L’asthme moisi : il n’y a pas de fumigatus sans Aspergillus !

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L’asthme moisi : il n’y a pas de fumigatus sans Aspergillus !

L’asthme moisi : il n’y a pas de fumigatus sans Aspergillus !

lundi 22 septembre 2025, par Dr Philippe Auriol

L’asthme sévère et l’aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA) partagent de nombreux mécanismes immunologiques, notamment une réponse de type Th2 associée à une inflammation éosinophilique et une altération de la barrière épithéliale. Leur présentation clinique peut se chevaucher, rendant le diagnostic difficile. La situation se complique encore avec l’asthme sévère associé à une sensibilisation fongique (SAFS), qui impose un phénotypage précis pour adapter la prise en charge et prévenir les lésions pulmonaires irréversibles. Fungal-Driven Airways Dis-Immunity From Asthma to Allergic Bronchopulmonary Aspergillosis : Dissecting Similarities and Differences Marco Caminati and al.

Méthode

Revue de la littérature issue du groupe de travail de l’EAACI sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de l’ABPA :

  • Analyse des données épidémiologiques mondiales (prévalence, populations à risque)
  • Étude des mécanismes physiopathologiques communs et spécifiques (barrière épithéliale, rôle des alarmines IL-33, TSLP, cytokines Th2, protéases fongiques)
  • Comparaison des marqueurs cliniques, biologiques et radiologiques entre asthme sévère, SAFS et ABPA
  • Présentation des critères diagnostiques actuels (ISHAM et variantes) et de l’apport de l’allergologie moléculaire (Asp f 1, f 2, f 3, f 4, f 6)
  • Évaluation des options thérapeutiques standards (corticostéroïdes, azolés) et innovantes (biothérapies ciblant IgE, IL-5, IL-4/13, TSLP)
  • Focus pédiatrique : spécificités cliniques, adaptations des critères, enjeux thérapeutiques

Résultats

  • Épidémiologie
    • ABPA : prévalence 1–3 % chez les asthmatiques, jusqu’à 13 % en cas d’asthme sévère ; 5–15 % chez les patients avec mucoviscidose.
    • SAFS : prévalence plus élevée de sensibilisation fongique (>25 % dans l’asthme), mais critères distincts de l’ABPA.
  • Facteurs de risque
    • Sensibilisation à Aspergillus fumigatus
    • Asthme sévère corticodépendant
    • Anomalies structurales (bronchiectasies, BPCO)
    • Exposition environnementale forte aux spores
    • Prédispositions génétiques (CFTR, IL-4R, TLR)
  • Physiopathologie
    • Altération de la barrière épithéliale → pénétration des antigènes fongiques
    • Rôle clé des alarmines (IL-33, TSLP) et activation des ILC2
    • Protéases fongiques (Asp f 13) → destruction des jonctions serrées, stimulation du mucus MUC5AC
    • Réponse immunitaire mixte : hypersensibilité de type I (IgE) et type III (IgG)
  • Diagnostic
    • Clinique : asthme difficile, exacerbations récidivantes, mucus brunâtre, hémoptysies
    • Imagerie : bronchiectasies centrales, mucus haute atténuation (HAM)
    • Biologie : IgE totales >500 kUI/L, IgE spécifiques A. fumigatus >0,35 kUA/L, IgG spécifiques, éosinophiles >500/µL (souvent >1000/µL dans l’ABPA)
    • Allergologie moléculaire :
      • Asp f 1/f 2 = sensibilisation vraie à A. fumigatus
      • Asp f 4 = marqueur spécifique ABPA
      • Asp f 3 = sensibilisation croisée à d’autres champignons
  • Différenciation SAFS / ABPA
    • SAFS : IgE totales ≤500 kUI/L, pas d’IgG A. fumigatus, imagerie normale, asthme toujours sévère
    • ABPA : IgE totales >500 kUI/L, IgG positives, anomalies radiologiques
  • Thérapeutique
    • Standard : corticoïdes systémiques (prednisolone 0,5 mg/kg/j puis décroissance), itraconazole ± voriconazole
    • Biothérapies :
      • Omalizumab : ↓ exacerbations, épargne corticoïdes
      • Mepolizumab / Benralizumab : effet sur mucus, inflammation éosinophilique
      • Dupilumab : effet sur mucus et contrôle de l’asthme, y compris après échec d’autres biologiques
      • Tezepelumab : résultats prometteurs, action en amont sur TSLP
  • Enfants : même approche que chez l’adulte mais minimisation de l’exposition aux corticoïdes, surveillance stricte croissance/fonction pulmonaire

Discussion

  • Difficultés diagnostiques : chevauchement clinique entre asthme sévère, SAFS et ABPA ; nécessité d’un dépistage systématique de la sensibilisation fongique chez les asthmes sévères éosinophiliques.
  • Rôle de l’allergologie moléculaire : précision diagnostique accrue, détection précoce, distinction des profils de sensibilisation.
  • Intérêt thérapeutique des biothérapies : alternatives aux traitements classiques, meilleur ciblage physiopathologique, mais choix du traitement encore empirique faute de biomarqueurs prédictifs robustes.
  • Enjeux pédiatriques : éviter les séquelles respiratoires par un diagnostic précoce, adapter les seuils IgE et intégrer les biomarqueurs non invasifs (FeNO, PCR fongiques).

Conclusion

ABPA et SAFS représentent deux entités clés de la pathologie respiratoire allergique fongique, avec un retentissement majeur sur l’évolution de l’asthme. Leur reconnaissance précoce, grâce à l’intégration clinique, radiologique, biologique et moléculaire, permet d’initier des traitements ciblés et de prévenir les séquelles irréversibles. L’avenir réside dans un phénotypage précis et l’intégration raisonnée des biothérapies pour un contrôle optimal.


Derrière un asthme sévère qui résiste aux traitements se cache parfois un intrus inattendu : un champignon microscopique, Aspergillus fumigatus. Invisible à l’œil nu, il se glisse dans nos voies respiratoires, provoquant des réactions immunitaires complexes et parfois destructrices. Entre l’aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA) et l’asthme sévère avec sensibilisation fongique (SAFS), la frontière est mince, et le diagnostic, un véritable casse-tête.

Cette revue souligne à quel point la frontière entre asthme sévère et ABPA est ténue lorsque la sensibilisation à Aspergillus fumigatus est présente.

Pour l’allergologue, cela implique de systématiser le dépistage de cette sensibilisation chez tout patient asthmatique sévère, particulièrement en cas de cortico-dépendance ou de perte inexpliquée de contrôle. L’allergologie moléculaire, en identifiant les profils de sensibilisation (Asp f 1, f 2, f 4…), devient un outil central pour préciser le diagnostic et orienter la stratégie thérapeutique.

Les biothérapies anti-IgE, anti-IL5, anti-IL4/13 et anti-TSLP offrent des perspectives encourageantes, mais leur place exacte dans l’algorithme de traitement reste à affiner, notamment chez l’enfant où la balance bénéfice-risque est cruciale. Enfin, le lien avec les changements environnementaux et climatiques, qui favorisent l’exposition aux spores fongiques, devra être intégré dans la prévention et la surveillance à long terme.

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