L’angio-œdème héréditaire serait la maladie la plus gonflante

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L’angio-œdème héréditaire serait la maladie la plus gonflante

L’angio-œdème héréditaire serait la maladie la plus gonflante

lundi 6 octobre 2025, par Dr Philippe Auriol

L’angio-œdème héréditaire (AOH) est une maladie rare mais grave caractérisée par des crises imprévisibles d’œdème cutané ou muqueux. Les traitements actuels visent à améliorer la qualité de vie des patients, mais une proportion importante d’entre eux reste insuffisamment contrôlée, entraînant une détérioration significative de leur qualité de vie. Dans cette étude internationale, Real-world treatment patterns and burden-of-disease of sub-optimally controlled hereditary angioedema Farkas et al., World Allergy Organization Journal, 2025, on aborde ces cas particuliers, en décrivant les caractéristiques et le vécu quotidien de ces personnes.

Méthode

  • Une étude rétrospective, multicentrique, basée sur des dossiers médicaux, a été réalisée entre avril 2022 et janvier 2023.
  • Elle a impliqué 32 centres experts de l’AOH situés dans 18 pays européens, ainsi qu’au Canada et en Israël.
  • 214 patients inclus, âgés de plus de 12 ans, souffrant d’AOH de type I ou II jugés « non contrôlés » par leur médecin.
    • Toutefois, les patients traités avec lanadélumab ont été exclus, car ce traitement n’était pas encore largement disponible.
  • Les patients ont été classés en fonction du traitement qu’ils recevaient : traitement à la demande (on-demand treatment, ODT), traitement prophylactique de fond (long-term prophylaxis, LTP), combinaison ODT+LTP, ou aucun traitement.
  • La qualité de vie a été évaluée grâce à deux questionnaires validés : l’Angioedema Quality of Life (AE-QoL) et l’EQ-5D-5L.

pour mieux comprendre ces méthodes, voir la présentation détaillée de l’AE-QoL sur le site de l’EAACI

Résultats

  • Fréquence des crises : En moyenne, chaque patient connaît 9,9 crises par patient, d’une durée moyenne de 1,9 jour chacune.
  • Répartition thérapeutique :
    • 50,5 % des patients ne prenaient qu’un traitement à la demande.
    • 36 % recevaient un traitement combiné de prophylaxie et d’ODT.
    • 6,5 % n’ont eu droit qu’à une prévention,
    • 7 % n’ont pas été traitées.
  • En ce qui concerne la prophylaxie, les traitements les plus courants étaient des options anciennes : androgènes modifiés (24,7 %), acide tranexamique (9,8 %) et concentrés de C1-inhibiteur (6,5 %).
    * Impact sur la qualité de vie : la moyenne du score AE-QoL est de 44,4 (atteinte modérée).
    • Les femmes ont signalé un impact significativement plus élevé que les hommes (50,9 vs 37,3).
    • L’altération de la qualité de vie s’est considérablement aggravée en fonction de la fréquence des crises : de 41,4 en cas de 1 à 5 crises par an à 73 en cas de plus de 40 crises par an.

Discussion

Malgré la disponibilité de traitements prophylactiques modernes, de nombreux patients dépendent encore de schémas thérapeutiques dépassés (hormones androgènes, acide tranexamique).
Un contrôle insuffisant entraîne une baisse significative de la qualité de vie, en particulier chez les patientes et chez ceux qui souffrent de nombreuses crises.

  • Les conclusions de cette recherche sont les suivantes :
    • La fréquente inadéquation entre les objectifs thérapeutiques (un contrôle total) et la réalité du terrain.
      ** la nécessité de diffuser plus largement les traitements innovants,
    • Il est essentiel d’inclure une évaluation régulière de la qualité de vie dans la prise en charge.

De plus, cette étude met en lumière les inégalités d’accès aux soins de santé entre les pays.

Conclusion

Pour une part importante des personnes atteintes d’angio-œdème héréditaire, la maladie n’est pas suffisamment contrôlée. On constate encore un usage fréquent des androgènes ou de l’acide tranexamique, ce qui démontre une certaine résistance au changement. Les femmes et les personnes ayant plusieurs crises par année subissent un impact considérable sur leur qualité de vie. Il faut continuer d’investir dans le développement de nouvelles approches thérapeutiques et dans l’adaptation des méthodes de suivi.


Voici un article qui illustre une réalité partagée avec d’autres maladies rares et chroniques : comment passer de la possibilité théorique d’une normalisation de vie grâce aux traitements modernes, à une réalité quotidienne encore faite de crises et de limitations ? La comparaison avec l’urticaire chronique, la polypose naso-sinusienne ou l’asthme sévère est éclairante : la disponibilité des biothérapies ne suffit pas, encore faut-il garantir leur diffusion et leur adoption. La lecture de ces résultats doit inciter à un dialogue renforcé avec les patients atteints d’AOH sur leurs attentes, leur qualité de vie, mais aussi sur leurs freins à l’accès aux traitements (limite de prescription, crainte des injections, contraintes de suivi, inégalités de remboursement). Comme souvent en allergologie, la mesure objective (fréquence des crises, scores de qualité de vie) doit être intégrée à une écoute attentive du vécu patient, pour avancer vers un vrai contrôle de la maladie.

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