La DA a aussi ses phénotypes !

jeudi 12 février 2015 par Dr Alain Thillay544 visites

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La DA a aussi ses phénotypes !

La DA a aussi ses phénotypes !

jeudi 12 février 2015, par Dr Alain Thillay

Histoire naturelle de la sensibilisation allergique chez des nourrissons atteints de dermatite atopique d’apparition précoce : résultats de l’étude ORCA. : Just J, Deslandes-Boutmy E, Amat F, Desseaux K, Nemni A, Bourrat E, Sahraoui F, Pansé I, Bagot M, Fouéré S. Natural history of allergic sensitization in infants with early-onset atopic dermatitis : results from ORCA Study.

dans Pediatr Allergy Immunol 2015 : 25 : 668–673.

 Contexte :

  • La dermatite atopique (DA) d’apparition précoce constitue un phénotype particulier qui est susceptible de commander un risque de développement de multiples sensibilisations aux allergènes, mais peu est connu sur la voie de la sensibilisation.

 Objectifs :

  • Les objectifs de cette étude étaient de décrire l’histoire naturelle de la sensibilisation aux allergènes de ce phénotype et d’identifier le marqueur le plus prédictif associé au risque de sensibilisation aux aéroallergènes dans une cohorte sélectionnée de nourrissons atteints de DA.

 Méthodes :

  • Des nourrissons atteints d’une dermatite atopique active ont été enrôlés et explorés de façon prospective pour ce qui concerne les marqueurs biologiques de l’atopie chaque année jusqu’à l’âge de 6 ans.
  • La sensibilisation allergique a été définie comme la présence d’IgE spécifiques aux allergènes et la sensibilisation multiple si le sujet était sensibilisé à ≥2 allergènes.
  • L’hyperéosinophilie a été définie par la présence d’éosinophiles ≥470 / mm3 et l’élévation des IgE totales sériques par un niveau ≥45 kU / l.

 Résultats :

  • Deux cent vingt-neuf enfants ont été inclus.
  • L’augmentation de l’éosinophilie sanguine a été observée à l’état basal chez 60 enfants (26,2%) et celle des IgE totales sériques chez 85 enfants (37,1%).
  • Lorsque élevés à l’état basal, les taux d’IgE et d’éosinophiles restaient significativement plus élevés pendant la période de suivi.
  • La sensibilisation aux trophallergènes diminuait de 58% à 34%, tandis que la sensibilisation aux aéroallergènes augmentait avec le temps de 17% à 67%.
  • Les sensibilisations multiples initiales aux trophallergènes constituaient le facteur le plus prédictif pour le risque de développer la sensibilisation aux aéroallergènes à 6 ans (OR 3,72 [1,68 à 8,30] p <0,001).

 Conclusions :

  • Dans le cadre du phénotype de DA précoce, la sensibilisation multiple aux trophallergènes transmet un risque plus élevé de sensibilisation aux aéroallergènes qu’une seule sensibilisation.

La dermatite atopique débute souvent dans le plus jeune âge, elle affecte 10 à 30% des enfants selon les différentes études. La dermatite atopique d’apparition précoce ainsi que son niveau de sévérité sont associés à un risque accru d’allergie alimentaire qui, elle-même, représente un marqueur de la survenue d’allergie aux aéroallergènes au cours de la vie avec le risque d’asthme et de rhinite.
Le phénotype de la DA sévère d’apparition précoce est plutôt rare ce qui rend difficile l’étude de ce phénotype.

De fait, Jocelyne JUST et son équipe (Hôpital Trousseau) se sont évertuées à mieux caractériser ce phénotype de DA en ayant recours aux résultats de l’étude longitudinale, prospective ORCA (Observatory of Respiratory risks linked with Cutaneous Atopy).

Ainsi la présente étude avait un double objectif, d’une part, de décrire l’histoire naturelle de la sensibilisation dans cette cohorte, et, d’autre part, d’identifier le meilleur marqueur associé au risque de développement d’une sensibilisation aux aéroallergènes.

Dans le chapitre discussion de cet article, les auteurs abordent le fait que l’élévation persistante des éosinophiles sanguins et des IgE totales sériques caractérisait bien ce phénotype particulier de DA et permet de le différencier de la forme DA sévère précoce intrinsèque qui cliniquement est comparable.

D’ailleurs, dans la forme de DA sévère précoce dite extrinsèque, une étude a montré une augmentation de l’expression des cytokines Th2 au sein des lésions eczémateuses.

En outre, une étude de Suàrez-Farinas et al montre une corrélation significative entre le taux des IgE totales et le SCORAD uniquement chez les patients souffrant de DA extrinsèque.

Un autre aspect de la discussion est de savoir comment les enfants atteints de DA sévère précoce présentant une allergie à un ou plusieurs trophallergènes deviennent ensuite allergiques aux aéroallergènes.

L’explication crédible avancée par cette équipe de chercheurs français est de mettre en avant le contexte Th2 retrouvé dans le cadre de la dermatite atopique extrinsèque qui favorise les réactions IgE dépendantes à l’encontre des allergènes environnementaux.

Cette hypothèse se trouve corroborée par l’étude de cohorte DARC qui montre clairement que si l’IgE réactivité vis-à-vis des trophallergènes est prédominant dans la petite enfance, celle à l’encontre des aéroallergènes devient prédominante à l’âge de 6 ans.

Pour ce qui de la DA précoce, une étude de Nemoto-Hasebe et al. montre l’IgE réactivité survient souvent quelques semaines ou moins après l’apparition des lésions cutanées eczémateuses suggérant que la sensibilisation initiale s’effectue au niveau de cette peau endommagée.
C’est ce que cette étude suggère aussi fortement.

Autre aspect, l’étude semble bien montrer que l’apparition ultérieure d’IgE réactivités à l’encontre des aéroallergènes et encore plus fréquentes chez les enfants présentant au moins deux sensibilisations aux trophallergènes.

Ce travail est passionnant et apporte beaucoup au clinicien pour catégoriser au mieux les différents phénotypes de DA ce qui permettra une prise en charge thérapeutique adaptée et une surveillance vigilante au long cours.

La dermatite atopique sévère précoce est à considérer comme une potentialité d’IgE réactivités durant toute la carrière atopique de l’enfant ; elle implique une prise en charge précoce qui ne se contentera pas de la prescription de dermocorticoïdes mais ira plus loin avec une exploration allergologique exhaustive.

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