Allergie à l’arachide : c’est inné.

jeudi 17 avril 2003 par Dr Arnaud Scherpereel2680 visites

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Allergie à l’arachide : c’est inné.

Allergie à l’arachide : c’est inné.

jeudi 17 avril 2003, par Dr Arnaud Scherpereel

Dans la réaction allergique, l’orientation préférentielle de la réponse lymphocytaire vers un profil de sécrétion de cytokines Th2 (IL-4…) est une donnée établie. Cependant, il est essentiel de corréler ces données très fondamentales avec une observation similaire en clinique chez des sujets allergiques.

Caractérisation des réponses lymphocytaires à l’arachide chez les enfants sains, les enfants allergiques à l’arachide et les enfants allergiques qui ont acquis une tolérance à l’arachide. : Victor Turcanu1, Soheila J. Maleki2 and Gideon Lack1 1 Department of Paediatrics, Imperial College Faculty of Medicine, London, United Kingdom 2 United States Department of Agriculture - Agricultural Research Service - Southern Region Research Center, New Orleans, Louisiana, USA dans J. Clin. Invest. 111:1065-1072 (2003)

La comparaison entre les réponses lymphocytaires vis-à-vis d’aliments allergéniques et non-allergéniques pourrait révéler les différences entre les réponses immunes pathologiques et normales aux aliments.

Définir les phénotypes de production de cytokines des lymphocytes spécifiques de l’arachide issus d’enfants allergiques à l’arachide, d’enfants allergiques qui ont acquis une tolérance à l’arachide, et d’enfants qui ont toujours toléré l’arachide peut être utile pour comprendre les mécanismes de la tolérance alimentaire.

L’évaluation des réponses immunes contre les aliments est cependant perturbée par le fait que les lymphocytes circulants spécifiques d’un antigène alimentaire sont très rares.

Par une nouvelle approche, nous avons utilisé l’ester de succinimidyl carboxyfluorescéine pour détecter les lymphocytes spécifiques de l’arachide par cytométrie de flux.

Nous avons confirmé que ces cellules sont spécifiques de l’arachide par clonage.

Les donneurs allergiques à l’arachide montrent une polarisation Th2 de la production de cytokines par les cellules spécifiques de l’arachide (IFN- bas, TNF- bas, IL-4 haut, IL-5 haut, IL-13 haut).

Inversement, les enfants allergiques qui ont acquis une tolérance à l’arachide, et les enfants non-allergiques ont une orientation vers une réponse Th1 vis-à-vis des antigènes de l’arachide (IFN-haut, TNF- haut, IL-4 bas, IL-5 bas, IL-13 bas), de manière similaire vis-à-vis des antigènes alimentaires non-allergéniques (ß-lactoglobuline, OVA).

Cette découverte suggère que les antigènes de l’arachide n’induisent pas intrinsèquement une orientation vers une réponse Th2 mais que le type de réponse dépend du statut allergique du donneur.

En conclusion, le statut allergique alimentaire est caractérisé par une réponse Th2 alors qu’une orientation vers une réponse Th1 soutend une tolérance orale.


Cette étude distingue clairement les patients allergiques à l’arachide, à la polarisation Th2 de la production de cytokines par les lymphocytes spécifiques de l’arachide, par opposition aux enfants allergiques qui ont acquis une tolérance à l’arachide, et les enfants non-allergiques qui ont une orientation lymphocytaire vers une réponse Th1 vis-à-vis des antigènes de l’arachide.

Les auteurs concluent ainsi que le statut allergique alimentaire est caractérisé par une réponse Th2 alors qu’une orientation vers une réponse Th1 est à la base d’une tolérance orale aux antigènes de l’arachide. Ces derniers ne seraient pas, par leurs propriétés physico-chimiques, l’élément décideur essentiel de l’orientation vers une réponse allergique Th2 d’un sujet ; le type de réponse lymphocytaire dépendrait du statut allergique ou non du donneur.

Cette étude est novatrice par sa technique, précise et relativement simple, d’étude de la réponse immunologique (lymphocytes T sanguins) d’un individu par rapport à un allergène alimentaire.

Les résultats nets obtenus permettent aux auteurs de parvenir à la conclusion claire ci-dessus. Leurs données confortent en clinique les données fondamentales d’une orientation préférentielle de la réponse lymphocytaire vers un profil de sécrétion de cytokines Th2 (sécrétions d’IL-4 forte, d’IFN- relativement faible…) chez les patients allergiques.

Un élément intéressant est la présence de lymphocytes T spécifiques de l’arachide même chez les enfants non-allergiques et les enfants allergiques qui ont acquis une tolérance à l’arachide. Cependant les lymphocytes T spécifiques de l’arachide ont un profil Th1 (sécrétions d’IFN- forte, d’IL-4 faible …) soit d’emblée (enfants non-allergiques), soit secondairement depuis un profil Th2 (enfants allergiques ayant acquis une tolérance à l’arachide) résultant en une tolérance immunologique à l’arachide naturelle ou acquise.

Les auteurs ont obtenu des résultats similaires chez des enfants allergiques à l’œuf ou au lait par comparaison avec des sujets non allergiques. Ainsi, la tolérance à un allergène alimentaire serait secondaire à, ou du moins reflétée par un virage de la réponse lymphocytaire spécifique circulante de l’individu d’un profil Th2 vers un profil Th1. Ce résultat capital pourrait permettre une évaluation de l’efficacité des traitements de désensibilisation orale vis-à-vis d’un allergène alimentaire par cette méthode.

On notera cependant que la présence plus ou moins importante de lymphocytes T sanguins CD4+CD25+ régulateurs, autre mécanisme d’induction d’une tolérance à l’allergie, n’a pas été évaluée chez ces sujets et pourrait constituer un autre marqueur intéressant.

Enfin, comme les auteurs le soulignent justement, la dichotomie « réponse Th2=allergie vs. réponse Th1=tolérance » semble un peu simpliste et pourrait plutôt être : « réponse Th2 majoritaire =allergie vs. réponse Th1 très majoritaire =tolérance ». En effet, chez les sujets allergiques, on retrouve des lymphocytes T spécifiques de l’arachide de profil Th1 (sécrétion forte d’IFN-), représentant 35 à 50% de la population totale des lymphocytes T spécifiques de l’arachide dans le sang de l’individu.

On peut donc à nouveau se poser la question d’une participation de la réponse lymphocytaire Th1 dans la réaction allergique comme l’ont fait d’autres auteurs récemment (cf. l’article présenté sur notre site sur le « profil des cytokines des lymphocytes T dans l’asthme de l’enfant » ; Clin Exp Allergy 2002 Dec ; 32(12) : 1739-44). Cet élément, s’il se vérifiait, pourrait avoir de grandes implications dans la recherche physiopathologique et thérapeutique dans l’allergie.

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