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L’allergie aux crabes n’existe pas, mais l’allergie au crabe si ! Vous allez tomber en Anomoure avec cette étude
vendredi 3 octobre 2025, par
L’allergie aux crustacés est réputée « croiser »… mais en fait, pas toujours. Cette étude ouverte d’Allergy profile, chez six crabes de consommation courante, l’arsenal protéique reconnu par l’IgE et révèle un allergène potentiellement spécifique du crabe royal (king crab) : la malate déshydrogénase (MDH), désormais enregistrée Para c 11. Une piste majeure pour affiner le diagnostic moléculaire et, demain, la prise en charge personnalisée des patients qui réagissent à certains crabes mais pas à d’autres. Revealing the Diverse Allergenic Protein Repertoire of Six Widely Consumed Crab Species : A Species-Specific Allergen in King Crab by Shanshan Li and al.
Méthode
- Espèces étudiées : cinq « vrais » crabes (Brachyoures : Charybdis feriata, Portunus pelagicus, Scylla paramamosain, Chionoecetes opilio, Eriocheir sinensis) et le crabe royal (Paralithodes camtschaticus, Anomoures).
- Sérums de 29 sujets allergiques au crabe (contrôles négatifs n=3) pour les immunoblots, et 50 sujets pour l’ELISA de confirmation sur protéine recombinante.
- Identification des bandes IgE+ par spectrométrie de masse https://fr.wikipedia.org/wiki/Spect..., constitution de dendrogrammes de similarité et transcriptomique comparative (RNA‑seq) https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%... afin de comparer expression, séquences et épitopes.
- Confirmation fonctionnelle : test d’activation des basophiles (BAT) sur deux patients réactifs à Para c 11.
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- Définitions des techniques employées
- SDS‑PAGE / Western blot : séparation des protéines et détection IgE https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8... / https://fr.wikipedia.org/wiki/Weste....
- ELISA : dosage des IgE spécifiques sur plaque https://fr.wikipedia.org/wiki/Méth....
- Inhibition ELISA / immunoblot : mesure de l’anticroisement entre homologues.
- Dendrogramme : carte de similarité des profils protéiques.
Résultats
- Profil allergénique partagé et divergences : 11 protéines IgE‑réactives identifiées, incluant des allergènes connus (tropomyosine, arginine kinase, filamine C) et des candidats (paramyosine, chaîne lourde de myosine, glycogène phosphorylase, aldolase, PGM, HSP, hémocyanine, MDH). La tropomyosine et l’arginine kinase restent majeures et très conservées entre espèces.
- Crabe royal à part : les dendrogrammes séparent nettement P. camtschaticus des Brachyoures. La MDH n’est IgE‑réactive qu’en crabe royal (sensibilisation 41,4 % en immunoblot). L’ELISA sur la recombinante affiche 14 % de positivité, probablement liée à des différences de conformation entre natif et recombinant. Para c 11 est désormais enregistré à l’IUIS.
- Peu de réactivité croisée : les MDH « vrais crabes » inhibent à moins de 10 % la liaison IgE sur Para c 11 (inhibition ELISA et immunoblot), alors que Para c 11 s’auto‑inhibe à 93 %. BAT positif (CD63↑) avec Para c 11 chez deux patients.
- Transcriptomique : la tropomyosine domine l’expression dans tous les crabes ; les épitopes connus (TM, AK, FLNC, HC) sont largement conservés entre espèces (≥ 68 % de similarité), renforçant l’idée d’une large réactivité croisée… sauf des exceptions comme la MDH du crabe royal.
Discussion
- L’allergie au « crabe » n’est pas une allergie à tous les crabes ; une allergie « king crab » pourrait exister malgré une tolérance à certains « vrais » crabes.
- Diagnostic moléculaire : l’ajout de Para c 11 aux panels (aux côtés de TM/AK…) peut aider à stratifier les patients (profil pan‑crustacé vs profil « king crab »).
- Conseils alimentaires : éviter le bannissement global des crustacés quand une anamnèse ciblée et des tests cutanés ou moléculaires montrent une sélectivité de réaction.
- Biologie : l’éloignement phylogénétique des Anomoures (crabe royal) par rapport aux Brachyoures explique probablement ces différences d’épitope.
Conclusion
- Ouvertures : vers des diagnostics composants plus fins (Para c 11), des études d’éviction ciblée (tolérance au « vrai » crabe / réactivité au crabe royal), et à terme des immunothérapies mieux ciblées.
- Limites : pas de test de provocaion oral standardisé, on a utilisé des extraits de muscle non chauffés (pas de néoallergènes thermiques), petit effectif BAT, avec de possible biais de conformation (ELISA 14 % vs immunoblot 41,4 %).
Un patient « allergique au crabe » peut‑il savourer un tourteau tout en réagissant au king crab ? Cette étude dit peut‑être oui : en disséquant les protéines reconnues par l’IgE, elle suggère qu’il existe des allergies aux crabes… au pluriel, et met en lumière Para c 11, un marqueur utile pour sortir du « tout ou rien » dans nos conseils.
Cette publication conforte une intuition clinique fréquente : chez certains patients, l’histoire et les tests racontent une sélectivité d’espèce. La description de Para c 11 comme allergène spécifique du crabe royal fournit un outil de tri supplémentaire, aux côtés de la tropomyosine et de l’arginine kinase, très transversales.
En pratique : chez un adulte rapportant une réaction au king crab mais tolérant d’autres crabes, l’évaluation devrait intégrer l’exposition réelle par espèce, un profil IgE allergénique incluant Para c 11, un BAT ou des tests cellulaires quand la clinique et la biologie divergent, et si nécessaire un TPO sécurisé, pour éviter des évictions excessives. Alors oui, évidemment : c’est dans un monde idéal…
À l’échelle populationnelle, distinguer « vrais crabes » et Anomoures dans nos interrogatoires et nos conseils diététiques a du sens ; c’est aussi un message de santé publique pour la qualité de vie. Reste à valider ces données par épreuves orales contrôlées, à étudier l’effet de la cuisson sur Para c 11, et à documenter le pronostic (seuils réactifs, sévérité). E
En attendant, c’est une belle illustration de la médecine de précision en allergologie alimentaire, fidèle à l’esprit d’allergique.org : nuancer, expliquer, et accompagner.
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