Histoire naturelle de l’atopie : une leçon d’humilité

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Histoire naturelle de l’atopie : une leçon d’humilité

Histoire naturelle de l’atopie : une leçon d’humilité

jeudi 28 novembre 2002, par Dr Dominique Marchand

Une cohorte 127 enfants atopiques asthmatiques, inclus après tests cutanés positifs à un ou plusieurs aéroallergènes à l’âge de 7 ans, fut réévaluée entre 8 et 10 ans. Un vaste spectre de modifications de la réactivité cutanée est décrit (perte, acquisition de sensibilisations) sans corrélation avec la persistance de l’asthme.

Enseignements fournis par les prick-tests cutanés chez les enfants asthmatiques atopiques : suivi d’une population de l’enfance à la puberté : Kaleyias J, Papaioannou D, Manoussakis M, Syrigou E, Tapratzi P, Saxoni-Papageorgiou P. Allergology Unit, Second Department of Pediatrics, University of Athens, Greece. dans Pediatr Allergy Immunol 2002 Oct ;13(5):368-74

Dans le cadre d’une étude prospective de cohorte nous avons assuré le suivi des sensibilisations allergéniques de l’enfance à la puberté dans un groupe d’enfants atteints d’asthme atopique. Nous avons cherché à corréler les données recueillies et la persistance de l’asthme.

- Un total de 150 enfants avec asthme atopique diagnostiqué à l’âge de 7 ans fût évalué à l’âge de 8-10 ans.
 Une batterie de prick-tests cutanés (SPT) à des allergènes courants environnementaux, l’histoire clinique détaillée et, afin de classifier la sévérité de l’asthme, des spiromètries, furent réalisées.
 Chez 127 de ces enfants une réévaluation fût réalisée à la puberté .
 Diverses méthodes statistiques furent utilisées afin d’analyser les résultats au regard des modifications de la réactivité à divers aéroallergènes testés individuellement et d’un index d’atopie , de manière à mettre en évidence toute corrélation entre ces changements et la persistance d’un asthme à la puberté .

Un vaste spectre de modifications de la réactivité cutanée à des allergènes environnementaux courants fût observé , de la perte complète de sensibilisation à divers allergènes au développement de nouvelles sensibilisations .

 Spécifiquement, 34% des enfants asthmatiques sensibilisés à Dermatophagoïdes
Pteronyssimus et 52,7% des sensibilisés au chat perdirent leur sensibilisation à la puberté , tandis que seulement 7.5% et 11.1%, respectivement , devinrent sensibilisés (p= 0.03 et 0.001, respectivement ).
 Par contre , au regard de la sensibilisation pollinique, 30.2% et 24% des enfants asthmatiques devinrent sensibilisés à la puberté au pollen d’olivier et à diverses graminées respectivement , et seulement 11.7% et 12.5%, respectivement , perdirent leur sensibilisation à ces allergènes (p=0.04 ).
 Un fait intéressant était que la polysensibilisation aux allergènes (>/=4 allergènes ) dans l’enfance était également corrélée avec la persistance de l’asthme à la puberté [p=0.05, odds ratio (OR)=2.65,intervalle de confiance à 95% (IC) 1.2-7.2].

Nos résultats illustrent que des modifications significatives de la réactivité cutanée à des allergènes environnementaux courants peuvent survenir chez les enfants atopiques encore porteurs d’asthme à la puberté. Cependant, aucune association entre ces changements et la persistance de l’asthme ne put être démontrée , quoique les enfants sensibilisés aux allergènes domestiques et polysensibilisés détenaient un plus haut risque de conserver leur asthme à la puberté .


Cette étude, illustration de l’histoire naturelle de l’atopie, suggère beaucoup de modestie quant à la place de l’immunothérapie dans l’asthme atopique , étant donné la grande inconnue en matière d’évolution des sensibilisations en l’absence de toute intervention . Les auteurs de l’université d’Athènes n’abordent d’ailleurs pas la question dans la population suivie ici longitudinalement .

Rappelons que l’immunothérapie avec des extraits allergéniques traditionnels, quel que soit la voie d’administration , est utilisée afin d’induire une tolérance préférentiellement chez l’enfant atopique avant l’installation de l’asthme ou l’enfant porteur d’un asthme modéré avec alors pour objectifs une réduction des scores symptomatiques , de la consommation médicamenteuse , une amélioration de la fonction pulmonaire , de l’hyper réactivité bronchique non spécifique et induite par l’allergène incriminé.

Nous manquons d’études randomisées en double aveugle pour affirmer que l’immunothérapie spécifique d’un allergène modifie l’histoire naturelle de l’atopie , citons toutefois bien que ne répondant pas à ces critères l’étude de Des Roches et collaborateurs ( J Allergy Clin Immunol 1997 ; 99 : 450-3) qui a démontré que l’immunothérapie spécifique avec un extrait standardisé de Dermatophagoïdes pteronyssinus prévient l’apparition de nouvelles sensibilisations chez l’enfant.

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