Service (NHS).

 Méthode :

  • Un modèle de décision a été établi, décrivant les voies de traitements et l’usage de ressources associées, attribuables à la prise en charge de première intention de l’APLV avec les deux formules.
  • Le modèle était basé sur les dossiers de cas de 145 nourrissons traités par FAA et 150 traités par FHH, issus de la base de données de The Health Improvement Network (THIN) [une base de données nationale représentative des patients inscrits auprès de médecins généralistes au Royaume Uni].
  • Le modèle a évalué les coûts et les conséquences de la gestion des patients, plus de 12 mois après leur première visite chez le généraliste pour APLV.

 Résultats :

  • Les patients présentant une association de symptômes gastro-intestinaux et d’eczéma représentaient 44% des patients des deux groupes.
  • Ceux qui présentaient uniquement des symptômes gastro-intestinaux ou des symptômes d’eczéma représentaient plus de 39% et 13%, respectivement.
  • Ceux qui présentaient de l’urticaire ou des troubles de la croissance représentaient moins de 5% et 6% de tous les patients, respectivement.
  • L’âge et le poids des patients à l’inclusion étaient de 2.6-2.8 mois en moyenne et 4.4kg.
  • Le délai entre la consultation initiale chez le généraliste et l’instauration d’une formule lactée était de 2.2 mois.
  • Le délai de résolution des symptômes après de début du traitement était en moyenne de 1.2 mois dans les deux groupes, et le nombre de mois sans aucun symptôme au cours des 12 mois suivant la visite initiale chez le généraliste était estimée à 8.6 mois dans les deux groupes.
  • Les patients traités avec une FHH avaient un moyenne de 13.1 visites chez un omnipraticien au cours des 12 mois, comparativement à 17.5 visites effectuées par les patients traités par FAA (p<0.001).
  • Le coût NHS de la gestion d’un enfant allergique au lait de vache au cours des 12 premiers mois suivant la visite initiale à un médecin généraliste a été estimé à 1853£ et 3161£ pour les enfants traités par FHH et FAA, respectivement.

 Conclusion :

  • Initier un traitement de l’APLV par une FHH est l’option la plus rentable en termes de coût-efficacité, car il n’y avait pas de différence significative dans les résultats cliniques entre les deux groupes.
  • Une étude prospective randomisée contrôlée permettrait une confirmation définitive de ces conclusions.

Le coût des traitements entre de plus en plus dans les critères d’évaluation, et le rapport coût-efficacité côtoie le rapport bénéfice-risque de la prise en charge des patients.

A l’heure où l’économie de la santé se doit d’être rigoureuse, ce pragmatisme à l’anglo-saxonne est certainement nécessaire.

Il n’empêche qu’éditer des recommandations pour la prise en charge de nourrissons sur des bases économiques peut encore heurter…

Cette étude anglaise se base sur un registre de données médicales représentatives des patients enregistrés chez les médecins généralistes.

Près de 300 dossiers de nourrissons (âgés de 2 mois environ) ont été étudiés, et répartis en deux groupes, selon qu’ils ont reçu une formule lactée hautement hydrolysée ou une formule à base d’acides-aminés.

Les données recueillies sont précieuses, et mettent en évidence la prédominance des formes d’allergies dites retardées, avec plus de 40% des nourrissons qui présentaient de l’eczéma associé à des troubles digestifs.

L’APLV ne se manifestait par de l’urticaire que chez 5% des nourrissons.

Dans les deux groupes, l’amélioration des symptômes initiaux était observée à 1.2 mois après l’instauration de la formule lactée.

Le groupe d’enfants traités par hydrolysat consultait moins souvent le généraliste dans les 12 mois suivant que le groupe d’enfant traités par AA (13 visites contre 17).

Au niveau financier, le coût total des nourrissons traités par hydrolysat atteignait 2100€ contre 3700€ des nourrissons traités par AA.

Donc : pour une même efficacité de traitement, les formules hydrolysées reviennent moins cher.

La conclusion semble s’imposer d’elle-même, tant les chiffres ont la capacité d’occulter les nuances et la variabilité des cas.

Certes les recommandations actuelles prônent la prescription en première intention de formules hydrolysées. Tout simplement parce qu’elles suffisent dans la majorité des cas. Mais aussi parce qu’elles sont mieux acceptées par le nourrisson, parce qu’elles maintiennent un contact un peu plus proche avec les protéines de lait de vache, favorisant ainsi probablement l’acquisition de la tolérance…

Dans ce cas, ouf, les conclusions économiques coïncident avec nos données physiopathologiques et cliniques. Mais s’il en avait été autrement ? Aurait –on demandé aux médecins de modifier leurs prescriptions ?

L’économie de la santé est d’un enjeu des plus complexes. Mais à l’heure où les chiffres (et l’argent) dictent la conduite du monde, le sens clinique et médical doit garder son mot à dire !

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