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Télomère : la taille compte
lundi 7 juillet 2025, par
Problématique
La dermatite atopique (DA) est une affection inflammatoire cutanée fréquente qui peut commencer dès la petite enfance. Ses mécanismes physiopathologiques impliquent des altérations de la barrière cutanée, une inflammation de type 2 et un terrain génétique. Parmi les biomarqueurs récemment étudiés pour leur lien avec les maladies chroniques inflammatoires, les télomères — des structures terminales de l’ADN chromosomique — retiennent l’attention. Ces séquences répétées raccourcissent avec l’âge cellulaire et l’inflammation chronique. Jouent-elles un rôle dans la DA ? Une étude menée à Taïwan par Huang et coll. sur plus de mille enfants tente de répondre.
Méthode
- Étude transversale, populationnelle, utilisant un design de type « cas-témoins nichée dans la cohorte LIGHTS (Longitudinal Investigation of Global Health in Taiwanese Schoolchildren).
- Population : 1084 enfants nés à terme, d’un âge moyen de 6,4 ans, qui ont été suivis à l’hôpital universitaire.
- Mesure des télomères : extraction de l’ADN génomique à partir du sang périphérique, quantification par PCR en temps réel (méthode qPCR T/S) selon les normes de Cawthon (2002, 2009). Coefficient de variation <3 %, ICC=0,93.
- Définition des cas : diagnostic de DA posé par un médecin et présence de symptômes au cours des 12 derniers mois (questionnaire ISAAC modifié).
- Analyse statistique : régression logistique multivariée prenant en compte de nombreux facteurs (âge, sexe, IMC, tabagisme passif, antécédents familiaux, allaitement, etc.), avec stratification par sexe, allaitement et niveau d’éducation parental.
Pour en savoir plus sur la qPCR et l’analyse des télomères, consultez cette page : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_en_cha%C3%AEne_par_polym%C3%A9rase_en_temps_r%C3%A9el
Résultats
- Prévalence de la DA dans l’échantillon : 14,6 % (158/1084).
- Les enfants avec DA avaient des télomères significativement plus courts (médiane T/S = 1,78 vs 1,90 ; p = 0,01).
- L’analyse par quartiles de longueur des télomères montre :
- Un risque accru de DA de 1,88 dans le quartile des télomères les plus courts comparativement au plus long (IC95% : 1,13–3,14 ; p pour la tendance = 0,01).
- Effet plus marqué :
- Chez les garçons (AOR 2,63 dans le 4e quartile).
- Chez les enfants non allaités (AOR 2,57 dans le 4e quartile).
- Chez les enfants dont les parents ont un faible niveau d’éducation (AOR 17,66, avec large IC95 %).
Discussion
- Cette étude met en évidence un lien entre une inflammation chronique, telle que celle associée à la DA, et un vieillissement cellulaire prématuré, évalué par la longueur des télomères.
- Cette étude s’ajoute aux travaux antérieurs sur l’adulte qui montrent un raccourcissement télomérique dans les maladies inflammatoires, comme la DA ou le psoriasis.
- L’étude évoque indirectement le rôle protecteur de l’allaitement : aucun lien n’a été trouvé entre la longueur des télomères et la DA chez les enfants allaités.
- Le sexe et le niveau socio-éducatif semblent influencer cet effet, mais aucune interaction statistiquement significative n’a été observée.
Conclusion
Cette étude met en évidence un aspect méconnu de la physiopathologie de l’eczéma atopique. Elle révèle un possible lien entre une inflammation persistante et un raccourcissement des télomères, ce qui suggère un vieillissement prématuré chez les enfants atteints. Bien que la mesure des télomères ne soit pas encore applicable en pratique clinique, cette découverte constitue une piste prometteuse pour identifier des biomarqueurs précoces de maladies chroniques pédiatriques.
L’intérêt de cette étude pour l’allergologue est double : elle interroge d’abord le concept de terrain atopique comme état inflammatoire chronique systémique, puis elle cherche des biomarqueurs intégratifs (ici, le vieillissement cellulaire). Cette étude présente des données épidémiologiques connues sur la dermatite atopique (antécédents familiaux, allaitement, niveau socio-éducatif), auxquelles s’ajoutent les résultats obtenus grâce à l’approche moléculaire. Ces informations incitent à voir la dermatite atopique comme une maladie qui ne touche pas seulement la peau, mais aussi le système immunitaire et cellulaire. Elle est influencée par des facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux, dès la naissance. Des pistes thérapeutiques basées sur la modulation du stress oxydatif ou la protection des télomères (via l’allaitement, l’alimentation, ou des antioxydants ?) pourraient un jour être envisagées. Il y a quelques semaines, une autre étude que nous avions publié faisait le lien entre inflammation et vieillissement prématuré.
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