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Etre « sale » ne protégerait finalement pas si bien de l’allergie.
dimanche 30 mars 2003, par
Dans la pathogénèse de l’atopie, la théorie dite « hygiéniste » soutenant que l’exposition aux pathogènes (bactériens…) dans l’enfance, induisant une réponse immune Th1 préférentielle, jouerai un rôle préventif dans l’apparition des manifestations allergiques, est ici à nouveau discutée.
La stimulation de la synthèse d’ IL-5 par l’entérotoxine staphylococcique comme cofacteur de la pathogénèse des maladies atopiques : à l’opposé de l’hypothèse "hygièniste" ? : T. Heaton1, D. Mallon2, T. Venaille1, P. Holt1 1Institute for Child Health Research, Subiaco ; 2Departments of Immunology, Fremantle and Princess Margaret Hospitals, Perth, Western Australia, Australia dans Allergy 58 (3), 252-256.
– Introduction :
* L’incidence de la colonisation cutanée par Staphylococcus aureus (S. aureus) des patients présentant un eczéma ou dermatite atopique (DA) est d’environ 90%.
* De nombreux arguments impliquent l’infection épidermique staphylococcique dans la pathogénèse de la dermatite atopique. Cependant, les mécanismes responsables des effets de cet organisme dans la maladie ne sont pas clairs.
* Les réponses cellulaires de patients atteints de DA et de sujets atopiques asymptomatiques vis-à-vis des superantigènes bactériens (SAg) ont été étudiés afin d’élucider le rôle de l’entérotoxine B staphylococcique (SEB) dans la pathologie allergique.
– Méthodes :
* Les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) ont été recueillies chez
** des adultes sains non atopiques,
** des sujets atopiques asymptomatiques,
** des patients avec une DA active
** et des patients avec un asthme allergique symptomatique.
* Les cellules ont été cultivées pendant 24h ou 96h en présence d’acariens, de l’entérotoxine SEB ou de phytohémaglutinine (PHA), et les taux de cytokines ont été mesurés dans les surnageants.
– Résultats :
* l’entérotoxine B staphylococcique stimule sélectivement la production d’interleukine (IL)-5 chez les patients avec une DA, mais pas chez les sujets asymptomatiques atopiques ou nonatopiques.
* De plus, nous avons observé une stimulation comparable de la synthèse d’IL-5 par la SEB chez les patients asthmatiques allergiques.
– Conclusions : En raison du rôle central de l’éosinophilie induite par l’IL-5 dans la progression d’un statut atopique moyen vers une forme sévère de la maladie allergique, ces données fournissent un mécanisme plausible par lequel les SAg staphylococciques favorisent le développement de la DA. L’ entérotoxine B staphylococcique pourrait aussi avoir un rôle similaire dans l’atteinte respiratoire allergique.
Les auteurs présentent ici des données originales, démontrant une induction de la synthèse d’IL-5, une cytokine de profil Th2 pro-allergique, par un agent bactérien l’entérotoxine B staphylococcique spécifiquement chez des patients avec une dermatite atopique ou un asthme allergique symptomatique comparés à des adultes sains atopiques ou non atopiques.
Ces résultats sont en contradiction avec l’hypothèse dite « hygiéniste » dans la pathogénèse de l’atopie, en faveur d’un rôle préventif de l’exposition aux pathogènes (bactériens…) dans l’apparition des manifestations allergiques, par l’induction d’une réponse immune de type Th1.
Ce travail, bien réalisé, est intéressant par ses résultats, mais limité en raison de l’absence d’exploration de leur(s) mécanisme(s) notamment au niveau des récepteurs de membrane et de la signalisation intracellulaire mis en jeu par l’exposition des leucocytes à l’entérotoxine.
Cependant, des publications récentes reprises lors du congrès de l’AAAAI 2003 à Denver avaient déjà remis en question la théorie« hygiéniste » dans l’allergie et proposé des hypothèses physiopathologiques modulant celle-ci, impliquant notamment la réponse immune innée, via les Toll-like récepteurs (TLR).
Ainsi, le type de réponse de réponse immune induite et la sévérité de l’asthme dans un modèle de souris allergique est fonction de la dose inhalée de lipopolysaccharide (LPS) bactérien administrée : réponse Th2 à faible dose pro-allergique vs. réponse Th1 à forte dose (J Exp Med 2002 16 ;196(12):1645-51).
La diminution du risque atopique chez les enfants fortement exposés aux endotoxines, comme les enfants de fermiers, a été clairement démontrée, et est reliée à une expression accrue des TLR 2 et 4 (récepteur du LPS) à la surface des cellules circulantes (Lancet 2002 ; 10 360 :465-6).
En conclusion, l’étude de l’expression de ces mêmes récepteurs serait intéressante au niveau des cellules domiciliées au niveau de la peau chez des patients présentant une dermatite atopique comparés à des sujets sains atopiques ou non atopiques, en complément du travail ici décrit.
Bref, pour l’instant, rien ne prouve clairement qu’il faut proposer d’envoyer à la ferme tous les jeunes enfants à terrain atopique !
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