Le tabagisme n’a pas d’influence sur l’évolution de l’asthme : une histoire fumeuse !

mardi 3 avril 2012 par Dr Philippe Carré456 visites

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Le tabagisme n’a pas d’influence sur l’évolution de l’asthme : une histoire fumeuse !

Le tabagisme n’a pas d’influence sur l’évolution de l’asthme : une histoire fumeuse !

mardi 3 avril 2012, par Dr Philippe Carré

L’impact de la fumée de cigarette sur l’asthme : une étude basée sur une cohorte de population internationale. : Isa Cerveria, Lucia Cazzolettib, Angelo G. Corsicoa, Alessandro Marconb, Rosanna Ninianoa, Amelia Grossoa, Vanessa Ronzonia, Simone Accordinib, Christer Jansonc, Isabelle Pind, e, Valerie Sirouxd, f, Roberto de Marcob

aDivision of Respiratory Diseases, IRCCS San Matteo Hospital Foundation, University of Pavia, Pavia,
bUnit of Epidemiology and Medical Statistics, Department of Public Health and Community Medicine, University of Verona, Verona, Italy ;
cDepartment of Medical Sciences, Respiratory Medicine and Allergology, University of Uppsala, Uppsala, Sweden ;
dUnit 823, National Institute of Health and Medical Research (INSERM),
eGrenoble Teaching Hospital, and
fUniversité Joseph Fourier-Grenoble 1, Grenoble, France

dans Int Arch Allergy Immunol 2012 ;158:175-183 (DOI : 10.1159/000330900)

 Contexte :

  • Les taux de prévalence du tabagisme chez les patients asthmatiques ont souvent été rapportés comme étant semblables à ceux de la population générale ; cependant les données disponibles ne sont pas récentes
  • Il existe des données limitées et quelque peu conflictuelles sur les effets à long terme du tabagisme sur la santé dans des cohortes de populations de sujets asthmatiques
  • Le but de cette étude était d’investiguer les changements des habitudes tabagiques et leurs effets sur le VEMS chez des sujets asthmatiques comparativement au reste de la population, en s’appuyant particulièrement sur l’effet chez le fumeur sain.

 Méthodes :

  • Les auteurs ont évalué 9092 sujets non asthmatiques et 1045 sujets asthmatiques à l’état basal qui ont participé aux 2 études ECHRS I (sujets âgés de 20 à 44 ans entre 1991 et 1993) et II (1999-2002).

 Résultats :

  • Pendant le suivi, le tabagisme était significativement moins fréquent parmi les sujets asthmatiques que dans le reste de la population (26 vs 31%, p<0.001)
  • Les sujets asthmatiques qui étaient des ex-fumeurs au début du suivi dans les années 1990 avaient le score moyen d’asthme le plus élevé (nombre de symptômes d’asthme rapportés, de 0à 5), en rapport probablement avec l’effet fumeur sain (2.80 vs 2.44 chez ceux n’ayant jamais fumé, 2.19 chez ceux ayant arrêté et 2.24 chez les fumeurs ; p<0.001)
  • L’influence du tabagisme sur le déclin du VEMS ne dépendait pas du statut asthmatique
  • Les fumeurs avaient la proportion la plus élevée de sujets avec une toux ou une expectoration chronique.

 Conclusions :

  • Un sujet asthmatique sur quatre continue à fumer et rapporte significativement plus de toux chronique et d’expectoration que les sujets non-fumeurs ou ex-fumeurs
  • Ceci prouve l’importance de l’arrêt du tabagisme chez tous les patients asthmatiques, même chez ceux avec l’asthme le moins sévère.

Plusieurs publications ont rapporté que le tabagisme est de façon surprenante fréquent chez les asthmatiques, avec une prévalence relativement proche de celle de la population générale.

Cependant, le tabagisme a diminué dans les 20 dernières années dans les pays développés, et peu de données récentes sont disponibles sur l’évolution de cette prévalence chez les asthmatiques, et en particulier sur les effets à long terme sur les symptômes et la fonction respiratoire.

Dans l’étude de cohorte la plus récente sur l’asthme (ECRHS), avec un suivi de 9 ans, il avait été noté l’absence d’association entre le tabagisme et le déclin de la fonction respiratoire, qui avait fait spéculer sur un effet fumeur sain, à savoir que seuls les sujets asthmatiques avec le moins de symptômes et/ou une fonction respiratoire préservée fumaient ou continuaient à fumer, alors que les sujets avec les symptômes les plus sévères diminuaient leur tabagisme. Cet effet pourrait expliquer aussi le manque d’association entre tabagisme et risque de développer de l’asthme, rapporté dans certaines publications.

Les auteurs ont donc ré-analysé les données du suivi à 9 ans de l’étude ECRHS pour évaluer les modifications des habitudes tabagiques et leur effet sur le déclin de la fonction respiratoire chez les asthmatiques, comparativement au reste de la population.

Les principales données de cette étude montrent que :

  • le tabagisme est significativement moins fréquent chez les asthmatiques, mais qu’un sujet sur 4 continue à fumer
  • les asthmatiques avec le score de symptômes le plus élevé, et chez les hommes ceux avec la fonction respiratoire la plus basse, étaient des ex-fumeurs au début de l’enquête, et que le pourcentage de sujets avec une HRB parmi les asthmatiques fumeurs était plus faible que dans les autres groupes au début de l’étude, résultat probable d’un effet fumeur sain
  • l’influence du tabac sur le déclin du VEMS est identique qu’il y ait ou pas de l’asthme
  • les fumeurs asthmatiques actifs ont plus de symptômes de toux chronique et d’expectorations que les non-fumeurs ou les ex-fumeurs.

Même s’il est encourageant qu’une grande proportion de sujets asthmatiques ayant des symptômes d’asthme aient déjà arrêté de fumer, un quart continuent leur tabagisme et rapportent des symptômes respiratoires chroniques évocateurs de bronchite chronique ; l’effet fumeur sain pourrait expliquer l’absence d’interaction entre l’asthme et le tabagisme en ce qui concerne le déclin de la fonction respiratoire.

Des efforts devraient se poursuivre pour encourager l’arrêt du tabac chez les asthmatiques fumeurs et pour développer des stratégies de prévention du tabagisme chez les jeunes patients.

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