Calendrier des allergies : mieux que l’horoscope !

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Calendrier des allergies : mieux que l’horoscope !

Calendrier des allergies : mieux que l’horoscope !

vendredi 4 juillet 2025, par Dr Philippe Auriol

Problématique

On suspecte depuis longtemps que la saison de naissance influence le risque de maladies atopiques chez l’enfant. En effet, le moment de la venue au monde détermine l’environnement immédiat du nouveau-né, notamment en ce qui concerne la température, l’humidité, les infections en circulation ou encore l’exposition au microbiote environnant. Pourtant, les études disponibles sont souvent contradictoires, peu puissantes et rarement conçues pour tenir compte des effets modulateurs des conditions météorologiques réelles. L’étude finlandaise de Luukkonen et coll. s’attaque à ces limites méthodologiques en analysant les données de plus de 500 000 enfants suivis jusqu’à 15 ans, tout en tenant compte de la température moyenne extérieure durant les premiers mois de leur vie.

Méthode

  • Étude observationnelle à partir des registres nationaux finlandais, croisant les données de naissance, de remboursements de médicaments et de météorologie.
  • Population : 554 322 enfants nés en Finlande entre 1995 et 2004, suivis de la naissance à l’âge de 15 ans.
  • Critère de jugement principal : achat remboursé d’au moins un médicament contre une maladie atopique (antihistaminiques, dermocorticoïdes, antiasthmatiques, adrénaline).
  • Données climatiques : température moyenne mensuelle des 3 mois suivant la naissance, en lien avec la commune de naissance (donnée spatialisée à partir de 78 stations météo).
  • Ajustements multiples : niveau socio-économique, zone géographique, urbanisation, antécédents familiaux, variables périnatales (poids, terme, césarienne) et modèle à effets fixes intra-fratrie pour contrôler les facteurs non mesurés partagés.
  • Analyses de sensibilité : effet du sexe, mesure alternative de chronicité (3 ans de prescription), test de robustesse en fonction de la période de calcul des températures (1, 2 ou 3 mois).

Résultats

  • Parmi les enfants, 55 % ont bénéficié d’une ordonnance remboursée pour une maladie atopique.
  • Les enfants nés entre mars et juillet présentent un risque accru de développer une maladie atopique par rapport à ceux nés en automne ou en hiver.
  • La prescription d’antihistaminiques atteint son sommet chez les enfants nés entre janvier et mars.
  • L’asthme est plus répandu chez les enfants nés entre novembre et février.
  • Les corticostéroïdes topiques pour le traitement de l’eczéma sont plus souvent prescrits pour les naissances ayant lieu entre août et janvier.
  • L’utilisation d’adrénaline (faible en fréquence : 2,7 % au total) est plus fréquente lors des accouchements en hiver.
  • Les nouveau-nés qui ont été exposés à un climat froid pendant les trois premiers mois après leur venue au monde présentent un risque accru de maladies allergiques.
    • Cette augmentation du risque peut atteindre 9 % chez les bébés nés en octobre et exposés au climat le plus rigoureux par rapport à ceux ayant connu un temps plus clément.
    • Cet impact semble être le plus prononcé sur les antihistaminiques, l’eczéma et l’asthme.
    • Peu ou pas d’effet observé pour les prescriptions d’adrénaline.
  • Dans les fratries, les résultats sont similaires, ce qui suggère un rôle environnemental spécifique et non familial ou génétique.

Discussion

  • Cette étude montre une influence significative des conditions climatiques postnatales immédiates, bien au-delà de la simple saison de naissance.
  • Plusieurs mécanismes sous-jacents sont proposés :
    • La barrière épithéliale du nouveau-né est encore immature, et l’air froid et sec altère sa fonction, facilitant ainsi l’allergisation.
    • Les infections respiratoires sont plus fréquentes en hiver, ce qui favorise le développement de l’asthme.
  • Un taux d’humidité interne faible (lié à des températures externes basses) peut entraîner une déshydratation cutanée et une irritation de la peau.
  • À l’inverse, un climat chaud au printemps/été pourrait augmenter l’exposition aux pollens, ce qui favoriserait certains cas d’allergies.
  • En outre, la diversité du microbiote environnemental est réduite en hiver, en particulier dans les espaces clos, ce qui peut affecter le développement du système immunitaire.

Cette étude surpasse les études antérieures par son ampleur, sa rigueur méthodologique, ses ajustements et son recours à des analyses intrafamiliales. Toutefois, elle présente certaines limites, telles que l’absence de données sur les médicaments non remboursés et les expositions prénatales (comme l’alimentation de la mère), et la difficulté de généraliser les résultats à des climats plus tempérés.

Conclusion

L’étude de Luukkonen et coll. met en évidence les relations complexes entre la date de naissance, les conditions climatiques postnatales et le développement des maladies atopiques. Elle offre une démonstration impressionnante de l’impact environnemental précoce sur la santé à long terme. Cette recherche confirme ainsi l’hypothèse selon laquelle la période périnatale constitue une « fenêtre critique » pour prévenir les réactions allergiques. Il sera dorénavant nécessaire de déterminer les mécanismes exacts (barrières, microbiote, polluants, infections) pour pouvoir proposer des interventions préventives ciblées.


La saison de naissance influence-t-elle vraiment le devenir allergique d’un enfant ? Cette vaste étude finlandaise en apporte une démonstration convaincante… mais nuancée. Ce n’est pas tant le mois de naissance que l’environnement thermique des premiers mois qui paraît déterminant. Froid, sécheresse, infections, faible biodiversité microbienne sont autant de facteurs de risque. Ce travail met en évidence la richesse des données de santé publique, utilisées avec rigueur, qui montrent comment notre environnement, tant interne qu’externe, peut influencer significativement notre état de santé. Pour l’allergologue, cela invite à mieux documenter les conditions de naissance de ses jeunes patients… et pourquoi pas, demain, à réfléchir à des mesures préventives ciblées pour les nouveau-nés d’hiver ?

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