Je SEIPA quand réintroduire…

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Je SEIPA quand réintroduire…

Je SEIPA quand réintroduire…

lundi 28 juillet 2025, par Dr Philippe Auriol

Identification de biomarqueurs digestifs dans le SEIPA : un nouvel espoir pour mieux chronométrer les tests de réintroduction ?

Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) représente toujours un défi diagnostique et thérapeutique majeur en allergologie pédiatrique. En effet, non médiée par les IgE, cette allergie se caractérise par des vomissements violents, parfois de la léthargie, de la diarrhée et, dans certains cas, un choc hypovolémique. Son évolution est imprévisible, ce qui rend nécessaire la réalisation régulière de tests de provocation orale (TPO) pour évaluer l’acquisition d’une tolérance. Or, jusqu’à présent, aucun biomarqueur non invasif n’a pu être utilisé pour guider la décision de réaliser des TPO. Cependant, une étude française récemment publiée dans Allergy  par Lemoine et coll. apporte une avancée méthodologique majeure dans ce domaine.

Méthode

–* Étude prospective multicentrique française (2019–2023) incluant 38 enfants atteints de SEIPA, comparés à 38 témoins appariés (âge, mode d’accouchement, type d’allaitement).

  • Les enfants sous régime d’éviction stricte ont été suivis longitudinalement jusqu’à l’acquisition de la tolérance chez 22 d’entre eux.
    –* Collecte d’échantillons fécaux : à l’inclusion, avant/après TPO, puis après acquisition de la tolérance.
  • 4 biomarqueurs fécaux ont été mesurés par immunoanalyse :
    • Calprotectine (inflammation neutrophilique) : Définition
    • EDN (neurotoxine dérivée des éosinophiles) : Définition
    • sIgA (IgA sécrétoires) : Définition
    • Zonuline (perméabilité intestinale) : Définition
  • Analyse statistique en appariement par paires (tests de Wilcoxon, ROC, etc.).

Résultats

  • À l’inclusion :
    • Calprotectine et EDN comparables entre patients et témoins → pas d’inflammation chronique détectable sous régime d’éviction.
    • Zonuline similaire dans les deux groupes, indiquant l’absence de perturbation de la perméabilité digestive.
    • sIgA plus élevées chez les patients SEIPA vs témoins (normalisation sur matière sèche, p = 0,02).
  • Après TPO :
    • Calprotectine et EDN augmentent significativement dans les 5 jours après une réaction allergique (×6 en médiane), puis reviennent à la normale au-delà de 6 jours.
    • Ni la calprotectine ni l’EDN ne sont corrélées à la sévérité de la réaction.
    • Zonuline et sIgA ne varient pas après TPO.
  • Après avoir acquis la tolérance :
    • Tous les biomarqueurs redeviennent similaires à ceux des témoins.
    • sIgA significativement diminuées par rapport à l’état allergique initial.
    • Un seuil de sIgA < 2637 μg/g permet d’écarter l’allergie avec une valeur prédictive négative de 75 %.

Discussion

  • Contre toute attente, les auteurs n’ont pas détecté de signe de “low-grade inflammation” chez les patients SEIPA sous régime, contredisant des études japonaises antérieures (Wada et al.).
  • La hausse de la calprotectine et de l’EDN après l’TPO suggère une activation transitoire de l’immunité innée intestinale sans inflammation systémique.
  • L’élévation chronique des sIgA pourrait refléter un état d’alerte immunitaire muqueux, une tentative de neutralisation des antigènes ou une dysbiose.
    –* L’absence de modification de la zonuline remet en question son utilité comme indicateur de perméabilité intestinale dans le SEIPA (incertitude quant à la spécificité des ELISA).
    –* L’étude ne permet pas d’identifier un prédicteur de la durée du SEIPA.
    –* De futures études devront inclure la mesure de l’IgA spécifique, du microbiote et d’autres indicateurs de perméabilité intestinale (lactulose/mannitol, I-FABP).

Conclusion

L’étude de Lemoine et coll. constitue une avancée majeure : le SEIPA n’est pas lié à une inflammation intestinale chronique sous régime d’éviction, ce qui confirme l’efficacité de cette approche de prise en charge.

  • La hausse des sIgA pourrait servir d’indicateur prédictif précieux pour planifier les TPO, en particulier pour prévenir les échecs.
  • Cependant, ces résultats doivent être vérifiés par des groupes de contrôle indépendants, en utilisant des tests plus spécifiques d’IgA et des mesures supplémentaires de perméabilité intestinale.

Cet article met en évidence l’intérêt croissant pour les biomarqueurs non invasifs dans le diagnostic des formes non IgE d’allergie alimentaire, où la médecine demeure souvent la seule boussole. Pour les allergologues libéraux, cette étude souligne l’importance d’un régime d’élimination bien mené. Elle soulève également la question du moment opportun pour tenter la réintroduction des aliments. La mesure des IgA fécales n’est pas encore disponible en routine, mais cette piste ouvre un champ prometteur : à l’avenir, un simple prélèvement de selles pourrait orienter la décision thérapeutique. On observe ici une logique similaire à celle étudiée en immunologie moléculaire, qui consiste à approfondir la compréhension de l’état immunitaire sous-jacent pour adapter la stratégie de réintroduction. Il ne s’agit pas encore d’une révolution, mais bien d’un pas supplémentaire vers une médecine allergologique de précision. Un sujet à suivre de près.

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