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Courir pour ne plus se gratter : effet de l’activité physique sur l’activité mastocytaire
lundi 25 août 2025, par
Le dermographisme symptomatique (DS), forme la plus fréquente d’urticaire chronique inductible (UCI), est caractérisé par l’apparition rapide de papules prurigineuses sur la peau après un frottement ou un grattage. Ce trouble, qui affecte jusqu’à 5 % de la population, entraine une diminution importante de la qualité de vie, particulièrement chez les jeunes adultes. Les antihistaminiques H1 de seconde génération et parfois l’omalizumab peuvent atténuer la gravité de la maladie. Cependant, peu d’études se sont penchées sur l’influence potentielle de facteurs modifiables tels que l’exercice physique sur l’évolution de la maladie.
L’étude prospective turque menée par Ragıp Ertaş et collaborateurs : Physical Exercise Improves Symptomatic Dermographism, se penche sur une question spécifique : le sport peut-il améliorer de manière durable le dermographisme symptomatique ? Réponse : oui, et les résultats sont surprenants.
Méthode
- 34 patients atteints de DS, suivis dans un centre UCARE en Turquie, ont été inclus prospectivement.
- Un test de provocation cutanée standardisé par FricTest (instrument à picots gradués, mesurant le seuil de friction critique ou CFT) a été réalisé avant et après un effort physique court (marche rapide ou montée d’escaliers pendant 10 minutes).
- Après ce test initial, tous les patients ont suivi un programme d’exercice modéré pendant un mois (au moins 30 minutes par jour, selon les recommandations de l’OMS).
- Le FricTest a de nouveau été pratiqué, avant et après un nouvel effort court.
- Les scores de contrôle (UCT) et d’activité (UAS) de l’urticaire ont été mesurés avant et après ce mois d’activité.
- Des sous-groupes ont été formés en fonction du nombre de pas quotidiens (< 4000, 4000-8000 et > 8000) et de la régularité de l’exercice.
Pour en savoir plus sur le FricTest :
Résultats
- Instantanément, l’exercice physique produit des résultats remarquables. Dès le premier test, 94 % des participants observent une baisse significative de leur réactivité cutanée, comme en témoigne la diminution du score FricTest, passant de 1,95 à 0,81 (p < 0,0001).
- Effet à long terme, une pratique régulière de l’exercice physique entraîne des améliorations durables. Après un mois d’activité physique régulière :
- le score FricTest de base diminue significativement (1,95 → 1,57),
- et après un nouvel effort, il chute encore (1,57 → 1,01).
- Impact sur la qualité de vie :
- Le score UCT augmente de 11,7 à 13 (p=0,043),
- Le score UAS diminue de 1,56 à 0,88, surtout chez les pratiquants réguliers.
- Lien avec l’intensité de l’activité :
- La baisse du FricTest est proportionnelle au nombre de pas quotidiens.
- L’impact est le plus important chez les patients qui respectent scrupuleusement leur routine d’exercice.
- Prévention des poussées induites : avant l’activité physique régulière, 12 patients étaient entièrement protégés après l’effort, 20 partiellement, 2 non répondeurs. Après un mois, tous présentaient au moins une réponse partielle (sauf 5 patients).
Discussion
- Les résultats immédiats montrent que l’exercice physique entraîne rapidement une baisse des réponses cutanées, ce qui indique qu’il possède un effet anti-inflammatoire instantané. La voie HPA (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) est suspectée via une élévation transitoire du cortisol et de l’ACTH, molécules connues pour inhiber la dégranulation des mastocytes.
- Les effets à long terme, moins marqués, mais plus stables, pourraient s’expliquer soit par une adaptation neuronale, soit par une régulation indirecte du seuil d’activation des cellules mastoïdes.
- L’étude confirme les résultats précédents sur les effets néfastes de l’alimentation chez les patients atteints de DS. Ici, à l’inverse, l’activité physique agit comme modulateur protecteur.
- En revanche, plusieurs limites :
- L’absence d’un groupe témoin inactif pour des raisons éthiques.
- Un petit échantillon de seulement 34 participants.
- FricTest a été lancé par le même enquêteur (un biais possible),
- Pas d’outil PROMs validé pour évaluer l’impact perçu par les patients.
Conclusion
L’exercice physique, que ce soit pour ses effets à court terme ou à long terme, diminue considérablement l’activité du dermographisme symptomatique. Il améliore le contrôle global de l’urticaire, surtout chez les patients atteints de DS associé à une urticaire spontanée chronique. L’intégration de l’activité physique comme outil thérapeutique, simple et non pharmacologique, devrait être encouragée en routine.
Il serait judicieux de mener des recherches futures sur les mécanismes physiopathologiques de cette régulation (axe HPA, cytokines, mastocytes), de concevoir des PROMs spécifiques au DS et d’évaluer cette stratégie dans une étude randomisée contrôlée.
On savait déjà que l’exercice physique était bénéfique pour le cœur. Maintenant, il semblerait qu’il puisse également apaiser les peaux sensibles. Cette étude rappelle que l’urticaire, même dite « inductible », n’est pas une fatalité. Le test FricTest, qui mesure objectivement la sensibilité cutanée et évalue l’impact d’un mode de vie plus actif, est mis en évidence.
À l’heure où les patients cherchent des solutions naturelles, peu médicamenteuses, cette étude leur ouvre une voie motivante. Elle permet aussi, en consultation, de justifier les recommandations d’activité physique auprès des patients souffrant d’urticaire chronique, au-delà de l’usage des antihistaminiques ou de l’omalizumab. Ce message simple, rassurant et efficace s’adresse aux jeunes adultes souffrant de dermographisme : « bougez pour moins gratter ! »
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