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L’équation « asthme = réponse lymphocytaire Th2 » ne paraît plus aussi simple.
mercredi 9 avril 2003, par
Le « dogme » actuel de la physiopathologie de l’asthme, reposant sur un déséquilibre de la balance profil lymphocytaire T helper1/Th2 au profit des cytokines Th2, est remis en cause dans cette étude qui explore le phénotype des lymphocytes T dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire d’enfants par une méthode originale.
Profil des cytokines des lymphocytes T dans l’asthme de l’enfant. : V Brown1, T J Warke1, M D Shields2 and M Ennis1
1 Department of Clinical Biochemistry, Queen’s University Belfast, Belfast, UK
2 Department of Child Health, Queen’s University Belfast dans Thorax 2003 ;58:311-316
– Introduction : Un déséquilibre de la balance des sous-types de population lymphocytaire T, en faveur des lymphocytes de type Th2, a été proposé dans la physiopathologie de l’asthme.
– Le but de cette étude était de détecter simultanément l’expression des marqueurs de surface et la production intracellulaire de cytokines des lymphocytes T issues des voies aériennes d’enfants asthmatiques ou non.
– Méthodes :
* Un liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) était obtenu par la mise en place d’un cathéter d’aspiration dans les voies aériennes distales immédiatement avant une chirurgie élective.
* Les cellules étaient stimulées avec du phorbol 12-myristrate 13-acetate (PMA) et de l’ionomycine, et la rétention intracytoplasmique des cytokines était réalisée par l’utilisation de monensine.
* Les cellules étaient colorées avec les anticorps adaptés et analysées en cytomètrie de flux.
– Résultats :
* Aucune différence statistique n’était observée entre les enfants porteurs d’un asthme atopique, les sujets atopiques non-asthmatiques, et les sujets sains contrôles pour le pourcentage de cellules CD3+ produisant les interleukines (IL)-2 ou IL-4.
* Cependant, les cellules T positives pour l’interféron (IFN) étaient présentes à un taux plus élevé que les cellules positives pour l’IL-2 ou IL-4.
* Le pourcentage de cellules T positives pour l’IFN était significativement augmenté chez les sujets porteurs d’un asthme atopique (médiane 71,3%, échelle (IQR) : 65,1-82,2 ; n=13) comparés avec les sujets atopiques non-asthmatiques (51,9%, IQR 37,2-70,3 ; n=12), p<0,05 et les sujets sains contrôles (58,1%, IQR 36,1-66,1 ; n=23), p<0,01.
– Conclusions : ces données indiquent que les cellules T produisant l’IFN sont plus nombreuses dans les voies aériennes d’enfants asthmatiques atopiques que chez les sujets atopiques non-asthmatiques et contrôles. Les fonctions pro-inflammatoires de l’IFN pourrait jouer un rôle important dans la physiopathologie de l’asthme de l’enfant et pourrait suggérer que l’asthme n’est pas simplement une réponse à médiation Th2.
Les principaux résultats de cette étude sont que les cellules T produisant l’IFN sont
* (1) plus nombreuses dans les voies aériennes d’enfants asthmatiques atopiques que chez les sujets atopiques non-asthmatiques et contrôles, et
* (2) présentes à un taux plus élevé que les cellules positives pour l’IL-2 ou IL-4 quelque soit le groupe.
Les auteurs en concluent que les fonctions pro-inflammatoires de l’IFN pourraient jouer un rôle important dans la physiopathologie de l’asthme de l’enfant et pourraient suggérer que l’asthme n’est pas simplement une réponse à médiation Th2.
Cette conclusion, uniquement basée sur les données de l’étude qui ne prend en compte que les cytokines présentes en intra-cellulaire pour seulement les cellules CD3+ (lymphocytes), semble un peu rapide.
Il eut été intéressant de mesurer également les taux des cytokines, IFN-Gamma ; et IL-4 notamment, dans le sang et le LBA.
En effet, les cellules CD3+ ne sont pas la seule source de ces cytokines et leur production en IFN-gamma ; et IL-4 ne peut que refléter leur orientation cellulaire Th1(IFN-gamma ;) ou Th2 (IL-4 ) mais pas « l’ atmosphère » globale du patient.
De plus, cette comparaison aurait permis la validation de la technique de cytomètrie de flux dans l’évaluation du statut immunitaire d’un sujet par rapport à des dosages plus aisés.
D’autres auteurs ont également retrouvé, en dehors de toute infection, des taux élevés d’ IFN-gamma ; dans le sang ou le LBA d’enfants asthmatiques (Marguet et al, Am J Respir Crit Care Med 2000 ;162 :1016-22) par rapports à des sujets sains. Ils ont de même évoqué une implication de l’IFN dans la physiopathologie de l’asthme, par exemple dans l’induction de l’expression de molécules d’adhérence (ICAM-1…) impliquées dans l’afflux de neutrophiles objectivé dans le liquide broncho-alvéolaire d’asthmatiques.
Le rôle de l’IFN, antagoniste par ailleurs de nombreuses cytokines de la réaction allergique comme l’IL-4, l’IL-13 et l’IL-5, reste donc à explorer dans la réaction inflammatoire de l’asthme notamment pour ses implications thérapeutiques.
Cependant pour définir le phénotype de la réponse T d’un sujet asthmatique, des auteurs recommandent plutôt l’utilisation du rapport des concentrations IFN-gamma ; /IL-4 dans le LBA. Les patients asthmatiques symptomatiques pourraient ainsi avoir des taux élevés d’IFN, comme dans l’étude présente, mais un rapport diminué par un taux en IL-4 plus élevé et un taux d’IFN plus bas par rapport aux sujets sains ou allergiques non symptomatiques.
Ainsi, des taux élevés d’IFN chez un sujet asthmatique ne semblerait pas contradictoire avec un « profil Th2 ».
Cependant, en immunologie, aucun dogme n’est immuable : attendons donc les prochaines études sur ce sujet pour conclure !
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